Vendredi dernier, j'ai regardé avec plaisir la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Rio au Brésil, la XXXIe édition des olympiades d'été. Le Brésil tient ces jeux dans un monde bouleversé par des attentats terroristes, un monde olympique aux prises avec des scandales liés au dopage des athlètes et avec une société traversée par une grave crise économique et politique. Au début de ces jeux, nous souhaitons que l'esprit olympique s'exprime par les performances des athlètes et que nous puissions, durant au moins deux semaines, oublier le monde de fous auquel nous appartenons. L'une des plus belles retombées possible de ces Jeux, c'est de nous aider à retrouver notre humanité et à fêter la diversité que l'on retrouve sur notre petite planète bleue. Si j'en crois la cérémonie d'ouverture offerte vendredi par le Brésil, le pari pourrait bien être gagné si les jeux ne sont pas marqués par des scandales de dopage et s'ils ne font pas l'objet d'attaques terroristes. Le Brésil peut quand même s'enorgueillir d'être le premier pays d'Amérique du Sud à présenter des Jeux olympiques. Il ne faudrait pas gâcher notre plaisir.
Le cancer de l'olympisme
Néanmoins, sans oublier la grandeur des performances des athlètes à venir, nous devons réitérer au début de ces jeux les maux qui affectent le mouvement olympique. Sans donner tous les torts au mouvement olympique, on se doit de reconnaître que depuis longtemps les Jeux olympiques ont été instrumentalisés. Ils sont devenus le triomphe de la performance sur le sport comme le rappelait l'historien Pierre-Luc Beauchamp dans le quotidien La Presse samedi dernier. Sans compter l'omniprésence de l'argent et de la corruption dans l'organisation des Jeux olympiques. Pierre-Luc Beauchamp résume bien la situation : « Les Jeux représentent le triomphe de la performance sur le sport, du record sur l'effort et du paraître sur l'être. L'apolitisme de façade des Jeux cache une conception militariste de la compétition entre les nations, comme le sous-entendent les cérémonies dégoulinantes d'hymnes nationaux, de médailles et de drapeaux, héritage de l'idéologie nationaliste et impérialiste du XIXe siècle dans lequel sont nés les Jeux contemporains. Aujourd'hui, cette idéologie est mise au service d'un nouveau colonialisme, celui du marché et de la surconsommation » (Beauchamp, Pierre-Luc. « Le cancer olympique », La Presse, samedi 6 août 2016, p. A23).
Ce n'est pas manquer de respect envers les athlètes et les performances exceptionnelles que nous offrirons au cours des prochaines semaines ces êtres d'exception que de rappeler ces vérités sur ce que nous sommes et le monde dans lequel nous vivons. Nous sommes à l'ère de la société du spectacle et ce n'est pas le mouvement olympique qui viendra gâcher la sauce. Les Jeux olympiques sont parmi tous les événements planétaires auxquels nous sommes conviés l'un des plus grands spectacles de la surconsommation et de l'idéologie marchande qui soient donnés.
Les athlètes et le sport
Ces choses étant dites, il faut aussi se rappeler que les Jeux olympiques sont le lieu de performances exceptionnelles de la part d'athlètes passionnés et dévoués à leur sport. Rien de plus beau à regarder que l'excellence en action. Derrière chaque performance d'athlète, on retrouve une histoire de dévotion à un sport, une discipline de fer, des sacrifices insoupçonnés de ces personnes d'exception. Rien n'est plus spectaculaire que de voir un humain dépasser ses limites et chercher à briser le plafond de verre des performances antérieures. Si l'on oublie un instant le scandale du dopage dans les sports, on peut se dire que l'être humain est capable de grandes choses lorsqu'il se mobilise pour un objectif auquel il croit et consacre le meilleur de ses énergies.
Ces athlètes sont pour nous les quidams une source d'inspiration même s'ils ne sont pas des modèles transférables. Le régime d'entraînement et la discipline que requiert la pratique d'un sport à un tel niveau d'excellence ne sont pas donnés à tous. En vérité, peu d'entre nous seraient capables de se donner une telle discipline. Cela rend le spectacle de la performance de ces athlètes encore plus beau et plus grandiose. Vive les performances d'athlètes!
Une cérémonie toute brésilienne...
Même si les cérémonies d'ouverture des Jeux sont habituellement le moment fort de l'expression du chauvinisme du pays hôte, nous devons être reconnaissants aux gens du Brésil et aux organisateurs de nous avoir donné un spectacle tout en simplicité et sous le regard de la diversité et de l'environnement. La cérémonie d'ouverture fut haute en couleur et nous avons pu en apprendre plus sur l'histoire du Brésil et sur ses luttes contre divers colonialistes. L'idée de créer une forêt des athlètes sur le site des jeux à partir de la plantation d'une graine par chacun des athlètes était excellente. La sensibilisation tout en douceur sur les changements climatiques fut aussi un moment fort de cette cérémonie. Ce sont les Stephen Harper et Donald Trump de ce monde qui en seront mécontents. Les changements climatiques ne sont pas une création de l'esprit. Ils sont la manifestation de faits scientifiques avérés. Il y aurait au moins cela de pris.
La résilience du peuple du Brésil
Ce que j'ai surtout aimé plus que tout c'est la résilience du peuple brésilien qui vit une crise économique et politique d'envergure. Cela n'a pas cependant empêché les Brésiliens présents dans le stade Maracana de faire preuve de grande civilité en accueillant tous les athlètes du monde tout en faisant savoir au monde par les huées envers le président intérimaire, Michel Temer, que tout ne tournait pas rond dans ce pays. Au-delà des scandales, des dépenses faramineuses et de la corruption, le peuple brésilien a fait preuve de beaucoup d'hospitalité envers tous les peuples de la planète sans distinction politique. Les États-Unis ont été acclamés, c'est dire...
Ce que je souhaite c'est que cette résilience des Brésiliens, les performances des athlètes propres puissent être le nouveau départ de Jeux olympiques plus conformes à l'esprit qui les animaient à leurs débuts. Mettre fin à l'escalade des coûts, au gigantisme des installations, au chauvinisme rampant des pays participants sont des points importants à mettre à l'ordre du jour des futurs Jeux. En attendant, espérons tous que, comme Porto Allegre fut un jour porteur d'une nouvelle façon de voir la solidarité entre les peuples, Rio de Janeiro puisse être le début de quelque chose pour l'esprit olympique. On pourrait commencer par éponger la dette énorme que devra payer le peuple brésilien au lendemain de ces Jeux. Malgré tout, le peuple brésilien demeure accueillant, c'est cela la leçon qu'il nous faut retenir du début de ces Jeux. Pourrait-on rêver qu'un jour nous soyons tous happés par l'esprit de Rio?