J'aime
bien la définition du mot jeu que propose le dictionnaire Robert : activité physique ou mentale dont le but
essentiel est le plaisir qu'elle procure.
Je regardais la mine
réjouie des participantes et participants aux 56e Jeux du Québec de
Rivière-du-Loup lors des cérémonies de clôture et ce précieux quelque chose
dans l'éclat de leurs yeux avait de quoi me faire oublier un peu la morosité du
monde des adultes.
Je me suis rappelé
la 6e édition des Jeux du Québec. Ceux de Sherbrooke en 1977.
J'avais 16 ans et je n'avais rien d'un athlète. Mais j'ai été un pas pire
bénévole! Ça se passait au pays de Ktiné, la mascotte raton laveur. Ktiné est
l'abréviation de l'appellation autochtone de la rencontre des Grandes-Fourches.
C'était au lendemain
des Jeux olympiques d'été de Montréal...
Au lendemain, donc,
d'une sombre saga politico-économique pavée de tellement d'énormités! Dépassements
de coûts inexpliqués, érection d'un stade qui n'aura pas été complété à temps,
boycottage des Jeux par les athlètes de vingt-deux pays d'Afrique qui souhaitaient le
bannissement des athlètes de Nouvelle-Zélande parce qu'ils entretenaient des
liens avec l'Afrique du Sud, pays de l'apartheid, et quoi encore?
Je sais, je sais, il
y a des enjeux derrière tout ça. Et je simplifie trop la situation
sociopolitique... Je sais. Il y aura toujours une explication logique qui
explique ceci et justifie cela.
Ma question
demeure : mais qu'est-ce qu'on a échappé en chemin?
Renommons les
choses?
Des fois, je me
dis : ayons au moins la décence d'arrêter d'appeler ça des Jeux olympiques.
Parlons plutôt des Batailles diplomatico-olympiques.
Déjà, à la tête de
la pyramide organisationnelle, le slogan de Pierre de Coubertin ne résonne et ne
raisonne plus. L'important, c'est de participer, disait-il...
L'important
est surtout de démontrer que mon pays est plus fort que le tien. Que mon
drapeau est plus enveloppant que le tien. Les drapeaux, dans ce contexte, ne
sont plus des repères humains pour regrouper les athlètes d'une nation. Ils
sont des symboles de puissance, des leviers pour vanter un système politique
par rapport à un autre et quoi encore?
Les
drapeaux prennent une importance tellement dénaturée que les pires tricheries
sont justifiées, aux yeux des dirigeants. Le tout emballé dans le reluisant
papier de communications efficaces.
Déployé
avec autant d'ampleur, le drapeau ne fait que de l'ombre, au final.
Ce précieux quelque
chose
Voilà
que le précieux quelque chose dont je parlais me revient en tête. Ce précieux
quelque chose dans l'œil des participants aux Jeux du Québec de
Rivière-du-Loup.
Ce
précieux quelque chose que je ne peux nommer, mais qui sème un espoir, un éclat
de lumière.
Le monde
des adultes est hanté par les horreurs de la guerre en Ukraine, les
bouleversements de nos services publics, l'inflation qui fait exploser le coût
des aliments, les taux d'intérêt qui grimpent et grimpent, les conséquences des
changements climatiques, etc.
Bien
assez pour hypothéquer l'espoir.
Et là, à
la fin du bulletin de nouvelles, c'est éclat dans l'œil des athlètes...
Ils sont
visiblement heureux, ces jeunes athlètes. Heureux de fraterniser avec les
autres. Celles et ceux des autres régions. Ils n'en ont rien à foutre que
l'Estrie soit meilleure ou pire que l'Outaouais.
Ils ont
joué. Aux Jeux du Québec.
Bien
sûr, la compétition est à l'agenda. Ça fait partie du jeu.
Mais
j'aime croire qu'ils ont d'abord du plaisir à jouer. À pratiquer leur
discipline.
Autre
chose. J'ai vu et lu assez de témoignages pour comprendre que, pour bien des
athlètes adultes, le plaisir est là. Intact. Et qu'ils considèrent leurs
« adversaires » des Jeux olympiques comme des membres d'une sorte de
confrérie de discipline sportive. Et qu'ils nouent des liens parfois très
forts.
Tout ça,
ça existe pour vrai.
Mais
c'est caché par le vicieux ombrage des drapeaux.
Sur le
podium, en première place, on positionne les Jeux olympiques. En deuxième
place, l'esprit des Jeux olympiques.
Brisons
la coutume cette fois : pour gagner quelque chose, il faut viser la
seconde place!
Clin d'œil
de la semaine
La
politique aux Jeux Olympiques est comme certains parents à l'aréna : ça
irait mieux s'ils n'y étaient pas!