Difficile d'ajouter quoi que ce soit d'original aux
commentaires nombreux et amplement justifiés qui ont souligné la vie
exceptionnelle de Monsieur Jacques Parizeau dont les funérailles nationales ont
eu lieu hier. Qu'à cela ne tienne, je veux y ajouter mon grain de sel.
Jacques Parizeau est un géant de la politique québécoise. Un
géant de l'État du Québec. Il fut un homme de principe, intègre et inébranlable
dans sa volonté de donner aux Québécois un pays. Jusqu'à la fin, il n'aura
jamais dévié de cet objectif pour lequel il n'a pas hésité à sacrifier sa
carrière et d'y consacrer toute sa vie. Il nous a aussi donné notre liberté
économique. Il est le père de la bourgeoisie québécoise. Sans lui, il n'y
aurait jamais eu de Québec Inc. Jacques Parizeau fait partie de la courte liste
des grands bâtisseurs du peuple québécois.
Parizeau,
le leader légitime de l'idée de l'indépendance du Québec
Jacques Parizeau était l'un des plus grands leaders des
souverainistes québécois. Il représentait le plus authentique leader
indépendantiste que le Québec ait connu, l'autre étant Pierre Bourgault. Il a
contribué à libérer les forces économiques du Québec en nous donnant les outils
essentiels qui ont permis l'affirmation du Québec en économie. Il faut être
reconnaissant à Jacques Parizeau, car sans lui nous ne serions pas ce que nous
sommes.
Jacques Parizeau fut aussi un grand des ministres des Finances.
Ses discours du budget sont de véritables pièces d'anthologie. Avec Jacques
Parizeau, jamais de langue de bois, toujours un discours clair, facile à
comprendre.
Ses détracteurs voudraient bien que l'on retienne de lui
comme héritage, la malheureuse phrase de son discours du soir de la défaite du
référendum de 1995 sur : « la faute de l'argent et des votes ethniques ».
Ils ne réussiront pas. Cette phrase, bien que malheureuse, ne fait pas le poids
devant l'œuvre gigantesque de monsieur Parizeau, pour le Québec. Ses prises de position
énergiques contre la Charte des valeurs du PQ sont la preuve que Parizeau n'était
pas un nationaliste ethnique.
Les
commentaires désobligeants sur la mort de Parizeau : une honte pour le
Canada
Aujourd'hui, je veux profiter de ce texte hommage à monsieur
Parizeau pour dénoncer les commentaires disgracieux de compatriotes de langue
anglaise. Ils sont une honte pour le Canada. Ces voix qui se sont fait entendre
sont de véritables insultes non seulement pour la mémoire de Jacques Parizeau,
mais pour le Québec dans son ensemble.
Rappelons les faits. Sur les réseaux sociaux et sur les
sites de médias tels le National Post
et le Toronto Sun, on a pu lire des
commentaires comme « Merci Jacques Parasite, on ne s'ennuiera pas de
toi »; « on aurait dû le jeter en prison pour trahison comme tous les
séparatistes »; « un séparatiste de moins dans le monde est une bonne
nouvelle »; « c'est un vieux fou antisémite et raciste » et la
meilleure des pires : « dans n'importe quel pays digne de son nom, on
l'aurait exécuté il y a
longtemps » Le Journal de Montréal, mercredi
3 juin 2015, p.7 « Pluie d'insultes
au Canada anglais ».
On ne peut que dénoncer ces gens qui insultent la mémoire du
Québec et prouve hors de tout doute qu'ils sont des racistes intolérants. Ce
sont des Canadiens comme eux qui justifient l'existence d'un mouvement
souverainiste au Québec. Ils sont d'authentiques descendants des anglophones
racistes du 19e siècle qui sévissaient dans le sillage du quotidien Montreal Herald. Le premier ministre du
Canada, Stephen Harper, devrait offrir des excuses au Québec et dénoncer ces
propos calomnieux même s'ils sont le fait d'une minorité.
Les
racistes torys du Montréal Hérald du
19e siècle
Le Montréal Hérald était
un journal hebdomadaire de Montréal fondé en 1819 et qui était le porte-voix de
la communauté d'affaires anglo-écossaise d'obédience tory et surtout le bastion des voix les plus extrémistes de ces
conservateurs anglophones. Dans un livre qui vient tout juste publié aux
Presses de l'Université Laval, l'historien François Deschamps de l'Université
du Québec à Montréal (UQAM) nous propose une toute nouvelle interprétation des
événements turbulents du début du 19e siècle qui ont culminé dans
les rébellions de 1837-1838 en nous révélant toute la haine de la rhétorique
politique des discours de ces anglophones torys
du Québec du 19e siècle. Des propos que nous rappellent les
commentaires disgracieux publiés dans le sillon de la mort de Jacques Parizeau.
Plutôt que d'y voir comme plusieurs autres historiens une
rébellion des francophones contre l'ordre anglais colonial ou encore ou un
soulèvement démocratique s'inscrivant dans le sillage des révolutions
atlantiques, Deschamps nous propose une nouvelle interprétation de ces
événements retracés dans les écrits des rédacteurs du Montreal Herald. Il nous présente ces gens comme une faction
radicale au sein de la communauté anglaise. Une faction qui souhaitait
l'assimilation forcée des Canadiens (ceux qu'on appelait les Canadiens français
à l'époque) et l'établissement d'un pays anglais sur le territoire du Québec.
Pour cet historien, les événements de 1837 sont le résultat
d'une dynamique conflictuelle d'une triade entre un gouvernement colonial, une
majorité canadienne (patriotes) et une communauté anglaise tory, dont la faction du Montreal
Herald. Une lecture attentive des sources de l'époque par l'historien
l'amène à conclure que le soulèvement de 1837 est le résultat d'un long
processus et il est le fruit d'un double soulèvement : celui des torys anglophones radicaux contre les
droits des parlants français (les Canadiens de l'époque) et celui de la masse
des Canadiens dans le parti patriote. Un livre fort intéressant qui vient
ébranler beaucoup de certitudes de notre discours historiographique. (https://www.pulaval.com/produit/la-rebellion-de-1837-a-travers-le-prisme-du-montreal-herald-ou-la-refondation-par-les-armes-des-institutions-politiques-canadiennes)
C'est une façon de rendre hommage à la mémoire de Jacques
Parizeau que de rappeler aujourd'hui qu'il existe bien au sein du Canada, hier
comme aujourd'hui, une faction d'extrémistes racistes qui peuvent nourrir la
haine des uns et des autres sur la base de la race ou de la langue. Ils
viennent de se manifester une fois de plus. Chose certaine, Jacques Parizeau ne
faisait pas partie de ces gens-là. Bien au contraire.
Comme l'avait dit Jacques Parizeau à Robert Bourassa à
l'Assemblée nationale en juin 1990 au lendemain de l'échec de l'accord du lac
Meech, il faut parfois entre nous s'expliquer pour prendre la mesure de ce que
nous devons faire ensemble pour préserver notre langue et notre culture distincte
en Amérique du Nord. Il est clair, on peut se le dire entre nous, que les
interprétations de notre histoire sont toujours à parfaire et qu'il est certain
que la thèse d'un Québec libre de son destin sera toujours une option légitime
et faisable si les citoyens du Québec l'entendent ainsi.
Nous savons aujourd'hui que le Québec est capable
parfaitement d'envisager son destin à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada.
Plus que jamais, nous sommes convaincus que le Québec est libre de ses choix et
capable d'assumer son destin dans tous les scénarios possibles. Si nous avons
aujourd'hui de telles convictions, c'est grâce à des hommes comme Jacques
Parizeau. Le Québec décidera lui-même de son avenir. C'est sa population qui en
sera le juge. Merci Jacques Parizeau de cette contribution. Reposez en paix...