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S’encanailler avec les idées à la mode…

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 17 juin 2020

Le verbe encanailler est un très beau mot. On peut y donner plusieurs sens. Je l'emploie ici non pas dans son sens propre qui signifie une sorte de déchéance sociale produite par la fréquentation de la canaille, de gens de rang inférieur ou considérés comme de mauvaises compagnies, mais plutôt dans son sens figuré au sens d'abaisser à une qualité inférieure rendant le tout vulgaire ou trivial.

J'ai découvert ce mot en fréquentant le grand auteur de théâtre français du 17e siècle Molière. Dans L'École des femmes, il fait dire à Climène que : « Il est vrai que le goût des gens est étrangement gâté là-dessus, et que le siècle s'encanaille furieusement ». (Molière, La Critique de L'École des femmes, Scène VI.) C'est le sens qu'il faut donner au titre de cette chronique.

Mais de quoi veut-il nous parler ? Je veux mettre en lumière cette désespérante attitude que nous avons en cette époque, de faire table rase de toute la culture d'hier au nom d'idées à la mode parées de nobles principes défendant la veuve et l'orphelin sans genre et sans couleur. Cette idée qu'aujourd'hui nous possédons une vérité tranquille qui permet de faire tabula rasa des affres de notre passé infréquentable. Cette chronique veut revenir sur le débat sur le racisme qui a cours en occident et de ses manifestations qui mènent à effacer l'histoire comme cette décision de retirer des plateformes de location de films le classique ''Autant en emporte le vent''. Mais quelle est donc cette société qui ne voit que dans le passé le résultat de ses souffrances d'aujourd'hui ? Pourquoi l'histoire, notre histoire, n'est-elle pas un refuge contre les inepties que l'on raconte aux médias et que l'on considère comme vérité indépassable? Réflexions sur les idées à la mode avec pour toile de fond le racisme systémique.

L'esclavage en Nouvelle-France

Prenons cette idée que la société québécoise a un passé esclavagiste parce que l'historien Marcel Trudel a retrouvé dans les archives des preuves attestant la présence d'esclaves noirs dans le régime français. Cela est exact. Il y a eu en Nouvelle-France des esclaves. Même que l'esclavage était un outil d'enrichissement de la monarchie française. Lisons un extrait d'un texte de Lyonel Icart produit dans le cadre des conférences midi du CELAT de l'Université Laval, pour nous en convaincre : « La Nouvelle-France ne se limitait pas à la vallée du Saint-Laurent. Le Premier empire colonial français, qui a disparu en 1763, s'étirait sur un espace gigantesque. Du golfe du Saint-Laurent au golfe du Mexique, des Appalaches aux montagnes Rocheuses, il comprenait aussi la Louisiane. Dernière colonie française fondée en Amérique du Nord, celle-ci "devait combler le vide stratégique qui séparait les possessions insulaires françaises des Antilles (Saint-Domingue, Martinique et Guadeloupe) des colonies occidentales du Nord (Canada et Acadie)". Dans le contexte de l'époque, il était impossible que ces deux entités n'eussent pas de relations entre elles. Mais la politique de l'Empire reposait sur l'exploitation des colonies à son profit en mettant en place des mesures qui ne favorisaient pas leur développement intrinsèque. La Nouvelle-France était un réservoir à fourrures et les Antilles un réservoir à sucre. Toute l'activité économique des colonies était tournée vers la métropole et elles ne devaient pas avoir de relations entre elles, car les besoins des colonies étaient comblés par la métropole qui en tirait des matières premières et y exportait des produits manufacturés et des vivres. »

Bien entendu, des négociants et des armateurs ont contourné les règles afin de maximiser la profitabilité de leurs activités et la Nouvelle-France a profité de la richesse issue de l'exploitation de la force de travail d'esclaves. Cette possible lecture de l'histoire du Québec faisant un lien entre nous les héritiers d'aujourd'hui serait pourtant fausse, car, bien que de descendances françaises, celles et ceux qui sont restés après la conquête anglaise n'étaient pas des membres de l'oligarchie de l'époque. Ceux-là sont partis.

Les autochtones et leurs captifs

Il y avait aussi de l'esclavage pratiqué par les nations autochtones qui transformaient leurs ennemis en esclaves captifs afin de compenser leur décroissance démographique à la suite des infections et des épidémies qui ont décimé les rangs de ces populations causées par la venue des Européens blancs : « Au total, dans le Nord-Est américain, on estime que sur une période de, du début du XVIe siècle au milieu du XVIIIe, la population amérindienne décroit de plus de 70 % voire 90 % dans certains cas, à la suite de contaminations bactériennes surtout, ce qui facilite l'installation et la domination des Européens. Pour se renflouer en femmes et en enfants, les nations autochtones n'hésitent pas à frapper leurs ennemis, minant davantage les démographies indigènes, en partie reconstituées par l'intégration des captifs non autochtones à leurs groupements, ce qui favorise l'hybridation chez elles, mais modestement, tout en contribuant possiblement à les sauver de la disparition. » (Jocelyn Létourneau, La condition québécoise. Une histoire dépaysante, Québec, Septentrion, 2020, p. 40)

La société québécoise a-t-elle été esclavagiste ?

Il y a donc bien eu de l'esclavage en Nouvelle-France, mais pratiqué par le colonisateur français qui a lâchement abandonné en 1760 sa colonie de la Nouvelle-France aux mains des Anglais. On se rappelle des paroles de Voltaire disant que nous n'étions que quelques arpents de neige. Il tombe sous le sens que la France a montré moins d'ardeur à conserver sa colonie que sa rivale britannique en a consenti pour s'en emparer. Commence alors une longue histoire de domination du conquérant anglais sur une population dont la loyauté est toujours acquise à la France bien qu'elle fut abandonnée. La population est canadienne de composition, d'adoption et d'horizon, mais elle demeure française de tradition. (Jocelyn Létourneau, ibid. p. 75.) Le reste de l'histoire sera un combat pour conserver la langue française, la religion catholique et le droit civil français. Ce combat a pris diverses formes, mais il a toujours mis aux prises des colonisés et un colonisateur. Ces colonisés n'ont jamais pratiqué l'esclavage. Ils auraient voulu, ils n'auraient pas pu, car ils n'étaient pas maîtres du jeu.

Reconnaître la nation québécoise

Bref, s'il semble qu'il soit difficile pour les minorités racisées de convaincre le premier ministre Legault du concept de racisme systémique. Il n'est pas moins vrai qu'il est difficile pour le Québec de faire reconnaître par ses mêmes gens que nous sommes une nation distincte de la nation canadienne-anglaise. L'allégeance sans limites de ces minorités à l'idée à la mode du multiculturalisme et de l'individu post-national qui n'a aucune racine et aucune attache n'aide en rien à l'établissement d'un vrai dialogue. Enferrés dans les vapeurs de la diaspora, de nombreux militants contre le racisme et les diverses inégalités font fi du fait national québécois. Ils refusent de nous reconnaître une histoire différente de celle de l'homme blanc colonisateur. C'est là la principale difficulté qui se dresse devant le Québec pour mener le combat essentiel contre le racisme et la discrimination sous toutes ses formes. Nous devons tous ensemble cesser de nos encanaillés avec les idées à la mode...


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