L'abstrait interpelle. Le réel nous parle directement.
Et, le 29 janvier au soir, le concret a parlé fort. Trop fort. Massacre raciste, haineux, intransigeant, inexcusable.
L'abstrait, pour moi, ce sont toutes ces discussions, tous ces échanges que nous avons eus, entre collègues, amis, membres de la famille, sur le sujet de la place des autres dans notre société. Chacun avait sa théorie. Bannir le voile, mettre tout le monde dehors. Forcer tout le monde à manger des « oreilles de crisse » et à danser des rigodons et quoi encore.
Du genre : vous venez chez nous, laissez votre souche à la maison et connectez-vous à la nôtre.
On a jasé charte des valeurs sans trop savoir de quoi on parlait. À grands coups de gueule sur les ondes radio, à grands coups de plume chez les chroniqueurs. Chacun avait sa vérité et cherchait à l'imposer à l'autre.
Trop souvent, l'argumentaire se terminait en disant : « pis si y veulent pas ça, ben qu'y décrissent ! » Ou quelque formulation plus ou moins polie, mais synonyme ou proche parente.
Dit autrement, on étalait bien des états d'esprit et des vérités, mais on ne savait pas vraiment ce qu'on voulait.
Depuis dimanche dernier, jour de massacre, je crois que, collectivement (et à défaut de savoir ce qu'on veut), on sait ce qu'on ne veut pas. Le changement d'angle sera salutaire. Permettez-moi de le croire, en tous les cas.
On ne veut pas de cela au Québec. Mais quand on se demande pourquoi c'est arrivé, les choses se précisent. On ne veut pas de discrimination et d'intimidation à l'école. On ne veut plus de propos injurieux, vicieux et haineux sur les médias publics (radio, journaux, médias sociaux). On veut beaucoup moins de chacun pour soi. Parce que le chacun pour soi isole tout le monde et crée une éternelle incompréhension qui devient haine avec le temps. On ne veut plus de tout ça parce qu'on sait très bien que c'est tout ça qui mené au massacre, de façon plus ou moins directe.
Parlant de la paix
Si vous me lisez depuis un bout, vous le savez. Sinon, je vous le dis : j'aime la musique et les chansons.
Il me revient, cette semaine (et en boucle), la ritournelle de Michel Rivard : Parlant de la paix. Remarquez les expressions qu'on utilise au quotidien : « sacre-moé la paix », "crisse-moi la paix" etc.
Voici ce que Rivard en dit :
Parlant de la paix
Comment voulez-vous qu'on la fasse
Si chaque jour on la fiche on la fout
On la sacre on la massacre
On la crisse on la câlisse
S'cusez mon langage
C'était pour vous montrer
L'étendue des ravages
Si vous voulez savoir
Où s'en va la paix
Ouvrez la télé
Vous verrez que c'est laid
Mais si vous voulez savoir
D'où elle vient
Alors ouvrez-vous le coeur
Et tendez-vous la main
Parlons moins. Agissons plus.
Marchons un mille dans les souliers de l'autre avant de le juger sans appel...
Clin d'œil de la semaine
C'est quand on touche au rond de poêle qu'on réalise que maman avait raison quand elle disait que c'était chaud...