Un franc sourire est né, dimanche matin, lorsque, sur
Facebook, j'ai croisé cette image d'une pancarte brandie lors d'une
manifestation : « Je déclare le gouvernement illégal car il n'a
pas annoncé son itinéraire! »
Un sourire qui mettait un baume sur une semaine triste. La
société dans laquelle j'évolue me fout une de ses trouilles, parfois!
Trois choses m'attristent dans tout ce contexte.
1) La réaction des forces de l'ordre contre les
étudiants.
Il y a eu plusieurs manifestations au cours des derniers
mois. Celles des cols bleus (surtout à Montréal) ont fait manchette. La prise
d'assaut de l'Hôtel de Ville de Montréal a été assez solide. Mais les forces de
l'ordre se sont gardé une petite gêne, si on le dit poliment. On a à peine
réagi quand les manifestants ont fait leur grabuge. Le bleu du col du policier
y était-il pour quelque chose? La question se pose.
Cette fois, ce sont les étudiants qui sortent. Oui, je sais,
les motivations sont un peu nébuleuses, mais visiblement, cette « classe
de monde » est une cible le fun pour les forces de l'ordre. « Ben,
ils ont dit aux policiers, en marchant vers eux, que leur place était au
cimetière! Ceux-ci se sont sentis menacés, ils se sont défendus, c'est tout!
Ben bon pour les étudiants! », ai-je entendu en boucle cette semaine. Les
propos tenus par certains étudiants lors des manifestations n'étaient pas
brillants, mais leur répondre par la violence était une connerie bien plus
grande.
Les étudiants, c'est une cible le fun. On peut leur dire de
fermer leur gueule et les insulter. Ils font partie d'une sous-classe qu'on n'a
pas à respecter. L'opinion publique finit toujours par dire : « Ben,
que les parents les gardent chez eux, c'est tout! » Fin du débat. Un
« ta yeule » collectif qui semble faire du bien. Je ne suis pas un
partisan de la pancarte à tout vent. J'en aurais beaucoup à argumenter avec les
étudiants par rapport avec les manifestations de cette semaine. Mais jamais je
n'accepterai qu'on leur tire en pleine face parce qu'ils sont une cible facile.
C'est lâche. On doit valoir plus que ça comme société.
2) Le discours politique résolument creux.
Le ministre Barrette a fait une apparition à « Tout le
monde en parle ». Les gens de son bureau devaient être fiers : il a
réussi à ne pas répondre aux questions tout en maintenant son petit numéro de
charme auprès de l'auditoire. La ligne de communication du gouvernement est
respectée : on sait exactement ce qu'on fait, mais ce n'est pas vrai qu'on
va le décrire clairement! Il a ensuite refusé les entrevues de fond. Ça ne nous
regarde pas ce que fait l'hypercentralisateur ministre Barrette.
Le ministre Coiteux a réussi, quant à lui, à ne pas répondre aux questions de Mathieu
Beaumont (107,7 Estrie), référant sans cesse aux trois grandes lignes de sa
feuille. Pourtant, Mathieu et ses
chroniqueurs ne font pas partie des « méchants défenseurs de la
gauche », quand même! Mais il n'a rien obtenu du ministre malgré de
louables efforts.
Je me souviens bien du tout premier discours de Philippe
Couillard à titre de premier ministre. Il avait promis d'être un chef d'État à
l'écoute de tout le monde, qu'il allait révolutionner la façon de faire. Il
s'est autoproclamé « personnage affable et respectueux ». Ça s'est
visiblement terminé en même temps que son discours. Ce n'est pas sous sa
gouverne qu'on fera les choses autrement. Jean Charest parlait de réingénierie
de l'État, lui parle de « réévaluation des programmes ». Les deux
implantent un modèle de société sans vouloir en parler.
3)
Le poids des mesures annoncées m'attriste aussi.
J'en ai parlé la semaine dernière (voir la chronique du 23
mars). Disons que le poids a pris du poids cette semaine! On coupe dans les
services directs aux citoyens au nom du déficit zéro dont on refuse de discuter
des modalités d'application.
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Depuis des décennies, les gouvernements successifs répandent
du non-dit partout, couvrant leurs propos d'une couche de phrases creuses et
étudiées pour calmer les ardeurs et endormir l'électeur, qui, ça adonne bien,
ne demande qu'à dormir.
C'est un modèle de gouvernance qui porte la semence de la
violence dans son vent froid.
Clin d'œil de la semaine
Pendant que les électeurs en ont plein le dos, les étudiants
en ont plein la face...