On est de même, au Québec. Il ne faut pas que l'eau soit trouble. Il faut que ce soit clair. Limpide. Le plus possible. Quelle est la place pour la différence de point de vue? Isssshhhhh... La différence de point de vue, ça brouille l'eau. Et l'eau brouillée, on ne sait pas quoi faire avec ça!
Le débat sur la laïcité me laisse perplexe.
Ce n'est pas la laïcité qui me laisse perplexe, c'est le débat! On ne sait pas ou plus débattre. On s'insulte, s'engueule, se referme, mais on ne débat pas. Ou peu. Et on a l'anecdote facile. Pour dire vrai, on cherche désespérément la petite phrase anecdotique qui viendrait résumer notre pensée et, ultimement, littéralement boucher notre interlocuteur tellement la phrase sera forte.
Rappelez-vous (si votre âge le permet!) du débat sur la ceinture de sécurité dans les voitures. Oh! Lala... Quelle affaire! Ça gueulait fort! « Je suis brimé dans ma liberté fondamentale! » « Moi, à cause de la forme de mon corps, je suis limité dans mes gestes! »
Bon, ça, c'étaient certains arguments de base. Mais la petite phrase anecdotique destinée à boucher autrui et fermer le débat : « J'ai un beau-frère qui connaît une femme qui serait morte si elle avait porté la ceinture, faque, hein, la ceinture, moi... »
Probablement que, dans certains cas, ne pas être attaché peut aider. Mais toutes les observations vont dans le sens inverse quand il s'agit de démontrer l'utilité de la ceinture dans un grand nombre d'accidents de la route.
Pour la laïcité, on cherche aussi la phrase anecdotique. Mais on ne débat pas. Ou peu. En lieu et place, on exagère.
« On vient de sortir la religion catholique de l'état et là, on entre l'Islam... »
« La religion, c'est ma culture fondamentale. J'y tiens! Laissez le crucifix là! »
Des exagérations qui viennent démontrer l'absence d'arguments. Déjà que ce n'est pas un débat évident! Tracer une ligne n'est pas chose facile. Prenez la manifestation contre le projet de loi sur la laïcité. Elle était organisée par le Collectif canadien anti-islamophobie. Ça m'agace qu'on ramène le débat sur la laïcité de l'état à celui de l'anti-islam. Je déteste qu'on fasse pousser un argumentaire dans le terreau fertile de la victimisation.
Voici un exemple qui veut illustrer mon idée d'une ligne bien mince.
Je crois important de retirer les crucifix des lieux de prise de décision pour l'ensemble de la collectivité. Il nous appartient d'envoyer un message clair de laïcité dans ces lieux. Qu'on mette ces crucifix ailleurs dans le bâtiment avec une affichette relatant l'importance de la religion dans les décisions et le développement de l'état pendant un grand bout de notre histoire me semble aussi valable. Et pourquoi pas en profiter pour expliquer les tenants et aboutissants de la Révolution tranquille?
Mais de là à affirmer que nous tenons mordicus à ce symbole religieux me semble exagéré et non représentatif de notre façon de vivre. Dit autrement : on peut être pour ou contre le retrait du crucifix des lieux politiques décisionnels, mais quand même, ne nous servons pas la démagogie comme remplacement aux arguments!
Mais une fois cela dit, pour moi, il est clair qu'on ne changera pas le nom des rues qui commencent par « saint » ou « sainte », pas plus qu'on ne brisera la brique des écoles pour retirer la croix qui y est insérée.
Et c'est là que le débat commence : accepter qu'une croix en ciment ou en granit soit insérée entre les briques du mur d'une école veut-il dire que j'accepterais qu'un homme portant une grande croix au cou ou bien qu'une femme voilée enseigne à mes enfants?
Voilà l'illustration de la difficile part des choses. Celle qui commence par une réflexion plus rationnelle qu'émotive. S'il y a un apprentissage à faire dans le débat actuel, c'est celui de débattre, justement! Et apprendre à débattre, c'est apprendre à se bâtir des arguments qui ne sont pas que des anecdotes.
Clin d'œil de la semaine
Sortir les églises catholiques des champs d'éducation et de santé au Québec n'a pas été chose facile.
Question : peut-on faire une omelette sans casser des œufs? Mais, avant : a-t-on besoin de faire une omelette?