C'est toujours la faute de quelqu'un. Rien n'arrive comme ça, par hasard ou par accident.
En ces années où nous avons accès à tout, en temps réel, ces années où chacun vit dans sa bulle ouatée, un constat demeure : dès que quelque chose se produit, il faut un coupable.
Par exemple, un accident survient dans une courbe prononcée. C'est la faute du gouvernement qui construit mal, ne réfléchit jamais et ne fait que des conneries. Ce n'est jamais une distraction ou une erreur.
Ou encore : la fille adolescente de votre meilleur ami apprend à ses parents qu'elle est enceinte. Ce sera la faute de la réforme scolaire qui n'apprend plus les bonnes affaires aux enfants.
Partout, tout le temps, c'est la faute de quelqu'un. Du gouvernement, d'un règlement qui manque, ou encore, d'une norme non appliquée. Et nos enfants sont aux premières loges de nos commentaires et chialages. Collectivement, nous sommes devenus des paranos de la sécurité. Privée ou publique. Pour que tout aille bien, il faudrait vivre dans un cocon moelleux où rien ne peut arriver. Vraiment rien. À l'abri de tout risque. On en est là.
Je me rappelle, il y a des années, ce voisin qui marchait rapidement à côté du vélo de sa fille de trois ou quatre ans qui apprenait à y tenir son équilibre. Une belle image. Un classique, en fait. Aujourd'hui, l'homme serait un dangereux criminel! Sa fille ne portait pas de casque, pas de genouillères et pas de protège-coudes. Vous imaginez? Le bon papa devient un cas de DPJ!
Je me rappelle aussi mon fils qui remonte l'escalier menant à notre appartement. Son visage était couvert de sang. En fait, je l'ai reconnu à sa coupe de cheveux... En jouant dehors, il a sauté d'une hauteur de quelques pieds et, en touchant le sol, sa tête a frappé une borne de métal qui sert à délimiter les terrains. Je n'en ai jamais parlé publiquement, et ce, pour trois raisons : j'ai eu peur qu'on interdise aux enfants de jouer dehors sans une visière protectrice, j'ai craint que l'arpenteur ne soit accusé de négligence criminelle ayant causé des points de suture, mais, surtout, qu'un juge m'enlève la garde de mes enfants parce qu'ils jouaient seuls dehors...
On a échappé quelque chose, il me semble, en chemin. L'équilibre, peut-être.
La sécurité, ça va. Informer d'un danger potentiel, ça va aussi.
Mais protéger systématiquement, ou pire, faire croire qu'il est possible de se protéger de tout danger, c'est dangereux! L'effet devient pervers : si un enfant se sent invincible quand il porte ses protège-tout, c'est lui-même qu'il finira par mettre en danger! Faire comprendre les risques reliés à la pratique du vélo me semble plus logique que d'agir de façon tellement protectrice que l'enfant finira par croire que le vélo est une invention du démon dont il faut se protéger à tout prix...
D'ici au retour du pendule, ou de l'équilibre, je me dis qu'en cette semaine de canicule annoncée, plusieurs enfants jouiront des plaisirs de la piscine familiale. Jouiront peut-être, je devrais dire. Il faut d'abord porter une ceinture de sécurité en tout temps, non? Et pourquoi pas un casque pour éviter les blessures si la tête frappe le bord de la piscine? Ah Oui, des lunettes pour protéger du chlore. Si c'est un garçon, une coquille pourrait bien protéger son avenir s'il lui prenait l'envie folle de sauter à partir du patio alors que le fabricant le déconseille fortement... Des heures de plaisir! Et après, on se demande pourquoi nos enfants sont assis dans un divan confortable à jouer à un jeu vidéo où ils ont des vies tant qu'ils en veulent, où ils peuvent tuer et tout régler dans leur univers, et, surtout, où ils sont en sécurité.
J'y pense, ce serait peut-être mieux si je portais une coquille cette semaine. On ne sait jamais, quelqu'un pourrait mal saisir le sens de mon propos! Ah! Si seulement le gouvernement émettait une règle pour ces foutus chroniqueurs, on saurait quoi penser, aussi...
Clin d'œil de la semaine
« G-8, G-20, G-900 arrestations enregistrées! Un sommet, je crois! » -Stephen Harper