Je ne pensais pas revenir sur le sujet de la grève des étudiants. Et pourtant, comme tout dérape, il faut bien en parler.
J'ai à peu près tout entendu sur le sujet. À partir des petits coups de klaxon pour encourager les piqueteurs jusqu'au fameux « fermez donc vos gueules et payez donc, gang de cr.... »
Après neuf semaines, en moi, il y a un vide. Un trou qui ressemble à une forme de panique.
Je n'en reviens pas de la position du gouvernement dans le dossier. De l'entêtement et de la pensée magique. L'entêtement, c'est d'abord l'attitude d'un gouvernement qui a demandé à ses gens de communication de trouver une phrase qu'on répéterait aux médias: « L'étudiant doit faire sa juste part ». Les penseurs de comm ont vu le mot juste (toujours bien à servir), et faire sa part (qui se veut inclusive). Ils ont ajouté une posologie: répétez la phrase pendant tout le temps qu'il faudra. Allez au bout de la prescription, même si les symptômes s'estompent.
L'entêtement, c'est aussi dans la façon d'analyser la situation. Plus jeune, j'ai vécu des grèves étudiantes qui relevaient, effectivement, de l'anecdote. Quand un litige survient, il convient de laisser passer un peu de temps. Le temps de prendre la température de l'eau, de sonder les fondements des revendications. Mais quand, après neuf semaines, on refuse de s'asseoir à une même table, ce n'est plus du leadership, c'est de l'entêtement.
J'entends, depuis quelques semaines, des gens dire : « oui, mais, au Québec, on veut que tout soit gratuit. C'est de la pensée magique ».
Certains peuvent avoir cette idée, j'en conviens. Pas moi. La pensée magique, à mes yeux, tient plutôt dans le fait qu'on pense qu'on peut tout augmenter, tout le temps, en se foutant des répercussions chez le contribuable et en refusant de regarder nos structures et nos priorités. Juste cette année, on augmente la TVQ de 1%, l'essence de .01¢ le litre, la taxe santé individuelle passe à 200 $ annuellement, on augmente les tarifs d'électricité, les frais de scolarité, bref, on fouille dans les poches du contribuable par tous les moyens. La raison? On a une dette mirobolante, un déficit qui s'accumule et qu'on n'arrive plus à camoufler par de la comptabilité créative.
Ce que dit le mouvement étudiant, au fond, c'est qu'il faut revoir nos priorités. La santé et l'éducation en sont? Voyons-y. La simple explosion des postes de personnel cadre dans ces deux domaines laisse de la place à évaluation, minimalement.
Ce que le mouvement étudiant montre du doigt, c'est un modèle qui est en train d'imploser. Un modèle qu'il faut revoir. On ne peut plus improviser faire comme si rien ne se passait. Selon les dernières données, la famille canadienne moyenne s'endette de plus en plus.
On a improvisé dans le dossier d'Orford (qui n'est toujours pas réglé), dans celui du Suroît, dans celui des écoles juives (tiens, ces étudiants-là, eux, on était prêts à leur en donner de l'argent...Étrange...), dans celui des gaz de schiste. On s'est entêtés comme ce n'est pas possible avant de déclencher une enquête publique sur la corruption dans l'industrie de la construction.
Le lien entre tout ça et le mouvement étudiant? D'abord, tous ces projets ont été modifiés à la suite de pressions populaires. Puis, tous ces éléments pointent en direction d'un changement dans les mœurs. Dans le rétablissement de valeurs sociales qui donnent une chance à tous et qui acceptent de se remettre en question.
Siphonner de l'argent dans les poches des contribuables en refusant de régler le reste, c'est de la pensée magique.
Il en coûtera toujours cher pour vivre en société. Il faut juste s'assurer que cet argent favorise des valeurs de solidarité et de justice sociale. Et ça, c'est un chantier qui demande un changement profond, mais faisable. Cela n'empêchera pas le citoyen de s'enrichir s'il le souhaite, mais cela fera en sorte que l'appareil gouvernemental ne soit plus considéré comme un business en soi.
C'est tout ça que montre le mouvement étudiant et tous ceux qui l'appuient. Ce même mouvement qu'on tasse du revers de la main. Au nom d'une juste part...
Clin d'œil de la semaine
Je reformule la pensée de Confucius pour être sûr de n'insulter personne (insulter demeure l'argument de celui qui n'en a pas) : Quand le sage montre la Lune, il faut s'assurer qu'on ne se concentre pas sur le doigt qui pointe...