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  CHRONIQUEURS / Deux mots à vous dire

Bourassa. Souvenirs entrecroisés.


27 février 2012
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C'est la guerre. La guerre des mots. Des idées. Des souvenirs.

Les proches de Bourassa s'adressent à un auteur : « Votre mission, Monsieur Germain,  si vous l'acceptez, est de redorer l'image de Robert Bourassa. L'homme est mort et la perception qu'on en garde n'est pas très bonne. »

Donc, c'est la guerre. Jean-François Lisée qui prétend que Bourassa a été un tricheur (c'est le titre d'un de ses bouquins consacré à l'homme politique). Georges-Hébert Germain, mandaté l'équipe Bourassa, vient dresser un portrait plus sympathique et chaleureux du personnage.

Une gueguerre de mots...

Pour moi, Robert Bourassa, c'est le politicien qui a été élu avec une majorité écrasante en 1973. 102 députés sur 108, selon mon souvenir. Épouvantable majorité qui avait fait dire à une dame de mon entourage d'enfance, pourtant reconnue pour être libérale, « je ne suis pas sûre que c'est bon, une si grosse majorité. Avoir su, j'aurais voté autrement... »

 Tout de suite, j'ouvre une parenthèse-souvenir sur une expression qui en disait long : la bonne libérale. À une certaine l'époque, sur les ondes de CHLT radio, Roch Guertin animait une émission de type lignes ouvertes : Opinion 63, il me semble... Je me souviens de cette dame qui appelait régulièrement et commençait son propos par : « Moi, Monsieur Guertin, je suis une bonne libérale... »   Qu'on se le tienne pour dit! On a jamais trop su si c'était parce qu'elle était meilleure que les autres de son parti ou encore parce que les gens des autres partis étaient tous moins bons qu'elle. Enfin...

La présence forte, même non-élu, de René Lévesque hantait la vie de Bourassa. Malgré une incroyable majorité, Bourassa n'a fait que trois ans sur un potentiel de cinq lors de ce mandat.

Pour moi, Bourassa est celui qui a officialisé l'utilisation des sondages pour gérer la province. Il me reste le souvenir de l'homme indécis qui ne se branchait pas facilement. Au Séminaire de Sherbrooke, où j'étudiais au début des années 1970, on se plaisait à dire : « La secrétaire de Bourassa s'appelle Ninon. Ninon Ouimet (qu'on prononçait alors Ouimais...)

Dans ma tête, on avait un premier ministre qui était le roi du compromis. Tout pour que les choses passent. Dans les sondages, d'abord, puis aux élections. À ce titre, tout le monde semble l'imiter aujourd'hui. Qu'on ne dise pas qu'il n'a pas été influent!

Je badine évidemment. C'est juste que, rendu à l'hiver 2012, je vous avoue que je suis intrigué par toute cette encre qui noircit du papier sur le cas de Bourassa. Un livre de Georges-Hébert Germain qui sort de nulle part. Et une heureuse coïncidence qui fait en sorte qu'une réédition du livre de Lisée l'affronte sur les tablettes des libraires.

Pour moi, Lisée et Germain, c'est le même combat. Celui de deux hommes qui écrivent sur quelqu'un dans le but non avoué de répondre à une commande. Une commande idéologique dans le cas de Lisée, et une commande tout court dans le cas de Germain.

Ce qui ressort de tout ça?

On aura beau écrire le nombre de pages qu'on voudra pour convaincre les gens de changer leur perception de Bourassa (ou de n'importe quel autre politicien, d'ailleurs), une chose demeure : on ne modifie pas la vision que gardera l'Histoire d'un personnage à grands coups d'essais plus ou moins romancés. L'Histoire s'écrit lentement et prend, minimalement, une cinquantaine d'années à s'exprimer. C'est le temps qu'il faut pour tracer un portrait crédible, moins susceptible, en fait, d'être marqué du sceau du favoritisme.

Alors, M. Bourassa, reposez en paix. Je ne vous en veux pas vraiment, rien à craindre de ce côté. Quoiqu'on écrive, je garde les images que j'ai en tête. C'est le prix à payer quand on vit à la même époque. Quant à Germain et Lisée, il serait le fun que vous passiez à un autre appel...

Clin d'œil de la semaine 

C'est en parlant de Bourassa que j'ai entendu, pour la première fois, quelqu'un lancer la phrase que j'aime tant : « Je ne suis ni pour ni contre, au contraire... »

 

 

 


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