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  CHRONIQUEURS / Deux mots à vous dire

Pôpa et le pouvoir des taxes


16 janvier 2012
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Ils étaient plusieurs à ne pas vouloir regarder La p'tite vie, série culte de Claude Meunier. « Nous sommes un bien petit peuple », plaidaient-ils. Le volet des vidanges énervait particulièrement. Le modèle de l'homme québécois qui classe ses vidanges, qui les place sous clé et qui installe même un système d'alarme pour les protéger avait peut-être de quoi déranger.

Quand j'étais plus jeune, les vidanges, c'était autre chose. Et je ne suis pas si vieux! Je me souviens du temps où l'on avait un bac circulaire, en acier. Chaque semaine, des éboueurs passaient pour vider le corps à vidanges, comme on l'appelait. On ne plaçait pas le bac au bord de rue, nenon! Ils venaient le prendre où il était! Deux éboueurs, qui se tenaient debout sur une petite plateforme extérieure du camion (j'avoue que j'enviais cette partie de la job), descendaient et empoignaient, chacun de son côté, une grande cuve carrée qu'ils approchaient du bac. Ils basculaient celui-ci et déversaient le contenu (pas toujours rigolo) dans la cuve qu'ils rapportaient au camion.

Il faut savoir qu'à cette époque (je parle des années 1970, début 80) on jetait tout, pêle-mêle, dans le bac. À la maison, le sac à poubelle de la cuisine était un sac de papier brun d'épicerie. Oui, des fois, il défonçait à cause des déchets humides. Et tout ce dont on n'avait plus besoin prenait le bord des vidanges. Bouffe, papier, déchets, tout. On prenait ce sac brun plein, et on le jetait dans le bac d'acier. Pas plus refermé que ça. Bonjour odeurs et images grouillantes...

Il y avait deux écoles de pensée en lien avec les éboueurs. Quand on voulait stimuler son enfant pour qu'il aille à l'école, on lui disait que, s'il n'y allait pas, il devrait faire éboueur. Une menace ultime. Il y avait aussi les adeptes du jovialisme, à la Jean-Marc Chaput, qui racontait l'histoire du gars qui avait décidé d'être éboueur et qui, mû par une motivation incroyable, avait décidé d'être le meilleur éboueur au monde, de redéfinir les paramètres du travail. « T'es capable », disait-il, les yeux sortis de la tête.

Chaput aura donc incité à la valorisation des éboueurs. Mais il ne parlait pas de valorisation des déchets. Meunier a parlé, à sa façon, de valorisation des déchets.

Le contenu de nos vidanges est un trésor. Tant par la charge positive que négative qu'il représente. On jette encore nos choux gras, disons les choses comme elles sont. On achète encore des cossins pas chers en se disant « au prix qu'on l'a payé, on le sacrera au chemin s'il se brise ". On jette aussi plein de trucs qui pourraient être valorisés.

Mais on avance. On devient tous des Pôpa et on classe nos vidanges. C'est normal. Essentiel, même. L'humain étant la seule espèce qui génère des vidanges, il va de soi qu'il en soit responsable. Nous sommes donc responsables de nos déchets. Il faut maintenant appliquer le principe aux entreprises. Parce que, selon mon raisonnement, si j'achète un truc emballé dans la styromousse, je deviens responsable des problèmes causés par les autres... Il faut que la notion remonte à la source. Je devrais aussi pouvoir retourner mon cossin qui ne fonctionne plus à son fabricant qui aurait la responsabilité d'en disposer de façon responsable. Ça changerait les méthodes de fabrication. Ce que je dis là est énorme : nous sommes dans une société où la religion est le profit. Et, en lien avec le profit, nous sommes devenus des religieux extrémistes! Construire des cossins de façon responsable coûte cher. Et Dieu Profit est alors dans tous ses états...financiers.

On avance, mais on a du chemin à faire.

Eh, puis, il y a les taxes. Les fameuses taxes. Celles qui, parce qu'elles coûtent cher, nous donnent du pouvoir : « avec toutes les taxes que je paie, je peux bien laver ma cour à grande eau potable et les laisser classer mes vidanges. Avec l'argent que je donne, j'ai des droits. »  Je veux bien, mais le compte de taxes (sic) n'achète pas la responsabilité personnelle.

Ces temps-ci, à Sherbrooke, on vit un virage. Les bacs de déchets ne sont vidés qu'au mois. C'est gros. La Ville cherche à économiser. C'est l'argument donné pour agir de la sorte. Ce n'est pas le bon argument. Pour que le fait d'économiser soit un argument, il faudrait que les taxes baissent en conséquence. Ce qui n'arrivera pas. L'angle à adopter est celui de la responsabilité de chacun en lien avec ce qu'il jette. Passer au mois n'est peut-être pas bête. Mais commencer avec le temps des Fêtes l'est peut-être, par contre. Une cueillette spéciale à ce moment? La Ville nous dit qu'elle l'a déjà fait et que ça n'avait pas donné grand-chose. Le hic, c'est que c'était au moment où on passait aux deux semaines. Pas fort comme réponse.

On prend donc un virage. Et négocier un virage apporte son lot d'ajustements. Pour éviter les accidents dans le virage, il faut mettre les choses en perspective. Il est de la responsabilité des citoyens de s'intéresser aux axes de communication de la Ville. La mascotte-mouette vous parle-t-elle? L'idée n'est pas de dire si la mouette est une bonne mascotte ou non. Il est de la responsabilité du citoyen de prendre connaissance de l'information derrière la mascotte. Tout comme il appartient à la Ville d'être attentive : décréter des choses, c'est une chose. S'assurer que le bon message passe, c'en est une autre. Dans les quartiers où sont regroupées les jeunes familles, la cueillette au mois qui ne tient pas en compte la période des Fêtes sème la colère bien plus que la compréhension des enjeux.

Depuis des lunes, on élit nos décideurs sur les promesses de développement et de croissance. Aujourd'hui, on se retrouve piégés par nos vidanges. Garbage in, garbage out, dit-on en latin... 

Clin d'œil de la semaine

On a recyclé les éboueurs. Reste à s'occuper des déchets.


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