L'annonce de la fermeture de l'usine de fabrication de papier kraft située à East Angus, en Estrie par la direction de Cascades est un véritable drame pour les 180 travailleurs de l'usine, leur famille et pour les autorités municipales d'East Angus. Cette fermeture sera effective le 3 octobre prochain. Une fois encore, nous pouvons constater le déclin du secteur manufacturier dans notre région et au Québec. Ce n'est pas la première fois que l'on entend des gens raconter que « la Shop farme »...
Le Fonds de la CSN tourne le dos :
La singularité de la fermeture de l'usine de papier Kraft de Cascades à East Angus est qu'il y a eu de véritables efforts de la part de Cascades pour passer le flambeau à d'autres investisseurs. Cascades ayant pris la décision de se retirer du marché du papier Kraft, la direction a pris tous les moyens pour faciliter la prise en main par de nouveaux investisseurs. Malheureusement, malgré les efforts et la bonne foi de Cascades, le plan de relance de l'usine par de nouveaux investisseurs s'est traduit par un cul-de-sac et l'annonce de la fermeture de l'usine a été faite. Fin de l'histoire pour 180 travailleurs!
Pourtant, beaucoup de questions doivent être posées en regard de ce dossier. Par exemple, comment se fait-il que le Fonds d'investissement de la CSN se soit retiré entraînant par le fait même le retrait du gouvernement du Québec? À quoi sert un Fonds de capital de travailleurs si ce n'est que de prendre des risques pour sauver des emplois de travailleuses et de travailleurs? Est-ce que cette décision du Fondaction est liée à sa volonté de gérer de façon très prudente les sommes qui lui sont confiées par les travailleuses et les travailleurs? Pourquoi les travailleurs et les responsables du syndicat l'ont-ils appris par la voie des journaux?
Au-delà des raisons qui expliquent la fermeture de l'usine de Cascades à East Angus et qui sont peut-être la seule explication rationnelle de la fermeture de l'usine de Cascades à East Angus, il y a la façon de faire et là le bât blesse pour la CSN. La direction de Cascades a agi de façon exemplaire dans ce dossier, mais le Fonds de la CSN s'est gouverné comme n'importe quelle institution financière. Les syndiqués de la CSN de Cascades à East Angus méritaient mieux, beaucoup mieux.
Fondaction a-t-elle respecté sa mission?
Si on va lire sur le site web de Fondaction le texte qui décrit sa mission, on peut y lire :
« Fondaction favorise le maintien, la création d'emplois ainsi que la participation des travailleuses et des travailleurs québécois à la définition, à l'organisation et au contrôle de leur travail dans un environnement correspondant aux objectifs de développement durable. »
Le plan de relance qui avait été imaginé pour Cascades favorisait le maintien de 180 emplois manufacturiers dans notre région et visait une meilleure participation des travailleuses et des travailleurs. Il favorisait aussi le maintien d'emplois manufacturiers dans une région déjà durement éprouvée par des pertes d'emplois depuis les dix dernières années. Un plan d'affaires a été étudié et la seule explication qui nous a été donnée à nous le public c'est que c'est l'absence d'un partenaire stratégique qui explique le retrait du Fondaction qui a entraîné dans son sillage le gouvernement du Québec. Un gâchis...
L'emploi et le secteur manufacturier :
C'est un secret de polichinelle. Les emplois dans le secteur manufacturier fondent à vue d'œil au Québec. Si on le mesure en matière d'emplois, le pourcentage du poids des emplois de ce secteur a connu un recul assez spectaculaire, passant au Québec de 18,6 % des emplois totaux en 2000 à seulement 12,9 % en 2010.
Comment expliquer ce déclin? Plusieurs des causes du déclin du secteur manufacturier sont bien connues et font largement consensus. D'autres sont toujours l'objet de controverses sur fond de divergences idéologiques et politiques. Bien entendu, certaines de ces causes sont d'ordre structurel, d'autres d'ordre conjoncturel.
De manière très générale, trois principales causes largement reconnues expliquent la désindustrialisation de l'ensemble des pays dits développés :
• L'accroissement de la richesse collective des sociétés occidentales et la hausse concomitante de la demande pour les services davantage que pour les biens manufacturés (des sociétés de consommation... de services, en somme);
• l'accroissement de la productivité des entreprises manufacturières, plus rapide que dans le reste de l'économie (cette productivité expliquant à la fois la baisse de prix des biens et la baisse des emplois);
• la libéralisation des échanges avec les pays du « Sud », là où les salaires des travailleurs sont très bas (c'est toute la question de la mondialisation).[3]
La question qui tue. Que font les gouvernements du Québec et du Canada pour s'attaquer à ce dossier de la relance du secteur manufacturier au Québec? Pas grand-chose devrions-nous reconnaître. Pire encore, ils aggravent la situation en maintenant des contrôles administratifs tatillons et contre-productifs, en subventionnant certains secteurs industriels au détriment d'autres et pire encore, « la politique toute au pétrole » maintient artificiellement un dollar canadien haut par rapport à la devise américaine et freine ainsi les capacités d'exportation des industries canadiennes.
L'avenir du secteur manufacturier :
Le secteur manufacturier a un avenir. Les projections du coût du baril de pétrole pour les prochaines années rendront de moins en moins attrayantes les perspectives de fabriquer à l'étranger avec une main-d'œuvre docile et peu coûteuse. Il faut donc se remettre rapidement à nos planches à dessin et se doter collectivement d'une politique industrielle efficace et porteuse d'avenir. Jusqu'à présent, les villes et les régions sont laissées à elles-mêmes avec leurs maigres ressources pour chercher à relancer leur coin de pays alors que ce que le Québec et le Canada ont besoin c'est d'une grande politique industrielle du 21e siècle. Ça c'est des vraies affaires et nos gouvernants devraient s'atteler à cette tâche dans les plus brefs délais, car nous n'avons pas fini d'entendre des gens dire dans les villes et villages du Québec : « la shop farme vendredi... »