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Femmes sans visages

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Gênant le silence du gouvernement du Canada en égard aux femmes autochtones et disparues. Pourtant, un rapport commandé, à la fin de 2013, par le commissaire de la GRC atteste que l'on peut dénombrer 1 181 cas de femmes autochtones disparues et assassinées et non résolues. De ce nombre, on compte 1 017 homicides et 164 disparitions.

Encore plus gênant de ne pas retrouver parmi les ténors les plus actifs d'un tel dossier, notre concitoyen, le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu. Monsieur le sénateur devrait pourtant être sensible à la cause de ces femmes assassinées et disparues. Il a perdu une fille aux mains d'un meurtrier. On pourrait s'attendre à ce que le sénateur Boisvenu harcèle son premier ministre, Stephen Harper, pour qu'il agisse dans ce dossier et pour qu'il mette en œuvre dans les meilleurs délais une commission royale d'enquête sur cette question comme l'ont demandé les porte-parole des nations autochtones et les premiers ministres des provinces et territoires du Canada. Pourtant, pas un mot ne sort de sa bouche sur cette question. Mais qu'est-ce qui explique notre indifférence à l'égard de ces milliers de femmes victimes de violence? Pourquoi cette question est-elle moins importante pour nous et les médias que l'existence d'une centaine de voyous qui cassent notre mobilier collectif à l'UQAM au nom de l'idéal anarcho-syndicaliste?

Les faits bruts :

Revenons si vous le voulez bien au rapport de la GRC sur cette question :

ü  Les femmes autochtones sont surreprésentées parmi les femmes disparues ou assassinées au Canada;

ü  Il y a des similitudes entre les homicides des femmes autochtones. La plupart ont été commis par des hommes et dans la très grande majorité des cas les auteurs du crime connaissaient leur victime, qu'il s'agisse d'une connaissance ou d'une conjointe;

ü  En 2011, la population autochtone représente 1,4 million de personnes au Canada soit 4,3 % de la population totale. La proportion de femmes autochtones est similaire. Toujours en 2011, il y avait 718 500 femmes autochtones soit 4,3 % de la population féminine totale au Canada;

ü  La population autochtone est plus nombreuse dans les territoires : 86,3 % au Nunavut, 51,9 % dans les Territoires du Nord-Ouest et 23,1 % au Yukon. Viennent ensuite les provinces du Manitoba avec 16,7 % et 15,6 % en Saskatchewan. Dans les autres provinces canadiennes, la population autochtone représentait moins de 8 % de la population totale des autres provinces.

Les faits troublants :

Il est clair dans ce rapport que l'incidence de crimes violents contre les femmes autochtones est nettement plus élevé qu'à l'égard des autres femmes canadiennes non autochtones. Les crimes contre les femmes autochtones sont nettement plus importants, toute proportion gardée, dans les régions canadiennes où il y a une plus grande proportion d'autochtones. Qu'attend le gouvernement de tous les Canadiens pour agir dans ce dossier?

La question de la violence faite aux femmes dans notre société est un véritable enjeu. Nous l'avons vu ces derniers mois avec la question des agressions sexuelles. Même l'ancienne ministre du gouvernement Charest, la très respectée Monique Jérôme-Forget, s'est déclarée victime d'une agression sexuelle alors qu'elle était à la direction de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST). C'est ce qu'elle nous révèle dans sa toute récente biographie publiée chez Libre Expression.

Si la question de la violence faite aux femmes et de façon plus globale l'épineux enjeu de l'égalité entre les femmes et les hommes dans notre société font vraiment partie de nos valeurs québécoises, pourquoi ce silence devant une situation intenable comme celle de la violence commise à l'endroit des femmes autochtones. Le gouvernement Harper est prêt à envoyer nos enfants à la guerre aux confins du monde pour faire triompher les valeurs démocratiques canadiennes et permettre aux jeunes filles de fréquenter l'école en Afghanistan, mais il reste impassible devant le drame de la violence chez les femmes autochtones de notre pays.

Le rapport de la GRC est on ne peut plus clair sur la question. Lisons un extrait significatif :

« Lorsque l'on examine la question des femmes autochtones assassinées ou disparues, il est important de garder à l'esprit la réalité globale de la violence contre les femmes autochtones au Canada. Ces femmes sont exposées à un risque de violence plus grand que les femmes non autochtones. Selon les chiffres de l'Enquête sociale générale (ESG) sur la victimisation, près de 67 000 femmes autochtones avaient déclaré avoir été victimes de violence au cours des 12 derniers mois. Le taux de victimisation chez les femmes autochtones était près de trois fois plus élevé que chez les femmes non autochtones » (Gendarmerie royale du Canada, Les femmes autochtones disparues et assassinées : un aperçu opérationnel national, 2014, p. 7)

Les femmes autochtones représentent 16 % de tous les homicides commis au Canada contre des femmes alors qu'elles ne représentent que 4 % de la population. On constate aussi qu'il y a plus de victimes dans l'Ouest du pays que dans l'Est. On comprend aussi à la lecture de ce rapport de la GRC que la violence faite aux femmes autochtones a aussi pour toile de fond la pauvreté, la toxicomanie et la prostitution. Bref, une culture de pauvreté qui crée un engrenage de violence et qui se retourne en premier lieu contre les femmes.

Y'a-t-il de l'espoir pour les femmes autochtones?

Si l'on se fie aux réactions du gouvernement canadien et du premier ministre Stephen Harper, il y a peu d'espoir pour que cette situation change. Stephen Harper continue de considérer cette question comme un dossier criminel préoccupant et refuse de voir le problème de la violence faite aux femmes autochtones comme un fait sociologique. Shelly Glover, ministre du Patrimoine et des Langues officielles et responsable du Manitoba, a déclaré au nom du gouvernement Harper : « Les provinces peuvent tenir des enquêtes publiques sur la question, elles en ont le droit. Nous autres (le fédéral) on a fait 40 études déjà. C'est l'action qu'il nous faut. Ce qu'il faut, c'est que la police arrête et capture ces meurtriers et qu'ils soient punis. » (Sur les ondes de Radio-Canada)

Heureusement, sur cette question précise, les territoires et les provinces ont une position plus conforme à la réalité. Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a appuyé les Premières Nations qui réclament une enquête publique sur cette question : « Il y a un crime, mais, en dessous du crime, il y a un problème social profond des communautés autochtones et on en connaît les causes. Parmi les causes profondes se trouve la non-réponse à des besoins humains fondamentaux qui font que, dans des communautés du Canada, pays riche, il y a des communautés qui vivent dans des conditions inacceptables. » (Sur les ondes de Radio-Canada)

Nous devons tous joindre notre voix à celle des représentants des Premières Nations et des premiers ministres des provinces canadiennes afin que cesse cette violence faite aux femmes autochtones et que l'on puisse enfin donner un nom et une identité à ces milliers d'êtres humains oubliés, il faut redonner la dignité à ces femmes sans visages...


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