Avoir l'esprit critique. Voilà bien une notion qui manque cruellement.
C'est comme si l'on faisait tout à l'envers. En lieu et place de l'esprit critique, on est devenus, collectivement, « critiqueux en esprit »!
Mais n'allons pas croire qu'il ne s'agit là que d'une inversion sans conséquence. Nenon! L'esprit critique n'a strictement rien à voir avec le chialage. Rien de rien.
L'esprit critique, c'est cette façon de bien écouter le propos d'un autre, de s'y intéresser et, surtout, de s'interroger sur le bien-fondé derrière le propos. Cela peut passer par le fait de vérifier les sources, les faits et les arguments. Sont-ils valables? Tiennent-ils la route? La source est-elle fiable?
Cette partie faite, le résultat devient une fondation relativement solide pour se bâtir une opinion.
Allez, j'en entends dire : « c'est ben compliqué, ton affaire! J'ai une vie, moi, je lis deux ou trois chroniqueurs et je me fais une opinion. Ils ont réfléchi, eux, non? »
S'ils ont réfléchi? Probablement. Mais cela ne devrait pas mettre votre esprit critique à « off » pour autant.
La semaine dernière, j'ai vécu une expérience fort rafraîchissante. Et enrichissante, de surcroît!
Je participais à un colloque intitulé « La mort, parlons-en » à la grande bibliothèque de Montréal. Un des sujets touchés, celui de l'épineux projet de loi qui veut encadrer le fait de mourir dans la dignité.
À la place d'une seule personne chargée de faire le tour de la question, trois invités étaient là. Un représentant du Collège des médecins (plutôt contre), une représentante des intervenants en soins palliatifs (plutôt pour) et un philosophe (plutôt questionnant!). Vous remarquez que les positions ne sont pas complètement noires ou blanches.
Si le Collège des médecins considère que la loi n'est pas nécessaire, le représentant hochait régulièrement la tête, approuvant plusieurs propos de la représentante des soins palliatifs. Et vice versa.
Mais les points de vue étaient documentés, le ton calme et le respect omniprésent.
Notre ami philosophe a beaucoup insisté sur le fait que ce qui est véhiculé par l'opinion publique ne doit pas pour autant être automatiquement considéré comme une vérité. Il faut aller plus loin. Pareille législation doit reposer sur des bases plus solides.
Tout cela a duré une heure.
Une heure après laquelle chacun retournait à sa table à dessin et devait, par la force des choses, redessiner son opinion.
Je vous le dis, j'ai vécu la chose comme une expérience rafraîchissante. Et je me suis demandé pourquoi on n'arrivait plus à débattre d'enjeux comme ceux-là, de façon éclairée et respectueuse, dans notre société? Pourquoi l'on a eu droit à une cacophonie de nounouneries méchantes lors des dernières élections en lieu et place de débats de fond?
Je peux maintenant vous le confirmer, ça se fait de débattre correctement, même avec des idées souvent opposées.
Dès qu'ils auront fini de légiférer sur le fait de mourir dans la dignité, j'invite nos politiciens à apprendre à vivre dans la dignité. Franchement, ça changerait de la routine habituelle.
Clin d'œil de la semaine
J'écris sur la dignité et je regarde d'un œil le coup de bâton salaud Milan Lucic des Bruins de Boston. Étrange contradiction!