L'évolution est tout sauf une science exacte.
On va souvent un trop d'un côté pour ensuite virer
de bord et on va trop de l'autre côté, pour finalement ramener le balancier
plus au centre.
Peut-être est-ce un signe des temps modernes où la
vitesse semble tout éclipser sur son passage, mais voilà que Woke et Ward se
retrouvent dans l'actualité en même temps.
Comme si le balancier était en même temps d'un côté
et de l'autre.
D'un côté...
Je ne connais pas si bien le mouvement Woke, j'en
conviens. Je ne m'attarderai pas à ses composantes et ses motivations
profondes. Je veux surtout mettre en lumière des éléments qui me heurtent.
Je n'aime pas, a priori, les mouvements qui dictent
des états d'esprit. J'aime bien que des courants s'installent dans la rivière
des pensées sociales, économiques et communautaires, mais je hais quand ça se
traduit par un mouvement qui exclut systématiquement celle ou celui qui ne
pense pas exactement comme soi.
Dit autrement, je déteste quand le fait de faire
partie d'une mouvance porte à croire que quiconque ne pense pas comme soi est
moins bon. Qu'il a moins de valeur !
Qu'il est, à la limite, méprisable !
C'est ce que j'appelle l'approche religieuse :
établir une pensée hyper encadrée et en arriver à croire que le salut passe par
cette pensée.
Je vois de ça dans l'évolution du discours Woke. À
tort ou à raison, j'y constate une sorte de bien-pensance malsaine qui exclut
au lieu d'inclure. Qui évacue tout débat. Il est malsain de constater que le
simple fait d'être outré semble nous donner tous les droits d'attaquer tous
azimuts.
On vise cette espèce d'épuration des mots en pensant
que ce qui est pur en apparence l'est en réalité. Cette bien-pensance amène à refuser
de lire des bouquins à l'université parce qu'ils contiennent certains mots
qu'on ne doit plus prononcer. La même bien-pensance amène aussi à condamner, au
tribunal populaire des médias sociaux, une enseignante qui mentionne le mot en
N dans un contexte particulier de son cours universitaire.
De l'autre côté...
En même temps, la Cour suprême entend la cause de
Mike Ward contre le « petit Jérémie ».
La libre expression poussée à l'autre bout du
spectre. Le droit de dire ce qu'on veut, comme on veut, sur n'importe quoi,
n'importe qui, dans toute situation. La Cour Suprême a tout un défi sur les
bras : jeter les bases des limites de la liberté d'expression. Rien que
ça!
Voilà où nous sommes. Avec cette présence, en même
temps dans l'actualité, du mouvement Woke et de la cause Ward!
Les droits et les devoirs
L'affaire, là-dedans, c'est qu'il y a bien des
écoles de pensée, mais que toutes et tous, nous gravitons dans la même cour
d'école!
Nous vivons dans une société dans laquelle nos
droits sont reconnus. Mais le fait d'avoir le droit de dire ou faire quelque
chose nous permet-il, moralement, de
dire ou faire telle chose?
Le jugement de la Cour Suprême ne me fera pas
acheter un billet pour voir Mike Ward. Ce dossier était réglé bien avant le
petit Jérémie. De même, je n'accepterai jamais qu'on puisse rabaisser quelqu'un
sur le simple fait qu'il ou elle a dit un mot dont on vient de décréter
l'interdiction.
Chaque chose a son contexte. Et l'évaluation de ce
contexte ne relève pas du droit de dire ou faire quelque chose, mais bien du
devoir du citoyen. C'est plus engageant, surtout dans le contexte où on doit
évoluer dans la même cour d'école.
Les extrêmes
Je me méfie des extrêmes. La bien-pensance qui veut
laver plus blanc que blanc, qui veut même redéfinir l'histoire pour la rendre
plus belle!
Je me méfie des initiatives qui viennent nous priver
de lectures qui pourraient mettre un contexte dans l'équation. Je n'aime pas
les mouvements qui viennent te coudre un blason à la boutonnière, faisant
automatiquement de toi quelqu'un de mieux que l'autre. Quelqu'un qui a le droit
de mépriser l'autre.
En même temps, je me méfie de celles et ceux qui
fessent sur l'autre (verbalement) juste parce qu'ils ont le droit.
Les défis sociaux sont immenses.
Sur la planche de travail, il y a cette nécessité d'en
arriver à vivre avec des réalités culturelles et économiques multiples. Ces
réalités ont et auront des répercussions communautaires.
Je ne crois pas que ce soit en se collant à des
mouvements dont la pensée est unique et exclusive (par opposition à inclusive) qu'on
va devenir rassembleur en société.
Clin d'œil de la semaine
Faudra-t-il éviter les mots en W ?