Au moment de l'annonce d'un éventuel retrait de l'obligation
de porter le masque en public, j'entends le commentaire : « enfin! Si
ça peut-tu revenir comme avant! »
J'ai hâte que l'air frais ne trouve plus obstacle devant mes
narines, j'avoue.
Le commentaire qui me dérange un peu plus est
fréquent : « ça fait 2 ans qu'on peut absolument rien faire! »
Ça, pour moi, c'est de la mauvaise foi. Une mauvaise foi
qui, une fois répandue, mène à des convois pour la « libarté ». Je
l'écris comme ça pour faire une distinction entre le concept de liberté et
celle qu'on gueule nous avoir volée.
Mauvaise foi parce qu'à travers ces 24 derniers mois, il y
en a eu plusieurs où on est retournés au restau, au cinéma, dans les salles de
spectacle. Il y en a eu plusieurs où on pouvait se regrouper en petits groupes.
La plupart de ces mois (sauf les trois premiers, peut-être), on pouvait se voir
à l'extérieur.
Mon point est le suivant : dire qu'on ne pouvait
absolument rien faire n'est pas exact. Et ce n'est pas que du gossage de ma
part. C'est dangereux d'entretenir ce sentiment que nous sommes des prisonniers
bafoués de toute liberté. C'est sain quand c'est vrai, mais dangereux quand ce
ne l'est pas. Et quand on joue à la victime et qu'on nourrit nos statuts de
médias sociaux de nos états d'esprit, voilà qu'on se crinque pas mal fort,
aidés par les algorithmes, et que ça vient distortionner la réalité.
Bref, au-delà de ce point de vue, est-ce qu'on veut vraiment
que tout revienne comme avant?
J'avoue que je me plais bien dans un calendrier social,
disons, allégé. Le rythme de nos jours déboule encore très vite. Trop, des
fois, il me semble. Je crois que je serai un peu plus sélectif sur les offres
de rencontres sociales.
Je me dis qu'il me faut trouver l'espèce d'équilibre entre
quantité d'événements et qualité d'événements. Toute ma vie professionnelle a
été truffée de rencontres sociales plus ou moins obligées. La pandémie a forcé
une remise en question.
Ce qui me console, c'est que les élans de générosité envers
les organismes communautaires sont généralement demeurés. Ils se sont exprimés
différemment, puisque la situation l'exigeait, mais les élans étaient là.
Voilà bien une des choses que la pandémie a révélée. Pas
tant la générosité des gens, mais l'importance cruciale du réseau communautaire
comme ciment de la société. Il faut tellement garder ça en tête! On ne peut
imaginer l'effondrement et le déchirement du tissu social sans les organismes
communautaires. J'ai la conviction que
si les choses ont été plus difficiles au Québec, malgré les restrictions
souvent plus serrées qu'ailleurs, c'est que la pandémie a mis en lumière les
faiblesses de notre système de santé et de l'appui public au réseau
communautaire.
Alors, quand on me dit que tout doit revenir comme avant, je
lève la main pour apporter une objection!
Je sais, je sais, ce n'est pas vraiment ce que veut dire l'expression :
« si ça peut-tu revenir comme avant! »
Mais ça aussi, ça fait partie du problème.
À tout vouloir ramener dans des phrases choc de quelques
mots; à vouloir être informés à coups de topos de bouffant pas plus de 25
secondes de notre temps précieux; à trop tourner les coins ronds en multipliant
les « t'sais veux dire » et en soustraillant l'effort de
compréhension du fonctionnement de notre société, on s'éloigne de la réalité et
on contribue à affaiblir notre milieu de vie, plutôt qu'à le renforcer.
Et un mot sur la liberté en terminant. 8 millions de
libertés individuelles ne s'additionnent pour donner une liberté de société
forte.
J'ai hâte de pouvoir enlever mon masque aussi. Mais faisons
en sorte que cet apport d'air frais à nos narines ne nous fasse pas oublier que
de l'air frais, nos institutions de santé et du réseau communautaire en ont
besoin aussi.
Faisons en sorte que cet apport d'air frais ne nous referme
pas sur nous-mêmes au point de redevenir des entités personnelles qui oublient
qu'au-delà de « son petit bien-être à soi », il y a le fait qu'on est
tous drapés dans un tissu social qu'on a avantage à entretenir.
Clin d'œil de la semaine
À ce moment précis, je ne sais pas trop comment je réagirais
à une invitation à un bal masqué!