Autant le dire sans autre préambule : la campagne des conservateurs a été minable. Ou brillante. C'est selon.
Minable au sens où les publicités destructrices (à la sauce « droite américaine ») ont déferlé jusqu'à plus soif et encore plus. M. Harper a aussi identifié le fait « d'avoir de l'argent pour sa retraite » comme une valeur québécoise. Minable. Les vérités escamotées, travaillées, botoxées, ont aussi déferlé. Minable. M. Harper a refusé les demandes d'entrevue de fond (se disant que paraître sympathique en direct à la télé avec Éric Salvail faisait tout aussi bien...). Il a refusé de répondre aux questions des journalistes après les points de presse. Il a refusé de jouer le jeu de la démocratie. Minable. Et je ne parle même pas du Niqab, devenu outil pervers de mobilisation raciste destiné à galvaniser les troupes.
Il a poussé le minable jusqu'à ne pas dire lui-même qu'il quittait son poste de chef, mandatant le président de parti de le faire à sa place. Ce n'est pas Harper qui a dit à ses députés qu'il quittait. Il l'a fait dire par un autre. Probablement pour qu'on ne conserve aucune vidéo de la chose.
Une campagne minable.
Ou brillante, c'est selon.
Brillante au sens où le type de pouvoir qu'exerçait Harper en était un de quasi-dictature. Caché derrière le bouclier presque étanche de la majorité au parlement, il a ramené toutes les décisions, tous les pouvoirs, à son bureau. Ses ministres étaient devenus des pantins. On a pu constater l'extraordinaire futilité du rôle qu'Harper accordait à ses ministres (sauf quelques très proches) en écoutant l'inutile ministre de l'Environnement prendre position sur les déversements d'eaux usées de la ville de Montréal dans le St-Laurent. Pardonnez le lien, mais il y avait autant de m... dans le discours que dans l'eau à être purifiée...
« Va voter pour moi et rendors-toi, mon fils », semblait dire Harper, jouant au prophète tant attendu...
Et il y a eu le 19 octobre.
Je me suis allé au lit au moment où il était certain qu'Harper n'était plus et que Trudeau s'installerait. Je me disais que j'attraperais les discours officiels rapidement à mon réveil. Ça finit tard, les élections, au Canada!
Je me suis aussi dit que j'avais hâte de lire des trucs sur les médias sociaux dans mes groupes rapprochés.
Je n'ai rien écrit sur Facebook. Mes amis non plus. Deux ou trois petits commentaires de félicitations pour Pierre-Luc Dusseault. Le reste, niet. Rien.
Le lendemain de veille m'a surpris. Assez pour vérifier autour de moi. Le constat était partout le même : au moins, Harper est parti. Le reste, on verra.
Puis, j'ai pensé à Trudeau. Fils. Essayant d'oublier le père. Je l'ai vu avec ses enfants (habillés en mou et turbulents même si la caméra était là). J'ai vu Trudeau dans le métro le lendemain matin de son élection. J'ai entendu Trudeau dire qu'il inviterait Madame May, chef du Parti vert, au sommet de Paris sur l'environnement.
J'ai constaté tout ça et ça m'a fait drôle.
Mon premier réflexe n'était pas de dire que ces gestes étaient habilement calculés pour plaire. Par définition, tous les gestes qu'on pose dans le cadre de notre travail sont calculés. Un calcul qui souhaite démontrer une façon d'être et de faire.
Et si la façon d'être et de faire était au moins un peu différente?
J'ai reçu ces gestes comme une embellie dans un ciel plombé de nuages. Comme un espoir après 10 ans de désespoir. Et j'ai réalisé, surtout, ceci : au fil des ans, nous avons été critiques envers nos élus. Puis, nous sommes devenus carrément cyniques. Après? Après, il ne restait que l'indifférence défensive. Celle qui devient mortelle pour la démocratie. Celle qu'Harper souhaitait tant pour pouvoir régner sans trop de problèmes.
Je n'ai rien oublié des scandales des libéraux. Rien.
Mais, habité d'une forme d'espoir, j'ai quand même un peu plus le goût de me réinvestir comme un citoyen doit le faire.
Pour la suite, on verra. Au moins, Harper n'est plus là.
Clin d'œil de la semaine
Monsieur Trudeau, vous n'aurez pas deux ou trois chances de vous démarquer. Un mandat. Justin...