Un bon matin, on réalise que ça ne fait pas sens. Pour une raison ou une autre, un beau jour, le tourbillon de notre vie ralentit momentanément et l'on constate, surpris, qu'on ne sait pas trop où tout ça nous mène.
C'est le cas de Gabrielle. Jeune femme, début vingtaine, qui vient d'entrer dans un grand bureau où des dizaines de personnes pratiquent la profession pour laquelle elle a consacré ses dernières de vie comme étudiante. Elle y est, elle est arrivée! Pourtant, l'aboutissement n'anime pas la joie espérée. Elle n'est pas sûre d'être à la bonne place. Elle voudrait contester des aspects éthiques du travail, mais elle se heurte à des « c'est de même que ça marche, alors, continue, allez! »
C'est comme Alex. Jeune homme équilibré, qui est allé au bout du cheminement académique comme on franchit les étapes d'un jeu vidéo. Il connaissait l'objectif ultime : réussir le grand examen final. Un genre d'examen destiné à trier les meilleurs des bons. Après deux coups, Alex a gagné. Yes! Avec raison, il a célébré. Évidemment, ses résultats d'examen ont ouvert toute grande la porte à la réussite professionnelle. Mais, là, bien... il ne sait plus trop...
Gabrielle et Alex cherchent la même chose : une quête, un objectif à atteindre qui soit concret. Quelque chose qui aurait autant de sens que les étapes d'un jeu vidéo, mais qui serait collé à la vraie vie. Qui ne serait plus un jeu. Qui ne serait plus de la théorie, mais bien de la pratique. Quelque chose qui allumerait ces éclairs de joie qui étincellent, çà et là, sur le parcours de quelqu'un pour qui le résultat du travail est en lien avec ses convictions et ses valeurs. Sentir que ce qu'ils font pour « gagner leur vie » est conséquent avec ce qu'ils sont comme être humain.
C'est là que ça se gâte pour eux. Et pour bien d'autres.
Gabrielle continue. Pour le moment, à tout le moins. Alex a quitté son emploi. En toute sérénité). Pour le moment, sac au dos et cœur ouvert, il voyage.
La marche du 27 septembre est tout sauf anodine.
Elle proposait un moment de grève au nom de l'environnement. L'environnement, c'est la pollution et les changements climatiques, bien sûr, mais c'est aussi sa propre vie. Le questionnement par rapport à cette quête effrénée où la performance anesthésie nos sens. Et sans nos sens bien éveillés, pas de sens à la vie. Méchante affaire, quand même!
Le 27 septembre, des jeunes et moins jeunes ont marché, pacifiquement, dans une sorte de joie un peu surprenante vu les enjeux en cause.
Surprenante, disais-je? Peut-être pas tant! La joie que j'ai vue dans les yeux des participants, c'est celle qui est contagieuse. Vous savez, cette joie qui nous anime quand on marche en sachant où on va et pourquoi on y va? Cette joie de donner un sens à un geste aussi anodin que celui de marcher? Et cette joie de côtoyer des gens qui, épaule à épaule, marchent dans le même sens?
Vous savez, cette joie qui devient un espoir?
Quand on ne sent plus cet espoir, quand on prend conscience qu'il y a un vaste problème environnemental et que personne ne réagit, on peut devenir anxieux. Écoanxieux.
Pour contrer l'anxiété, il faut lui opposer l'espoir. Parce que l'anxiété seule provoque la colère, l'isolement, le dégoût (de soi et des autres). L'espoir se nourrit de l'action, du sens qu'on donne à nos pas, de notre volonté de porter un message, à sa toute personnelle façon.
Opposer l'espoir à l'écoanxiété, c'est se concentrer sur ce qui marche et agir en conséquence. C'est prêcher par l'exemple en ne gaspillant pas d'énergie inutile à confronter l'autre dans ses choix. La simple confrontation rapporte bien peu et, en fin de compte, provoque souvent l'isolement, chacun se renfrognant et bâtissant un mur autour de ce qu'il croit être correct. Et le repli sur soi n'amène aucune forme de joie motrice.
Notre mode de vie pressurisé, nos habitudes de consommation excessives et les changements climatiques. Ces trois éléments existent. Scientifiquement démontrés. S'enfouir la tête dans le sable bitumineux est bien inutile.
Et l'anxiété de l'individu qui est confronté à pareils constats existe aussi. C'est réel.
Opposer l'espoir à l'anxiété de l'individu, c'est mettre en place les actions pour prendre la charge qui repose sur un individu et la répartir sur la collectivité. Nos efforts individuels de recherche de sens sont essentiels. Mais la réponse finale est et sera collective.
Clin d'œil de la semaine
Il y a des décennies, les politiciens plaidaient pour un Québec fort dans un Canada uni. Maintenant, ils plaident pour un pétrole fort dans une économie verte...