L'exercice de la démocratie américaine a quelque chose de fascinant pour nous les voisins du nord. D'abord, les États-Unis d'Amérique sont toujours en élection. On assiste depuis plus d'une décennie à un phénomène de blocage entre les États du sud et les États du nord. Il y a deux Amériques. La conservatrice et la modérée. Puis, il y a le Tea Party et ses radicaux qui bloquent toutes les initiatives un tant soit peu généreuses envers les démunis. Sans compter les voix qui s'élèvent contre le contrôle des armes à feu, contre l'immigration et pour le recours à la guerre afin de rétablir la suprématie américaine dans le monde.
C'est sous cette toile de fond qu'il faut comprendre le phénomène Donald Trump. Personnage hors du commun qui se caractérise par un narcissisme jamais vu et par des propos que nous jugeons ridicules nous au nord, propos qui pourtant marquent des points importants auprès de nos voisins du sud. Radioscopie d'une démocratie en déliquescence...
Imbuvable Trump
Autant le personnage est fascinant en soi, autant il est imbuvable. Il est un homme honni, mais en même temps il s'impose dans la présente course à l'investiture républicaine à la présidence. Il est riche et puissant. Il tient des propos ridicules. C'est un clown narcissique qui dit n'importe quoi en déversant son venin sur tout et sur rien. Il ne craint pas de mentir pour arriver à ses fins. Avec Trump, le « politically correct » en prend pour son rhume. En fait, Donald Trump est le produit le plus achevé de la faillite des démocraties libérales. Il en est la synthèse la plus parfaite.
La faillite des démocraties libérales
Si on tente de réfléchir aux sources du succès de Trump sur la scène politique américaine, on doit se rendre à l'évidence, il puise son existence avant tout dans le cynisme ambiant dans lequel nous sommes plongés, nous, les démocraties libérales. Le cynisme est profond dans la société américaine à l'égard de la politique. Depuis le scandale du Watergate, l'impuissance du Congrès à s'attaquer aux vrais problèmes, le cynisme s'approfondit. La force de Trump c'est qu'il s'attaque à la crédibilité des hommes et des femmes politiques. Il trouve un écho favorable auprès d'une frange importante de la population.
La faillite de l'État américain à combattre les injustices et la violence qui ont cours dans la société américaine ajoute au cynisme. Les politiciens disent une chose et en font une autre. Lorsque les gens se demandent si leurs vies étaient meilleures ou pires qu'avant, ils ne peuvent que se désoler de voir la dégradation de leur niveau de vie. La classe moyenne, longtemps le ciment de la démocratie américaine, s'étiole et voit de plus en plus une minorité qui s'enrichit au détriment d'une majorité toujours plus importante qui s'appauvrit.
À ces problèmes fondamentaux s'ajoutent ceux du racisme qui revient au galop dans la société américaine ainsi que la faillite des politiques d'immigration. Ces ratés de la politique intérieure américaine ne font que fournir un terreau fertile au discours de Trump sur les ravages des influences étrangères. Tout y passe. Les Mexicains, les musulmans, les Russes et même les Canadiens. Le monde se dresse contre les États-Unis d'Amérique et en plus, ce pays doit accueillir la racaille mexicaine, prétend Trump.
Sans compter la peur du terrorisme qui nourrit l'insécurité et l'incapacité pour les États-Unis d'établir son autorité dans plusieurs régions du monde où des conflits perdurent. La Chine est un nouveau joueur que les États-Unis ont de la difficulté à maîtriser. Le rêve américain est en panne...
La société des célébrités, de l'argent et du Bling-Bling
Ce qui ne vient pas améliorer les choses, c'est que nous vivons plus que jamais dans une société du spectacle. Les gens ne lisent plus, ne réfléchissent plus. Ils sont spectateurs de leur vie. Ils se sentent impuissants relativement à la complexité du réel. Ils ne veulent donc que du pain et des jeux.
Dans un tel contexte, les fidélités d'hier à des partis s'estompent au profit d'éphémères célébrités qui marquent l'imaginaire comme Donald Trump. Qui plus est, les partis n'offrent plus maintenant que des menus sur mesure pour des clientèles cibles segmentées à l'extrême. Les techniques de marketing et de persuasion publicitaire issues du « storytelling » sont les nouveaux paramètres du discours politique.
Devant la fragilité de leurs vies, nos voisins américains cherchent refuge dans des voix fortes qui promettent le rétablissement du rêve américain et de sa suprématie dans le monde. Nos voisins américains sont prêts à tout pour retrouver leur vie d'antan. Comme nous d'ailleurs. C'est dans un tel contexte que naissent des hommes et des phénomènes comme celui de Donal Trump. Plutôt qu'une cause, la popularité et l'engouement autour de la candidature d'un imbécile comme Donald Trump sont plutôt une conséquence. Un épiphénomène de la déliquescence de la démocratie américaine. Donald Trump est un miroir de l'état de la démocratie américaine...