Alors que nous nous apprêtons à vivre un intense débat sur la laïcité et sur le port des signes religieux pour les personnes en autorité, l'Église catholique traverse l'une des pires crises de son histoire moderne avec les scandales sexuels répétés mettant en scène les actes pédophiles de nombreux membres du clergé catholique partout dans le monde.
Selon des chiffres publiés récemment, ce n'est pas moins de 7 % des membres du clergé catholique qui se sont rendus coupables d'actes pédophiles en Australie. Ce n'est que la pointe de l'iceberg si nous en croyons les manchettes des médias sur le même sujet aux États-Unis, au Québec et au Canada.
Ces chiffres ont été dévoilés, en février 2017, lors de la 15e et dernière audience publique de la Commission royale sur les réponses institutionnelles à la violence sexuelle envers les enfants qui s'est tenue à Sydney en Australie. Pas étonnant que le pape François ait convoqué en février dernier tous les évêques à Rome pour réfléchir à l'enjeu de la pédophilie dans l'Église catholique romaine. Ce sommet de Rome a fait plus de gens déçus que d'heureux étant donné la timidité des actions qui seront prises dans sa foulée. Incursion dans le monde glauque de l'Église catholique de Saint-Pierre.
L'ampleur du problème
En février 2017, à Sydney en Australie, dans le cadre d'une Commission royale d'enquête ce fut la première fois que les dossiers de l'Église catholique romaine sur l'abus sexuel des enfants ont été analysés pour examen public. Cette Commission royale a couvert les dossiers de l'église australienne de 1950 à 2010. Lors de ces audiences, on a appris que plus de 20 % des membres d'ordres religieux comme les frères Maristes et les frères Chrétiens auraient été impliqués dans des sévices sexuels d'enfants.
Aux États-Unis, un autre rapport montre que 300 prêtres avaient été impliqués dans des affaires de pédophilie en Pennsylvanie aux États-Unis. En Allemagne, un rapport d'expert vient de révéler qu'au moins 3 677 enfants, principalement des garçons âgés de moins de 13 ans, avaient été victimes d'abus sexuels commis par des clercs entre 1946 et 2014. L'église chilienne est aux prises avec de nombreux scandales sexuels. Il y a aussi l'affaire du cardinal américain Theodore McCarrick qui s'est vu retirer son titre de cardinal par le pape François. Ce cardinal a été mêlé à des actes pédophiles nombreux alors qu'il invitait de jeunes séminaristes chez lui et entretenait des relations sexuelles avec eux.
Chez nous au Québec et au Canada, nous n'en finissons plus de découvrir des actes pédophiles commis par des religieux appartenant à diverses communautés. Il ne faudrait surtout pas oublier les gestes hautement répréhensibles commis à l'égard des communautés autochtones par les membres des communautés religieuses ni l'épisode des orphelins de Duplessis au Québec. L'Église catholique est en crise. Une crise grave et profonde qui remet en question l'idée même de sa pérennité. Ce qui, vous en conviendrez, n'est pas rien.
Le pape François dans la tourmente
Pas étonnant que l'Église ait senti le besoin de tenir un sommet pour trouver des réponses à cette crise. Le leadership moral de la vénérable institution est en cause. Le leadership de son guide suprême est remis en question par les membres de la Curie. Le pape a vu son leadership dans la gestion des affaires de pédophilie remis en cause. Devant cette crise majeure, François 1er a décidé de convoquer les présidents des conférences épiscopales. Une décision spectaculaire à la mesure de la crise majeure que traverse en ce moment l'Église catholique. Comme l'écrivait un journaliste du journal Libération récemment, le dossier délicat et explosif de la pédophilie constitue le chemin de croix du pontificat du pape François.
En convoquant un sommet mondial sur la question, du 21 février au 24 février dernier, le pape François veut démontrer sa ferme volonté de réformer la curie romaine. Néanmoins, le pape François se trouve devant de violents vents de face dans cette affaire. L'ancien nonce à Washington, Carlos Vigano a publié une lettre le 26 août dernier dénonçant un réseau gai influent au Vatican et réclamé la démission du pape.
Le résultat du sommet de Rome n'a pas eu les effets escomptés et la crise continue de faire rage.
Le Sommet de Rome : des attentes déçues
Au lendemain de la tenue du sommet de Rome sur la pédophilie, les attentes sont nombreuses et les espoirs sont déçus. Même si le pape François a promis de mener une lutte de tous les instants et à tous les niveaux aux actes pédophiles, les représentants de la société civile présents pressent l'Église de mettre en action ses bonnes intentions. L'une des participantes à ce sommet, Annie Barett Doyle, a déclaré que : « Le pape a annoncé une bataille contre les abus sur les mineurs, mais avec les armes les plus faibles qu'on puisse imaginer. S'il mettait en pratique ces 21 points, il mettrait fin à ce fléau une fois pour toutes. »
Comme le rapporte la journaliste, Fanny Carrier, de l'Agence France-Presse, qui a assisté à l'événement, les représentants de la société civile présents demandent que : « de défroquer tout prêtre coupable d'abus sur un mineur et tout évêque qui l'aurait couvert, de remettre immédiatement tous les documents disponibles sur ces affaires à la justice civile, d'imposer aux Églises locales de verser des réparations aux victimes et de prendre en charge les soins médicaux et psychologiques dont elles pourraient avoir besoin. Elle demande aussi la mise en place de registres publics et documentés sur tous les prêtres, religieux et religieuses ayant commis des abus sur des enfants et sur tous ceux qui les auraient couverts, ainsi que des assurances sur la surveillance de ceux encore en vie. » C'est la religieuse nigériane. Sr Veronica Openibo, qui résume le mieux l'affaire à mes yeux : « Le travail le plus important est de donner l'espoir, aux victimes et aux enfants. Parce que si nous n'agissons pas maintenant, ce sera trop tard, et la crédibilité de l'Église est en jeu. » (loc. cit.)
Le livre de Frédéric Martel, autre dur coup
Justement, la crédibilité de l'Église catholique n'a jamais été aussi mise à mal. Outre ces scandales à répétition liés à la pédophilie, un journaliste français, Frédéric Martel, vient de publier, au terme d'une enquête de quatre ans, auprès d'évêques, de séminaristes et de gens proches de l'Église, un livre intitulé : Sodoma, Enquête au cœur du Vatican, qui fait la démonstration noir sur blanc que : « les conditions historiques et sociales ont transformé le sacerdoce en un refuge pour des centaines de jeunes hommes persécutés dans leurs villages pour leur sexualité. Cela a fait de l'Église "une institution formée majoritairement d'homosexuels". J'ai découvert que le Vatican est une organisation gaie à son plus haut niveau, une structure formée en grande partie par des homosexuels qui répriment leur sexualité pendant la journée, mais qui le soir, peuvent souvent prendre un taxi et se rendre dans un bar gai. » L'auteur affirme que l'une de ses sources lui a dit que 80 % des prêtres du Vatican étaient homosexuels, une statistique que l'écrivain français ne peut confirmer.
Quoi qu'il en soit, Martel démontre dans son livre si nous prenons les mots de son éditeur dans la présentation du livre que : « Ce livre révèle la face cachée de l'Église : un système construit depuis les plus petits séminaires jusqu'au Vatican à la fois sur la double vie homosexuelle et sur l'homophobie la plus radicale. La schizophrénie de l'Église est insondable : plus un prélat est homophobe en public, plus il est probable qu'il soit homosexuel en privé. » (loc. cit.)
L'Église catholique survivra-t-elle à la pédophilie et aux scandales sexuels ?
Il y a longtemps au Québec que nous avons pris nos distances avec l'Église catholique, bien que ces dernières années, nous puissions voir un sursaut du religieux sur fond d'affirmation identitaire. On se dit catholique pour exprimer notre essence québécoise patrimoniale. Néanmoins, cette fois-ci, cette crise ne passe pas. AU 21e siècle, on ne peut plus accepter ce genre de comportements d'une institution aussi vénérable. Soit que l'Église se réforme et remette en cause beaucoup de certitudes et de ses dogmes soit elle meurt. À l'ère de #MeToo et de la dénonciation de la violence sous toutes ses formes, l'Église ne pourra espérer survivre que si elle se renouvelle profondément. Et encore...
Comme je l'ai écrit sur les réseaux sociaux récemment il n'est pas étonnant qu'une institution aussi vieille et si mal adaptée à son époque se liquéfie sous nos yeux. Les colonnes du temple sont ébranlées, mais les marchands autrefois chassés par Jésus-Christ y sont bel et bien présents. Nous voyons aujourd'hui l'échec du rebranding plutôt réussi il y a 2000 ans de l'Église grâce à Jésus et au Nouveau Testament. L'agonie risque d'être longue si l'Église refuse un nouveau rebranding. Ça prendrait un Jésus 2.0...