Depuis que je fréquente régulièrement les frontières américaines, les trois mots qui forment ce titre sont ceux que j'ai le plus souvent prononcés lors de ma rencontre avec les autorités douanières tant canadiennes qu'américaines. Il est cependant vrai qu'à notre époque, les frontières de tous les pays, et particulièrement celle des États-Unis d'Amérique font l'objet d'une surveillance plus attentive et à raison.
Les attentats en France, en Belgique, en Allemagne et plus récemment en Turquie nous rappellent avec force que nous sommes tous aujourd'hui des cibles pour des tueurs fous, pour ces gens plein de ressentiments qui déversent leurs colères en tuant des innocents.
C'est pourquoi nous devons être compréhensifs envers les mesures tatillonnes dont nous faisons l'objet lors de notre passage à un poste douanier d'un pays étranger, néanmoins nous devons demeurer vigilants devant le fragile équilibre entre nos droits, notre liberté et notre sécurité. Parfois, certains pays peuvent dépasser les bornes avec certaines exigences. C'est le cas avec cette nouvelle exigence des États-Unis d'Amérique qui depuis le 16 décembre dernier demande aux visiteurs de décliner leur identité sur les différents réseaux sociaux afin de compléter leur enquête de sécurité.
Cela peut inquiéter les gens même ceux qui n'ont rien à cacher quand on pense à la puissante National Security Agency (NSA), à la CIA et au FBI. Nous n'avons rien à cacher, mais nous avons quand même droit à notre vie privée. Exploration d'un sujet sensible.
Les nouvelles exigences américaines
Si nous en croyons un article publié dans Le Figaro le 27 décembre : « Le gouvernement américain a commencé à demander aux individus souhaitant se rendre aux États-Unis de communiquer leurs pseudonymes sur les réseaux sociaux afin de vérifier qu'ils ne présentent pas de danger pour la sécurité nationale. Si vous souhaitez vous rendre aux États-Unis, il y a de grandes chances que vous passiez par l'Eletronic System for Travel Authorization (ESTA). Cette plateforme Web est destinée à effectuer les démarches préalables nécessaires pour se rendre sur le territoire de l'Oncle Sam.
Dorénavant, les utilisateurs sont invités à donner les noms et pseudonymes utilisés sur des réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Google+, Instagram, LinkedIn, YouTube et autres. Le but? Permettre aux autorités américaines de s'assurer que vous ne représentez pas une menace. »
Ces nouvelles exigences semblent pour le moment appliquées avec parcimonie auprès des touristes étrangers. Les Canadiens dont je suis ne font pas encore l'objet de ce type d'exigences. Il semble que ce soit les touristes et les visiteurs européens et des personnes ciblées qui fassent l'objet de ces nouvelles exigences de la part des autorités américaines. La question que cela soulève est : jusqu'à quand cette mesure sera-t-elle appliquée avec parcimonie et en quoi constitue-t-elle une menace pour notre liberté?
La liberté d'expression est-elle menacée?
Par exemple, dans cette chronique et sur le blogue de mon entreprise, j'ai souvent écrit des opinions fort critiques sur le président désigné Donald Trump et sur certains éléments de la politique étrangère américaine. Cela fera-t-il de moi une menace potentielle à la sécurité intérieure américaine? Comme nous le savons, les douaniers ont le droit de vous refuser l'entrée de leur pays sans aucune explication. C'est un privilège que d'être accueilli dans un pays étranger. Cela peut être inquiétant dans un monde où le commandant en chef des armées est obnubilé par les théories du complot.
L'autre questionnement que l'on peut nourrir à l'égard de ces nouvelles mesures est leur efficacité. Quels sont les moyens à la disposition des autorités douanières pour vérifier les dires des gens qui déclarent leur présence sur tel ou tel médias sociaux? Qui plus est, les gens qui nourrissent de mauvaises intentions vont trouver des moyens pour contourner ces nouvelles exigences. Ils sont d'ailleurs peu présents sur les réseaux sociaux traditionnels, mais plutôt sur des sites du «Darkweb». Ce que je retiens c'est que ces nouvelles exigences des douanes américaines seront plutôt inefficaces contre les menaces terroristes, mais elles constitueront des intrusions nettes dans la vie privée des gens ordinaires comme vous et moi. Ce n'est pas rassurant...
L'équilibre délicat entre liberté et sécurité
Cela n'est pas un sujet facile. Il est clair que les États ont la responsabilité de tout mettre en œuvre pour contrecarrer les plans diaboliques et meurtriers de celles et de ceux qui menacent la vie des innocents. Nous sommes en guerre contre des «fous d'Allah» et des gens plein de ressentiments et ceux-ci ne sont d'aucun pays ou d'aucun territoire. Il est aussi évident que les réseaux sociaux sont une arme de prédilection pour le recrutement et la « fanatisation » de nombreux jeunes hommes et jeunes femmes. Les autorités américaines n'ont pas tort de s'intéresser à ce phénomène. Ce qui est en cause ici c'est le moyen et son efficacité.
S'il est vrai que c'est un privilège pour quiconque d'être accueilli dans un pays étranger, il n'est pas moins vrai que chez nous aussi au Canada nous devons mettre en place des mesures énergiques pour protéger nos frontières et nos populations. Nous l'avons vu lors du débat entre ce qu'il faut faire pour assurer notre sécurité et protéger nos droits et notre liberté, ce n'est pas de tout repos.
Il y a d'un côté ceux qui défendent la liberté à tout prix même au prix de moins de sécurité pour les populations concernées et ceux qui n'ont que la préoccupation de la sécurité et cela au détriment de nos libertés les plus fondamentales. Ce qui devient le meilleur indicateur dans ces circonstances c'est le degré de confiance que nous accordons ou non à celles et à ceux qui appliquent ces nouvelles règles.
Dans le cas des États-Unis, l'élection de Donald Trump n'a rien pour rassurer de nombreux Canadiens et ne nous incite pas à accorder notre confiance à ces nouvelles exigences. Je ne crois pas que ce nouveau président, adepte des théories du complot, puisse rassurer les Canadiens que nous sommes quant à ces nouvelles intrusions dans nos vies privées. Il n'est pas le meilleur président pour nous inspirer confiance dans la capacité des États-Unis de faire la part des choses entre liberté et sécurité.
Un monde inquiétant
Tout cela m'amène à conclure que nous vivons dans un monde inquiétant. Les terroristes et les « fous d'Allah » ont gagné au moins le fait que nous ne nous sentons plus en sécurité en Amérique. Cela oblige les pays à penser à de nouvelles mesures pour assurer la sécurité sur leur territoire et cela n'est pas sans conséquence pour nos droits et nos libertés. C'est un peu la quadrature du cercle. Passer les frontières d'un pays à l'avenir ne se résumera plus à ces trois mots simples que j'ai souvent utilisés : Rien à déclarer!