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17 octobre 1970

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 14 octobre 2020

Il y aura 50 ans samedi que le corps inanimé du député et ministre libéral, Pierre Laporte a été retrouvé dans le coffre arrière d'un véhicule automobile sur les terrains de l'aéroport de Saint-Hubert. Un événement tragique qui constitue l'un des points de bascule de ce que nous avons retenu comme la crise d'octobre.

Ces dernières semaines, des reportages, des documentaires et de nombreux livres ont été publiés ou republiés à l'occasion du 50e anniversaire de cet événement de l'histoire du Québec. Tentative de réflexion sur la signification d'octobre pour le Québec.

La crise d'octobre : le contexte de ferveur populaire

Du haut de mes douze ans, j'ai vécu la crise d'octobre à Montréal. Je me rappelle que mes amis et moi narguions les membres de l'armée canadienne qui étaient postés tout le long de notre trajet pour aller à l'école Lionel-Groulx située à l'époque sur la rue Sherbrooke. Nous scandions le slogan Vive le FLQ à pleins poumons. Cela, avant la mort de Pierre Laporte... Le décès de Pierre Laporte a tout changé pour nous. Nous avons alors découvert l'horreur de la mort d'un homme alors qu'auparavant nous pensions que c'était un moment de libération du peuple québécois.

Peut-être trouvez-vous que ces réflexions sont très politisées pour des enfants, mais je vous jure qu'à mes douze ans, mes amis et moi étions très politisés. Nous discutions de l'actualité, participions à toutes les manifestations et il y en a eu beaucoup à Montréal dans ces années, notamment sur la langue française contre le bill 63 du gouvernement de l'Union nationale de Jean-Jacques Bertrand. Nous vivions dans une ville où régnait une ferveur quasi révolutionnaire et où la rue était centrale dans nos prises de conscience. Dès ma sixième année, mes amis et moi préparions des cocktails Molotov pour les grands qui les lançaient sur les membres des forces de l'ordre. À cette époque, la police était notre ennemi, car elle usait de violence envers nous. Je me rappelle avoir reçu des coups de matraque parce que nous occupions notre école pour obtenir le droit d'arborer une coiffure où nos cheveux pouvaient dépasser notre lobe d'oreille. Pour faire valoir notre point de vue, nous avions occupé l'école, mais la police nous avait évacués manu militari. C'est dans ce contexte que j'ai vécu la crise d'octobre sous fond de discrimination systémique envers les Québécois francophones de souche.

Les francophones du Québec, victimes de discrimination systémique

Alors que le débat sur la reconnaissance d'une discrimination systémique de la part de l'État québécois, les tenants de cette thèse font souvent l'impasse sur la situation déjà vécue par les francophones du Québec. Le film tourné par le fils de Paul Rose, Félix Rose, sur la crise d'octobre a le mérite de jeter la lumière sur la situation discriminatoire vécue par les Québécois francophones à cette époque. Le lieu de vie des Rose à Ville Jacques-Cartier, aujourd'hui un quartier de la ville de Longueuil, est révélateur à cet égard. On y voit la vie de Canadiens français qui vivaient sans système d'égout, sans service d'incendie. Des conditions de vie de misère et aucun avenir autre que celui de travailler dans des usines dans des conditions de travail misérables comme à l'industrie de sucre Lantic. Tout cela à quelques kilomètres du centre-ville de Montréal et des quartiers de l'Ouest où la richesse anglophone tranchait avec la vie de la majorité canadienne-française de Montréal.

L'économiste réputé Pierre Fortin a calculé qu'en 1961, le salaire d'un Québécois francophone équivalait à 52 % de celui d'un anglophone. L'anglophone moyen avait un revenu 92 % plus élevé que celui d'un francophone. À la même période, seulement 47 % des entreprises étaient sous le contrôle de francophones. En 2000, cette proportion est passée à 67 %. Quand même pas la mer à boire....

Le revenu des anglophones était supérieur de 20 % à celui d'un francophone et le taux de chômage était plus élevé au Québec que la moyenne canadienne. Les investissements stratégiques du gouvernement du Canada étaient pour l'Ontario et bien peu pour le Québec. Nous avions peine à nous faire entendre en français au Québec. Heureusement, l'État québécois a servi de tremplin à la nation québécoise pour s'arracher à cette vie de misère. Nous n'avons pas si mal réussi même si nous sommes toujours des victimes du colonialisme britannique. Pour celles et ceux que cette question intéresse, un livre vient d'être publié aux Presses de l'Université Laval sous le titre Britannicité par les professeurs Claude Couture et Srilata Ravi qui fait une démonstration que nous ne sommes pas sortis indemne de ce colonialisme même aujourd'hui. Dans le même style de préoccupation, il y a aussi l'essai intitulé Bande de Colons d'Alain Denault paru chez Lux éditeur.

La signification d'Octobre aujourd'hui

Même s'il est utile de se remémorer le passé pour mieux comprendre notre présent et pouvoir en tirer des leçons pour l'avenir, il ne faut quand même pas vivre notre avenir au passé. Il y a une production abondante de livres, de reportages sur Octobre 1970. Pour les plus jeunes, il faut en rappeler les faits élémentaires. Au début des années 1960, un groupe a pris le nom de Front de libération du Québec. Un groupe de jeunes peu organisé qui exprimait la colère d'une nation devant la discrimination dont elle était l'objet par le pouvoir colonialiste canadien et américain. Le FLQ souhaite l'indépendance du Québec tout comme le Rassemblement pour l'indépendance nationale de Pierre Bourgault et d'Andrée Feretti. Des membres pressés de cette mouvance posent des bombes, volent des armes et mènent des actions dites révolutionnaires jusqu'à l'enlèvement du diplomate James Richard Cross et de Pierre Laporte, ministre du Travail et de la main d'œuvre du gouvernement libéral. Cela mène à la libération de James Richard Cross et à l'exil à Cuba des auteurs de cet enlèvement, au meurtre accidentel de Pierre Laporte et à l'emprisonnement de ses auteurs parmi lesquels figurent les frères Paul et Jacques Rose.

Octobre 1970 a aussi servi de prétexte au premier ministre de Canada Pierre Elliott Trudeau, au premier ministre du Québec Robert Bourassa et au maire de Montréal Jean Drapeau d'édicter ensemble la Loi sur les mesures de guerre et d'emprisonner injustement plus de 500 Québécoises et Québécois qui avaient commis le crime de penser différemment du pouvoir. Ces arrestations ont été injustes et ont porté atteinte aux droits et libertés des citoyennes et des citoyens du Québec. C'est un geste qui était injustifiable et qui aujourd'hui demeure inacceptable. Je suis d'accord avec celles et ceux qui réclament des excuses de la part des gouvernements impliqués soit le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et  la Ville de Montréal. La crise d'octobre est une tache indélébile à notre vie démocratique.

La crise d'octobre c'est aussi un drame pour la famille de Pierre Laporte et celle de James Richard Cross et pour les familles de toutes les victimes des bombes du FLQ. La crise d'octobre est un dérapage honteux du Québec et heureusement que des voix sereines comme celle de René Lévesque se sont élevées pour dénoncer ces actes de violence et rappeler que l'indépendance du Québec ne pourra se faire que par le véhicule de la démocratie.

Le Parti québécois a par la suite fait la preuve que la démocratie et les institutions étaient le meilleur véhicule pour améliorer les choses, même si certains rêves comme celui de voir le Québec devenir un pays ne se sont pas réalisés. Il faut tout de même convenir que le sort des Canadiens français s'est nettement amélioré. Le combat de l'affirmation de notre nation doit se continuer à l'intérieur ou en dehors du Canada et dans une version réactualisée qui accueille toutes celles et tous ceux et qui se sont joints à nous par l'immigration.

Au-delà des diverses réinterprétations de la crise d'Octobre 1970, nos pensées le 17 octobre devraient aller à la famille de Pierre Laporte qui va se souvenir douloureusement de la mort de leur père, leur frère ou leur ami. Il faut se souvenir 50 ans après pour les bonnes raisons du 17 octobre 1970...


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