« Fais attention, la colère est bien mauvaise conseillère! »
Le conseil m'est venu de plusieurs personnes qui, au moment de prononcer ces mots, n'étaient pas en colère.
C'est vrai que la colère crée en nous un état qui draine tout, subitement, vers un seul objectif : vivre et, idéalement, partager l'état d'esprit qui nous habite. Faire le pour et le contre n'est pas une option, dans ces cas-là.
Remarquez que cet énoncé ne vient pas excuser les gestes qu'on fait sous l'effet de la colère. Il faut donc apprendre à ne pas céder à n'importe quelle niaiserie. C'est notre responsabilité toute personnelle.
Mais si la colère ne peut me conseiller adéquatement, qui le fera? Idéalement, ma conscience. Celle-là même qui a été tassée dans un coin par une descente de coude de la colère! Si je laisse le temps au temps, elle reprendra sa place et viendra mettre en lumière mes valeurs, mes principes, deux éléments qui viendront aiguiller mes actions.
Oui, mais la colère, elle est là! Elle ne s'effacera pas toute seule!
Toute seule, non. Je ne crois pas.
J'ai réalisé qui si je ne fais rien, elle s'essouffle, tout de même, au fil des heures et des jours (dépendamment de la source de la colère!). Mais si notre esprit bouillonne et que notre corps est dans une sorte de transe colérique, c'est à chacun de développer des manières de brûler cette énergie soudaine qui nous envahit. Tu sors marcher, courir; tu varges dans quelque chose d'inerte et de non humain et non animal (bien important!); tu t'essouffles à vélo, bref, tu brûles le surplus. Après tu laisses un peu de temps passer.
Une colère sombre. Sourde. Qui ne part pas. Qui reste là, en filigrane.
Mais quand la colère s'installe, là, au creux du ventre? Quand elle s'installe de façon juste assez intense pour ne pas tasser la conscience, mais pour la confronter pas mal? Quand elle ne s'estompe pas tant, malgré le temps et les efforts pour la faire descendre?
Il y a un truc pour voir si une colère est valable. Pour moi, en tous les cas, le truc fonctionne. Je laisse quelques heures, voire quelques jours, passer. Si au bout du décompte, je finis par me dire que c'était vraiment con et que j'avais réagi beaucoup trop fort, je me dis que c'était une colère avec bien peu de valeur. Une colère que ne justifiait pas la situation.
Situation qui devient facile à régler.
Mais là, cette semaine, ça ne passe pas.
Je vois et revois le policier en train de tuer, de sang-froid, glacial, même, un humain dont la peau est noire aux États-Unis. Pas le genre de mort que vous pouvez essayer d'expliquer, après coup, en disant « j'ai eu une fraction de seconde pour réagir! » Nenon! Une mort qui se fait doucement, pendant neuf minutes, évalue-t-on. Une mort atroce, non justifiée. « Il a résisté à son arrestation », ont essayé de dire les policiers. Ils étaient quatre. Les images montrent qu'il n'a pas résisté avant d'être collé au sol. Et pendant neuf minutes, comment pouvait-il résister?
Ma colère est sourde, installée. Elle gronde en moi. Au fur et à mesure que j'écris cette chronique, elle bouillonne un peu plus.
Elle bouillonne un peu plus parce que je vois la face de ce président américain qui ne condamne rien du tout. Pire, il met ça sur le dos de la mauvaise extrême gauche qui attaque la bonne extrême droite. Un président un peu humain et socialement adapté devrait savoir que le problème dans son énoncé, c'est le mot "extrême". Les extrêmes qui ne mènent jamais nulle part. Mais c'est lui-même un extrémiste. Extrémiste du mensonge, de la manipulation de l'information, de l'utilisation des médias sociaux. Un être qui entretient volontairement et avec un plaisir démoniaque les tensions raciales.
Les tensions sont souvent entretenues par des états de pauvreté, par des chances carrément inégales en société. Cet être entretient ces situations d'inégalités de son mieux.
Je ne mets pas tous les policiers dans le même "panier à salade". Je conçois très bien qu'il soit difficile d'intervenir dans certaines situations. Je sais que, même dans un événement festif comme une parade de Coupe Stanley, des groupes extrémistes s'infiltrent et brisent tout. Je sais tout ça.
Mais quand on constate qu'un policier accumule les réprimandes sans jamais être sorti de la rue; quand on voit un être humain prendre doucement neuf minutes de sa vie pour en tuer un autre, et ce, malgré que tout le monde lui disait d'arrêter; quand cet être humain entend la personne qu'il est en train de tuer dire : « je ne peux pas respirer ». Quand il regarde autour, calme et pas du tout dans un état second, bien quand tout ça s'accumule, je me dis qu'on a affaire à une personne profondément malade et profondément dangereuse. Mais qui est protégée par le système, jusque dans les accusations contre lui. Douces accusations dont les conséquences viendront s'étioler au moment du procès.
Et quand je vois ce foutu président détourner l'attention vers des groupes d'extrême gauche sans jamais remettre en question l'intervention policière, je me dis que nous sommes en danger. En danger, parce qu'il ne voit pas de problème dans cette situation. Virons ça de bord : un humain à la peau noire tue un policier à la peux blanche? Le président se déplace pour saluer la vie héroïque de ce policier à la peau blanche. Là, rien. Même que son point de presse suivant la tragédie ne contenait que des réprimandes contre la Chine...
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Comme le chantent si bien les Cowboys fringants :
C'est si triste que des fois quand je rentre à la maison
Pis que j'parke mon vieux camion
J'vois toute l'Amérique qui pleure
Dans mon rétroviseur...
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Des fois, je me dis que la conseillère est elle-même en colère...
Clin d'œil de la semaine
Vu sur le Web : "Racisme pour les nuls : une coquille d'œuf brun foncé, brun pâle ou blanche contient la même chose : un œuf. Avec la même valeur nutritive..."