Tout le monde rêve d'avoir une Porsche. Peu de gens se rendent compte qu'elles sont plus accessibles qu'on ne le pense, si on est prêt à faire des sacrifices ailleurs dans sa vie. Je songe ici à s'amener un repas au boulot et non couper dans l'éducation de ses enfants.
Je n'avais pas prévu changer de voiture cette année, mais les astres se sont alignés un jour en envoyant une jeune conductrice, un ange, diraient certains prophètes, démolir ma Mazda RX-8.
J'ai hésité pendant trois semaines entre la reprise de location d'une Infiniti G37s Coupe ou d'une WRX STI; mais tous les soirs, j'ai cherché une perle cachée quelque part dans les méandres d'Internet. J'ai regardé pour une 335XI coupe, une M3 ou une MZ4 coupe en faisant des offres « peu raisonnables » aux différents propriétaires. Hé oui, j'ai mes moments de faiblesse aussi.
Un soir, le site de Porsche Canada présente une Cayman 2007 avec 80 000 km à vendre chez Porsche Lauzon à un prix assez compétitif merci. Pas de photo, et l'auto n'est pas sur le site de Porsche Lauzon non plus. Non sans difficulté, je m'endors mi-excité et mi-perplexe à l'idée d'appeler sérieusement chez Porsche pour la première fois de ma vie.
Je me dis que c'est probablement une erreur et je me prépare à être déçu.
À 9:02, un vendeur m'informe qu'il n'est pas au courant de l'existence du véhicule. À 9:15, il m'annonce qu'il a bel et bien le véhicule. À 9:45, il confirme qu'il peut me certifier la voiture. À 13 h, je laisse un dépôt.
La voiture a dû passer un long et stressant quatre heures à se demander qui serait son nouveau propriétaire. La pauvre.
Le programme de certification de Porsche vient avec une inspection du véhicule et le changement des pièces trop usées. Dans mon cas, ils ont changé les pneus, les disques et les plaquettes de freins et ils ont fait des retouches de peinture pour rendre la voiture aussi impeccable que possible. En plus, Porsche rajoute 2 ans de garantie ou jusqu'à ce que la voiture atteigne 160 000 km; mais pas n'importe quelle garantie, une garantie parechoc à parechoc, comme celle de base. (Allo BMW et Audi?) Difficile de dire non à leur certifiée.
Du coup, je pars en roadtrip aux États-Unis. Extase. Ce n'est pas la voiture la plus rapide, surtout pas en ligne droite, mais quel équilibre, quelle finesse, quel son! La Cayman est ronde en bouche. Même si c'est un des derniers modèles à être arrivé dans la famille Porsche, elle semble bénéficier de la riche tradition germanique de Stuttgart, autant, sinon plus que certains autres modèles (hum hum Cayenne?).
Avoir une Porsche et la conduire seulement sur les routes publiques (à moins d'être un malade), c'est comme promener un guépard en laisse. Aussi bien s'acheter de beaux meubles et rester dans son salon.
Un des plus grands bénéfices de posséder une Porsche est de pouvoir faire partie du CPA (Club Porsche d'Amérique). Le club propose quelques séjours par année permettant d'aller s'étirer les mollets sur circuit en compagnie d'autres compatriotes Porschistes. À titre informatif, la section nord-est américaine du CPA qui inclut le Québec et l'Ontario se nomme Rennsport (voir http://rennsport.ca/)
J'ai donc décidé de participer à un cours de conduite avancée de deux jours au circuit Mont-Tremblant avec le club Rennsport. Tous les nouveaux arrivants sont jumelés à un instructeur qui sera présent dans leur voiture côté passager en tout temps, jusqu'à ce que celui-ci juge que l'élève est prêt à rentrer en piste seul. Ce système de mentorat rend l'évènement très sécuritaire, et surtout, très agréable; le novice pouvant bénéficier des précieux conseils des pilotes les plus expérimentés.
Fait à noter, ce n'est pas une course. Parmi les règlements, un des plus importants est qu'il est seulement possible de dépasser un autre véhicule dans une ligne droite que lorsque la personne dans la voiture plus lente signale, avec son bras sorti de la voiture, à l'autre de le dépasser. Deuxième règlement important, interdiction de chronométrer ses tours. Il s'agit donc d'une sorte de défi personnel visant à maîtriser les limites de sa voiture.
Ma première sortie en piste (et non pas sortie de piste) fut lamentable. Apprendre la ligne, évaluer quand freiner, savoir quelles vitesses choisir, regarder mes rétroviseurs pour laisser passer les gens. Au début, nous ne sommes pas encore pilotes, nous sommes des éponges à informations. C'est un peu comme quand on apprend à jouer au golf, il faut d'abord maîtriser le mouvement avant de commencer à penser à appliquer de la force.
Tranquillement, certains acquis se sont installés et mes mouvements sont devenus plus fluides. Comme mon instructeur me l'a appris, être rapide demande surtout de la finesse. Il faut chercher constamment à avoir la meilleure prise possible sur le circuit, sans jamais bousculer la voiture. Il faudrait théoriquement être capable de conduire son véhicule avec seulement deux doigts sur le volant.
À la fin de chaque journée, les membres du club se rejoignent pour une bière bien méritée. C'est là que je me suis rendu compte qu'après avoir passé 80 minutes en piste, j'étais épuisé physiquement et mentalement. Mon instructeur m'a dit que la deuxième journée, presque tous les participants sont plus rapides; la nuit permettant d'assimiler quelques notions de plus. Dans mon cas, j'ai rêvé toute la nuit à mon expérience, revivant chaque virage, chaque accélération, chaque freinage des centaines de fois durant mon sommeil. Pas super reposant.
Le lendemain, les papillons sont revenus, comme si je vivais une nouvelle expérience. Ils ont disparu rapidement durant la première séance, prenant de plus en plus en confiance en mes capacités et en celles de ma Cayman. Petit plaisir égoïste; je dois dire que j'ai particulièrement apprécié tenir tête à certaines voitures qui coûtent le double de la mienne.
Bref, j'ai passé deux des plus belles journées de ma vie. J'ai rencontré des gens extraordinaires en plus de développer une passion pour la conduite sur circuit. Je conseille certainement une expérience sur circuit à tous et toutes.
Photo : Frederic Feudi