Drôle d'époque que celle dans laquelle nous vivons.
Il y a quelques décennies, c'était simple. On n'avait pas à choisir, c'était comme ça. La religion était liée intimement à l'État et les deux s'entendaient, assez bien, merci, d'ailleurs, pour dire aux citoyens quoi faire et quoi penser.
Depuis qu'on a révolutionné tranquillement l'ordre établi, on dirait qu'on se cherche des repères universels. Quelque chose sur quoi s'accoter.
Depuis quelques mois, quelque chose me frappe, m'étonne et me désole. Au moment même où je croyais que l'État était unanimement reconnu comme étant laïc, voilà que des députés reprennent leur bâton du pèlerin pour inclure des notions religieuses dans le système. Ils jaillissent et rejaillissent, ces temps-ci. Avec l'air de dire qu'ils ont (et sont, ce qui pire!) la lumière qui va briser la grande noirceur dans laquelle on se trouve.
Je pense à Jean Tremblay, le maire de Saguenay, qui se rendra, s'il le faut, jusqu'en cour Suprême pour pouvoir continuer à réciter sa prière lors des assemblées du conseil municipal. Si la question divise les chrétiens, imaginez le sentiment d'exclusion ressenti par celle ou celui qui croit en autre chose. Et je n'aime pas entendre des candidats conservateurs comme Jean-Pierre Blackburn, qui était ministre jusqu'à tout récemment, appuyer Jean Tremblay dans sa démarche.
Je pense aussi à ces autres députés conservateurs qui, dans une salle à manger, voient une collègue libérale s'effondrer, en proie à une crise allergique. Leur réflexe? Imposer les mains et faire des incantations.
Tout ça me questionne.
Quand une société perd ses repères, elle s'en construit d'autres. Là aussi, la nature a horreur du vide. Je croyais, honnêtement et tout bonnement, que le principe d'une gouvernance laïque était maintenant reconnu. Visiblement, ce n'est pas complètement acquis.
Dans la campagne électorale, les Conservateurs ont choisi l'approche fermée et hermétique. Ils souhaitent s'exprimer, mais ne veulent pas susciter le dialogue. Ils n'acceptent que certaines questions. Ils gagnent du temps jusqu'au fil d'arrivée. Ce que je crois lire entre les lignes bien écrites des énoncés de l'équipe de Stephen Harper ne m'inspire pas confiance. Nous avons un mois pour nous faire une idée et, justement, l'idée est de ne pas énoncer d'idée! L'idée, c'est de se faire élire coûte que coûte.
Et, honnêtement, ça m'inquiète.
Ce n'est pas le fait que les gens soient religieux qui me titille. Ça, c'est une affaire personnelle. Je me dis seulement qu'à partir du moment où on mêle la religion à l'État, c'est chimique : la Bonne nouvelle qui réside dans la Bible devient semence de haine, de mépris et de non-tolérance. La religion doit demeurer ce qu'elle est : une affaire entre un humain et son Dieu. Point. Quand on en fait un outil de propagande ou de gestion de l'État, la religion devient une cape sur laquelle sont brodés de beaux grands principes, certes, mais une cape qui vient couvrir, en toute fausse représentation, celui qui dirige en se disant guidé par elle.
Je continue de suivre la campagne électorale fédérale. J'en ai pris l'engagement.
Mais, s'il y a un point sur lequel je suis non négociable, c'est la laïcité de l'État. Pour moi, c'est le seul moyen d'inclure tout le monde et de bâtir une société (éventuellement) meilleure.
Alors, chers politiciens, laissez la religion de côté. Et si vous souhaitez vraiment prier pour moi, faites-le sur une base personnelle. Pas dans le cadre de votre travail. De cette façon, cela sera juste et bon.
Clin d'œil de la semaine
La solution de certains députés Conservateurs : on impose moins les grandes entreprises. Pour le peuple? On impose les mains...