Le 21 décembre dernier, le député de Saint-François et ministre responsable de la région, Réjean Hébert profitait de la pause de Noël pour y aller de commentaires virulents concernant le projet de réforme de la charte de la ville de Sherbrooke eu égard à la réorganisation des arrondissements et à la réduction du nombre d'élus.
Il a affirmé dans le quotidien La Tribune qu'il s'opposerait à la réforme envisagée par le maire de Sherbrooke, Bernard Sévigny avant même d'avoir vu l'ombre de la queue de ce projet qui n'a pas encore été déposé. Il a prévenu qu'il ferait une recommandation défavorable à son collègue des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault. Chicane de coqs en perspective dans la famille péquiste de Sherbrooke...
Le devoir de réserve du ministre
Dans une chronique publiée ici le 6 novembre dernier et intitulée Les lundis de Réjean Hébert, j'écrivais : « Si le député de Saint-François ne propose pas de projets emballants pour l'économie de Sherbrooke et de l'Estrie, il a cependant des idées sur l'organisation administrative de la ville de Sherbrooke. Il se questionne sur la disparition de l'arrondissement de Bromptonville et propose que l'on doive agir avec équité à l'endroit des communautés anglophone et francophone niant ainsi le fait évident que Lennoxville est la capitale culturelle de la communauté anglophone et que cela s'inscrit dans notre histoire. Je suis étonné de l'intérêt de notre député de Saint-François et ministre régional pour une question d'intendance municipale alors que cette question vient d'être réglée dans le cadre d'un scrutin municipal où ce projet qui fait titiller le ministre régional était au cœur de l'engagement du maire réélu et de son équipe, Bernard Sévigny et le Renouveau sherbrookois. J'ose espérer que monsieur Hébert ne se transformera pas en juge le moment venu à l'Assemblée nationale et que sa conviction personnelle et ses intérêts électoraux ne viendront pas interférer avec la volonté claire des gens de Sherbrooke dont l'opinion claire a été traduite dans les résultats de la dernière élection municipale ».
Il a franchi allègrement le pas en menaçant le maire de Sherbrooke, Bernard Sévigny de s'opposer au projet qu'il entend proposer à la fin de ce mois. Il me semble que le député de Saint-François aurait pu faire preuve d'une plus grande réserve quant à ce projet qui, au moment où j'écris cette chronique, n'a même pas été discuté au conseil municipal. Je trouve que le jupon de monsieur Hébert dépasse et que ça sent l'opportunisme électoral à plein nez. Monsieur Hébert est en campagne électorale et il veut augmenter son potentiel de vote à Bromptonville. Désolant comme stratégie politique.
Certes, le député Hébert a droit à son opinion comme député de Saint-François, mais il n'a pas le droit de menacer les membres du conseil et le maire de notre ville légitimement élus avant que la discussion ait eu lieu. Monsieur Hébert a raté une belle occasion de s'ériger au-dessus de la mêlée comme le leader qu'il devrait être pour se transformer en lobbyiste en chef des gens de Bromptonville.
La vraie question l'autonomie des villes
Au-delà de ces querelles, les propos du ministre de la Santé et des Services sociaux du gouvernement du Québec viennent rappeler à notre mémoire le problème de l'autonomie des villes et municipalités du Québec. Ce n'est pas d'hier que ce problème est soulevé. Dans mes lectures du temps des fêtes, j'ai lu l'excellente biographie de Réal Bélanger sur Henri Bourassa. L'historien cite un éditorial d'Henri Bourassa du 10 mars 1914 : « Au sujet de l'autonomie municipale, le directeur du Devoir se résume ainsi : Réfection complète de la chartre de la cité de Montréal. Concentration de tous les pouvoirs d'administration, ordinaires et extraordinaires, de manière à supprimer les pèlerinages annuels à Québec et rendre les autorités municipales seules responsables de tous les intérêts des contribuables de Montréal... » (Réal Bélanger, Henri Bourassa... pp. 492-493.)
Il y a presque cent ans, Henri Bourassa disait la même chose que Régis Labeaume, Denis Coderre et aujourd'hui Bernard Sévigny. Qui plus est, les transformations économiques et sociales du Québec contemporain rendent plus nécessaires que jamais que l'on revoit les pouvoirs et les responsabilités des villes et municipalités du Québec. L'ancien maire de Sherbrooke, Jean Perrault, avait l'habitude de dire aux représentants élus de Québec et d'Ottawa qu'il avait une légitimité de 160 000 électeurs, beaucoup plus qu'eux et pourtant sa ville demeurait une créature de Québec. Il y a quelque chose à revoir dans ce système afin que l'on donne plus de responsabilités à nos élus municipaux tant politiques que fiscales si l'on souhaite vraiment que l'on puisse gérer plus efficacement les ressources financières de nos taxes et de nos impôts. J'aurais aimé que le député Hébert, plutôt que d'agir comme un représentant des gens de Brompton, élève le niveau de discussion et qu'il se prononce pour des villes et des municipalités plus autonomes et moins dépendantes du bon ou mauvais vouloir des élus de Québec. Manifestement, telle n'est pas son opinion.
La question de Bromptonville et les arrondissements
Sur le fond de la question, je ne suis pas un ardent défenseur du projet du Renouveau sherbrookois même si je suis membre de ce parti et que ses principaux dirigeants sont des amis personnels. Je suis de ceux qui croient que les arrondissements ont été créés comme prix de consolation aux villes de banlieue de l'époque de la région sherbrookoise pour faire accepter l'idée d'une grande ville de Sherbrooke.
Après plus de dix ans, il m'apparaît que nous devons passer à la limite supérieure et abolir ces structures qui alourdissent inutilement nos structures de décision démocratiques. Ma position personnelle est l'abolition de tous les arrondissements et la réduction des élus au nombre de 12. Douze élus m'apparaît un nombre largement suffisant pour constituer un conseil de ville efficace et représentatif.
Ma position : abolir tous les arrondissements sauf ceux de Bromptonville et Lennoxville
Cela c'est l'idéal. Mais la politique étant l'art du possible et étant donné l'importance de préserver le statut bilingue de l'arrondissement de Lennoxville de même que de respecter le caractère agricole de Bromptonville, je pourrais accepter le compromis suivant : abolir tous les arrondissements sauf ceux de Bromptonville et de Lennoxville. Transformer les actuels conseils d'arrondissements en comité citoyens pour remplacer les élus d'arrondissement. De cette façon, la ville doublerait les économies déjà prévues, impliquerait davantage les citoyens vivant des situations particulières dans la gestion de leurs affaires et limiterait le nombre d'élus à 12. Cela ne respecterait peut-être pas les équations savantes des politologues quant à la représentation, mais au moins ça ressemblerait à un vrai compromis politique adapté aux circonstances actuelles.
Une telle position pourrait éviter que l'on assiste à une bataille de coqs dans la basse-cour péquiste de notre région...
Lectures suggérées :
Réal Bélanger, Henri Bourassa. Le fascinant destin d'un homme libre (1868-1014). Québec, Presses de l'Université Laval, 2013,552 p.
Ce livre est passionnant et raconte l'histoire du Canada et surtout l'évolution de la pensée nationaliste au Québec. À lire absolument pour celles et ceux qui s'intéressent à la politique québécoise et canadienne.
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