D'entrée de jeu, mon « ceux » se veut inclusif et
non genré. Il veut dire « toutes les personnes ».
Je prends soin de le dire parce que parfois (souvent,
peut-être!), le souci du respect de chacun introduit une susceptibilité
malsaine qui en vient même à porter un jugement sur la personne qui s'exprime.
Vous voyez le genre : au nom du respect, j'exige que
quelque chose soit exprimé de telle façon. Et si quelqu'un ne se conforme pas,
il devient un paria qui ne mérite pas le respect prôné au départ.
Pas toujours simple.
Mais ce n'est pas le sujet du jour.
____
Il arrive parfois que je me retrouve, à la fin d'une
semaine, avec, en tête, des images de choses que j'ai retenues. Comme des
clips! Des éléments grappillés à gauche et à droite et qui viennent s'unir en
une sorte de collage.
La semaine dernière en a été une. Je vous livre trois de ces
petits épisodes ici.
D'abord, une déclaration de François Legault au moment où
son gouvernement annonce un investissement de 7 milliards de dollars pour la
construction d'une usine pour fabriquer des batteries pour les voitures. Il s'enflamme :
« c'est pour des annonces comme celles-ci que je fais de la
politique! »
Comment expliquer que les gouvernements investissent à ce
point l'argent collectif dans un projet économique? Réponse : si on veut
s'inscrire dans le jeu, il faut jouer les règles de ce jeu...
Deuxième épisode. Samedi matin, l'animateur d'une émission de
radio matinale y va d'un commentaire personnel. Une tranche de vie, diront
certains. Il constate que la conscience collective avance bien en rapport avec
l'environnement. À preuve? Dans le laboratoire humain que constitue sa ligue de
garage, les discussions deviennent passionnées au sujet des voitures
électriques, alors que c'était un sujet de rejet il y a un an ou deux.
« Mon bolide est tellement performant! Ça clenche n'importe quel
autre char! »
Et finalement, toujours samedi matin, je me retrouve dans un
salon funéraire où ma famille élargie rend un hommage à une de mes tantes,
décédée à l'âge de 88 ans. Elle était atteinte de paralysie cérébrale. Une
personne attachante aux traits de caractère parfois bouillants. Comme bien
d'autres dans la famille, quoi!
Ce matin-là, au salon, une surprise nous attendait. Six des
préposées qui s'occupaient de ma tante à la résidence où elle habitait depuis
des années s'étaient donné rendez-vous pour la saluer une dernière fois.
En signant le registre, une d'elles a la larme à l'œil.
« Elle va tellement nous manquer! »
Au retour des funérailles, ces trois éléments m'habitent
encore et se mélangent. Pourtant, à priori, il n'y a pas de lien entre eux.
Ou peut-être que oui, finalement...
D'abord, le mélange des genres qui fait qu'on tord une
réalité pour la rendre digestible.
François Legault qui compare son investissement dans les
batteries de voitures à l'investissement de Robert Bourassa pour les grands
barrages hydro-électriques des années 1970. Pas un mot sur le fait que les
barrages allaient servir la collectivité, le tout demeurant dans le secteur
public, alors que là, on subventionne une compagnie privée. Mais ce qui compte
pour lui, ce sont les indicateurs de performance financière.
Je veux bien, mais c'est court comme raisonnement.
Puis, cet animateur de radio qui rappelle cette choucroute
dans laquelle on patauge quand il est question d'environnement. Plutôt que de
se remettre minimalement en question, sur une base personnelle et collective,
on préfère nettoyer notre conscience en trouvant des palliatifs à nos excès et
en se disant qu'on peut continuer à tout miser sur la performance.
Changer un peu les choses dont on se sert, ça va. Tant qu'on
ne change rien à notre confort performant quotidien.
Puis, il y a tous ceux qu'on laisse derrière. Les moins nantis.
Les sans-abris. Les gens en institution qui n'ont pas ce qu'il faut pour
performer dans la structure actuelle.
Comme ma tante.
Comme, aussi, ceux qui ont les outils de base, mais qui ne
suivent pas la cadence, se retrouvant avec une étiquette de perdant dans le
front.
Et je me retrouve avec un constat qui, lui, amène une
question.
Le constat, d'abord: plus on est transporté par la vitesse et
la performance de notre style de vie et moins on voit tous ceux qui n'ont pas
l'occasion ou la capacité d'embarquer dans le grand cirque. Ou ceux qui
dérapent une fois en piste.
La question, maintenant : est-ce que ceux qu'on ne voit
pas trop existent vraiment?
Si oui, est-ce qu'on peut rêver d'une déclaration
enthousiaste d'un premier ministre qui affirmerait : « c'est pour ne
laisser personne derrière que je fais de la politique! » ?
Clin d'œil de la semaine
« Je fais de la politique pour servir! »
Reste à savoir qui ou quoi...