L'empire britannique, aujourd'hui réduit au Royaume-Uni a longtemps été caractérisé par la métaphore de l'empire où le soleil ne se couche jamais lorsqu'il été au faîte de sa puissance au 19e siècle. Pour les amateurs de précision historique, rappelons que la phrase ne fut pas d'un Anglais, mais plutôt reprise d'une déclaration de l'empereur Charles Quint « Sur mon empire, le soleil ne se couche jamais ». Dans sa version espagnole, langue de l'empereur Charles Quint, cela se disait plutôt imperio en el que nunca se pone el sol. Quoi qu'il en soit, cet empire britannique qui a colonisé tant de pays sur cette planète, ce pays qui a voulu répandre les libertés britanniques partout dans le monde, est aujourd'hui dans une dynamique de fermeture et de repli identitaire. Le Royaume-Uni depuis le référendum sur le Brexit n'en finit plus de se désagréger politiquement. Tant et si bien qu'ils ont élu un sosie politique de Donald Trump pour remplacer l'ex-première ministre, Theresa May, Boris Johnson. Retour sur la saga du Brexit britannique.
Qu'est-ce que c'est le Brexit ?
Le terme Brexit est utilisé pour désigner le scénario de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. C'est une expression créée au 21e siècle et qui vient de la contraction de deux mots anglais, British (britannique) et Exit (sortie). Ce sujet fait débat au Royaume-Uni et oppose les grandes forces politiques du pays.
Pour comprendre ce qu'est le Brexit, il faut d'abord expliquer ce qu'est le Royaume-Uni. Il s'agit d'un pays qui regroupe plusieurs territoires. Il y a d'abord la Grande-Bretagne, qui réunit trois régions : l'Angleterre, le pays de Galles et l'Écosse, situés sur la même île. Puis il y a la région de l'Irlande du Nord, située au nord de l'île voisine et qui est à côté d'un autre pays, la République d'Irlande. Ce pays est une monarchie. Ça veut dire qu'il y a un roi ou une reine. Depuis 65 ans, c'est Elizabeth II. Ce n'est pas elle qui dirige le pays, mais le premier ministre Boris Johnson.
Le Royaume-Uni et l'Europe
Le Royaume-Uni a décidé il y a plus de quarante ans d'appartenir à un groupe de pays qui s'appelle l'Union européenne. La France et l'Allemagne, entre autres, en font partie aussi. Mais voilà, le Royaume-Uni a choisi de quitter l'UE. Ce sont les habitants eux-mêmes, les Britanniques, qui ont pris cette décision l'an dernier. Le gouvernement a organisé un référendum, précisément un vote sur un sujet précis et non sur une personne. Il leur a demandé s'ils voulaient quitter l'UE, et la majorité a répondu oui. On appelle ça le Brexit.
Bien malin qui pourrait affirmer avec certitude les motifs qui ont amené les Britanniques à choisir de quitter l'Union européenne. L'impopularité des conservateurs et les tensions vécues au sein de ce parti n'en sont pas moins importantes que le ras-le-bol des Britanniques de se voir imposer des lois par l'Union européenne. Par ailleurs, le sentiment des Britanniques à l'égard de l'Union européenne était qu'ils n'en avaient pas pour leur argent. Ils ont acquis la certitude au cours de la campagne référendaire qu'ils donnaient plus d'argent qu'ils n'en recevaient. Mais la plus importante raison est que les Britanniques se sentaient envahis par les citoyens des autres pays de l'Union européenne qui venaient travailler et s'installer chez eux. Avec la crise migratoire en Europe, les débats sur l'immigration, les Britanniques contre toute attente, bien que par une faible marge, ont décidé de quitter l'Union européenne au lendemain d'une campagne référendaire marquée par des gestes violents et par des irrégularités.
Mais quitter l'Union européenne, ça ne se fait pas en claquant des doigts. C'est un peu comme quand un couple divorce : avant de signer le papier qui officialise la séparation, il faut se mettre d'accord sur tous les éléments. Qui va rester dans la maison, qui va garder la voiture, comment va-t-on s'arranger avec les enfants ? Le Royaume-Uni et les 27 autres pays européens ont négocié de nombreuses ententes, mais jamais le parlement n'a ratifié l'entente négociée par l'ancienne première ministre, Theresa May. Cette dernière y a d'ailleurs laissé son poste et une partie de sa santé. Au moment où j'écris ces lignes, il n'y a pas toujours d'entente et le nouveau venu Boris Johnson s'est fait élire en promettant qu'il sortira le Royaume-Uni de l'Union européenne avec ou sans entente.
Le sauveur Boris Johnson
Grand gagnant à l'issue du Brexit, Boris Johnson s'est fait le champion du populisme britannique en arguant qu'il fallait que son pays reprenne son destin en main. Fier du triomphe de la démocratie que fut pour lui le résultat de la campagne du Brexit, l'ancien maire de Londres a désormais les coudées franches pour sortir le Royaume-Uni de l'Union européenne, quelles qu'en puissent être les conséquences.
Une sortie de l'Union européenne sans accord aurait des conséquences néfastes pour l'économie britannique, on évoque des coûts de 40 à 45 milliards d'euros si l'Union européenne n'accorde pas de meilleures conditions de sortie au Royaume-Uni. Se disant l'héritier de Winston Churchill, Boris Johnson dit sa détermination à qui veut l'entendre qu'il sortira avec ou sans entente le Royaume-Uni de l'Union européenne le 31 octobre prochain. La nomination de son gouvernement a confirmé cette volonté du nouveau premier ministre Johnson en nommant une forte majorité de personnalités d'eurosceptiques pour former le gouvernement tout en ne reconduisant pas une dizaine de ministres de Theresa May dans leurs fonctions. Cela ne sera pas sans conséquence. Les Britanniques sont profondément divisés sur cet enjeu et cela ne pourra qu'avoir de graves répercussions pour l'avenir politique de Boris Johnson et des conservateurs britanniques.
Le Royaume-Uni : capitale du repli sur soi ?
Ce qui est le plus fascinant de l'arrivée au pouvoir de Boris Johnson c'est que les Britanniques se sont donné un sosie de Donald Trump comme chef de gouvernement. Un partisan du repli sur soi et qui flirte dangereusement avec un discours populiste xénophobe. Johnson, tout comme Trump, libère des sentiments refoulés dans les sociétés démocratiques qui prennent appui sur nos incompétences civiques crasses. Devant la montée du populisme, le cynisme ambiant, la fuite en avant dans les biens de consommation, la promotion de l'individualisme à outrance et la propagation de cette maladie d'avoir envie d'être vu et d'être au centre de l'intérêt des autres, notre incompétence démocratique et la disparition de toute trace de civilité entre nous causent des dommages irrémédiables à nos modes de vie et surtout à nos libertés.
Sans véritable exercice démocratique, sans des moyens pratiques pour exercer nos devoirs de citoyens et comme l'écrit Philippe Breton ; « sans déploiement de ces compétences minimales à l'objectivation, à l'empathie, au débat symétrique, chaque conflit redevient une poudrière, susceptible de basculer dans la violence. » (Philippe Breton, L'incompétence démocratique. La crise de la parole aux sources du malaise [dans la] politique, Paris, Éditions la Découverte, 2006, p. 247.) Pour le Royaume-Uni et pour Boris Johnson, c'est quitte ou double...