La publication cette semaine d'un
sondage Léger sur les intentions électorales des Québécoises et des Québécois
nous rappelle que des élections se tiendront au Québec en octobre 2022. Le
resserrement du vote à l'égard de la Coalition avenir Québec de François
Legault au profit du parti conservateur d'Éric Duhaime fait illusion. Les
commentateurs politiques veulent y voir une course alors que dans les faits
François Legault et son parti voguent tranquillement, toujours selon ce
sondage, vers une réélection avec une plus forte majorité que celle acquise
lors de l'élection de 2018. Quelques réflexions empiriques sur l'état des lieux
électoral au Québec en ce temps de pandémie.
Il n'y en
aura pas de facile
Depuis les années 1960 alors que
le vent de la Révolution tranquille soufflait sur le Québec que la génération
de baby-boomers, enhardit par l'enthousiasme des trente glorieuses, attribuait
à la politique un sens de noblesse qui
s'est perdu depuis lors. Notre rapport à la politique s'est détérioré et nous
ne pensons plus majoritairement que c'est l'un des meilleurs véhicules pour
améliorer la société dans laquelle nous vivons. Il faut dire que cette
détérioration du politique s'est lentement insinuée dans notre vie dans le sillage
de la professionnalisation de la politique et de la lente émergence d'une
démocratie d'opinion dominée par les sondages, les statistiques, les courbes et
le traitement médiatique faisant des élections l'équivalent d'une course de
chevaux avec ses favoris, ses gagnants et ses perdants. C'est cet héritage sous
fond de pandémie et en présence d'un ras-le-bol généralisé qui servira de toile
de fond à la prochaine élection québécoise. Les Legault, Anglade, Nadeau-Dubois,
St-Pierre Plamondon et Duhaime auront fort à faire pour mobiliser le Québec et
le convaincre d'aller aux urnes pour de bonnes raisons. On risque plutôt de
voter contre quelque chose, contre quelqu'un ou encore pire refuser de voter.
Il faut nourrir des inquiétudes par rapport à l'avenir et pas seulement à cause
du virus, des mesures sanitaires et des restrictions à nos libertés. Il faut
s'inquiéter de notre foi en l'avenir.
Les enjeux
Les enjeux seront nombreux. Le plus
fondamental c'est de redonner confiance aux gens dans le processus démocratique.
Il faut réussir dans ce moment de malheur généralisé à convaincre que l'action
commune peut encore avoir une résonnance dans nos vies. Il importe que les
discours politiques soient à la hauteur des défis qui se posent à nous. Il faut
que nous puissions voir la politique comme le véhicule le plus efficace pour
améliorer les choses ensemble, pour le mieux, malgré les difficultés. La classe
politique a devant elle le plus grand défi du 21e siècle :
recréer le lien social et créer de la confiance dans nos institutions communes.
Plus facile à dire qu'à faire me direz-vous. Vous avez raison d'être
sceptiques. Je le suis moi aussi. N'empêche que la seule façon de vaincre nos
démons d'aujourd'hui et ceux de demain c'est de recréer la confiance entre nous
et de se donner des objectifs communs. Le bien commun ça vous dit quelque chose ?
L'enjeu c'est de défendre le bien
commun et de convaincre la population que toute la classe politique a pour
objectif le bien commun. Pour réussir cela, il faudrait réussir à changer les
narratifs de campagne. Il faudrait apprendre à débattre d'idées et de visions
concurrentes du monde commun sans dénigrer, sans attaques personnelles qui
cherchent à seulement décrédibiliser l'autre. Il faut réapprendre à débattre
dans le dialogue et dans l'écoute. Cela ne sera pas une mince tâche, j'en
conviens, mais la réalité du moment commande ce changement de paradigme du
politique si l'on souhaite sincèrement faire naître une nouvelle politique.
Bien sûr, l'enjeu le plus immédiat
c'est de revoir de fond en comble notre système de santé. S'il faut réunir nos
énergies et nos esprits les plus brillants pour comprendre les raisons des
déraillements de la première vague marqués par le décès de milliers de nos
aînés, ce n'est pas en faisant une enquête-bidon pour identifier des
responsables que nous y parviendrons. De toute manière, nous savons que les
coupables c'est nous collectivement. Nous qui avons abandonné nos aînés dans
des univers compartimentés loin de nos regards. Nous qui avons accepté que nos
gouvernants coupent et recoupent dans notre système de santé et dans nos
services sociaux. Nous qui avons fait le choix de la consommation plutôt que de
la compassion. Nous enfin qui préférons pelleter en avant nos problèmes plutôt
que de les affronter. Ce nous coupable, mérite rédemption et la façon d'y
parvenir c'est de corriger nos manquements et nos errements au plus tôt. Une
révision en profondeur de nos façons de faire et de dispenser nos soins de
santé est nécessaire, voire essentielle. Il est temps peut-être de cesser de
nous mentir à nous-mêmes et de croire que dans un contexte de vieillissement
accéléré de la population, de progrès dans la science médicale et de
l'explosion des coûts de santé que nous pouvons tout faire. Soigner tout le
monde gratuitement en leur donnant les traitements les plus coûteux tout en
aidant, à titre d'exemple, des couples infertiles à donner naissance à des
poupons grâce à des cliniques de fertilité et je ne sais quel autre service
utile, mais peut-être pas essentiel. En ce temps ou le système s'effrondre, il semble
évident que nous n'avons pas les moyens de payer pour tout cela. Nous payons
déjà 53 sous pour chaque dollar d'impôt versé pour un système de santé
inefficace et qui menace de s'effondrer. Ne trouvez-vous pas que c'est assez ?
Bien sûr, mon propos pourrait
ressembler à un discours qui veut restructurer le système de santé, voire le
privatiser. Pourtant loin de moi cette idée, je crois qu'il est temps que nous
ayons tous ensemble avec des experts patentés un grand dialogue sur l'avenir de
notre système de santé, sur la façon de le financer et de dispenser des soins
sans a priori, sans idées préconçues du genre universel, accessible et gratuit.
Rien n'est gratuit et il faut en prendre la pleine mesure.
Voilà des enjeux clairs pour notre
classe politique lors de notre prochain rendez-vous électoral prévu pour
octobre prochain.
N'est pas
plus sourd qui ne veut entendre
JE SAIS, JE SAIS, JE SAIS, JE SAIS, JE
SAIS QU'ON NE SAIT JAMAIS
à l'automne de ma vie
comme le chantonnait Jean Gabin dans sa célèbre chanson, JE SAIS, JE SAIS. Je
ne sais rien moi non plus sauf que nous
devons changer de paradigme politique si nous voulons assurer l'avenir. Nous
devons refuser comme électeurs de nous faire servir une campagne électorale
comme à l'habitude. Des campagnes électorales réduites à une confrontation de
stratégies de communication, dont les effets sont mesurés par des sondages
publiés dans des médias et commentés par des experts polijoueursnalistes. Des
campagnes qui placent les citoyens en situation de spectateurs impuissants ou
en pseudostratèges devisant avec ses semblables sur le vote stratégique afin de
voter utiles plutôt que pour ses convictions. En atténuant les idéologies, le
présent système électoral occulte les projets collectifs et personnalise à
outrance la vie politique.
Il faut dire non à ce type de
politique et faire nous-mêmes notre avant-match électoral...