Les Québécois écrivent beaucoup. Au Québec, on évalue approximativement à 35 000 le nombre de manuscrits soumis à des éditeurs chaque année. De ce lot, peut-être 3 000 seront édités et imprimés.
« L'écriture est un travail secret, solitaire, silencieux. Quand l'écrivain vit la déception d'une réponse négative de la part d'un éditeur, il peut ressentir la chose comme un rejet de lui-même, de son écrit. Mais il faut continuer à vivre, à écrire. Car les mots nous définissent, nous aident à nous définir. L'écriture est oeuvre de mémoire [et d'imagination, mon ajout], mémoire personnelle et collective; on écrit pour se « purger », se purifier... Les mots nous font prendre conscience de choses plus ou moins importantes », décrit Michel Gosselin, président de l'Association des auteures et auteurs de l'Estrie (AAAE).
L'AAAE compte quelque 125 membres. « Et ce sont des membres qui écrivent, qui produisent. Chaque année, une trentaine d'auteurs nous soumettent des oeuvres publiées en lice pour les trois prix littéraires décernés par l'Association. Sans oublier les nombreux événements organisés par l'AAAE : les cabarets littéraires « Lis ta rature »; les 5 à 7 littéraires « Sherbrooke se livre » tous les premiers mercredis du mois, etc. »
Selon lui, la qualité de vie, la beauté et le calme des paysages en Estrie et la présence de deux universités et d'autant de collèges à Sherbrooke expliquent le dynamisme et l'enthousiasme créatif des écrivains dans la région.
«Le milieu littéraire a toujours été dynamique en Estrie. Alfred DesRochers a fondé le Regroupement des écrivains des Cantons, réunissant Éva Senécal, Jovette Bernier et plusieurs autres. La création de l'Université de Sherbrooke en 1954 a maintenu ce dynamisme. L'AAAE, fondée en 1977, a créé le Salon du livre de Sherbrooke... Le milieu est très riche et les auteurs ne sont pas laissés à eux-mêmes », continue-t-il.
Qu'est-ce qui marche, qui ne marche pas en littérature? Existe-t-il une recette?
« C'est un mystère. Chaque auteur espère, rêve d'écrire le best-seller de l'année, du siècle. Mais c'est le public qui décide : le public a toujours raison. Même si ce n'est pas bon, si le public aime ça... Cela peut donner le goût de lire, découvrir autre chose et lire d'autres livres... On fait toujours oeuvre pédagogique. C'est comme la mode : à coups de battage médiatique, les publicitaires vont nous proposer la couleur de la saison. « Cette année, c'est le jaune ». Mais dans la rue, tout le monde est en mauve. C'est le public qui décide et qui a raison », ajoute-t-il.
On se rappelle le canular posé il y a quelques années alors qu'on a soumis un manuscrit d'un inconnu à des maisons d'édition réputées qui, évidemment, l'avaient refusé. Pour se faire dire ensuite que l'oeuvre refusée était un roman auquel on avait décerné un prix prestigieux quelques années auparavant. « Preuve que les éditeurs ne lisent pas, lance Michel Gosselin. Ils ne peuvent pas tout lire ».
Texto ou haïku?
Avec les nouvelles technologies, l'ordinateur et le traitement de texte, les téléphones intelligents et les tablettes électroniques, on est loin de la plume de corbeau et de la machine à écrire. Questionnée à savoir si elle délaisserait sa vieille machine à écrire manuelle (même pas électrique!) pour un ordinateur pour écrire, Anne Hébert aurait répondu : « Croyez-vous que ce serait meilleur sur ordinateur? »