Le dernier budget du gouvernement Couillard aura tenu promesse. L'austérité aura donné ses fruits. Le Québec a atteint l'équilibre budgétaire après tant d'efforts et au prix de la qualité et de la quantité des services qui sont offerts à la population québécoise.
C'était nécessaire nous disent les ténors du gouvernement Couillard. Le Québec n'avait pas d'autres choix. Nous vivions au-dessus de nos moyens. Nous devons maintenant apprendre à vivre selon notre capacité de payer. Sur cette question, on ne pourra pas reprocher au gouvernement libéral de Philippe Couillard de ne pas avoir tenu parole. Les vraies affaires finalement c'était de faire du Québec une province comme les autres et de transformer le rôle de l'État québécois. La conscience de gauche de l'Amérique, comme on s'avisait d'appeler le Québec jadis, est bel et bien chose du passé.
La priorité, l'éducation?
Si vous avez suivi comme moi les nombreuses fuites et ballons d'essai du gouvernement avant la présentation de son budget du 17 mars dernier, vous aurez compris que l'axe de communication c'est que le gouvernement a désormais comme priorité l'Éducation. On entendra dans les prochaines semaines et les prochains mois l'importance que nous accordons à l'économie du savoir, une économie à valeur ajoutée. Cette économie pour éclore doit compter sur des gens scolarisés.
Les collèges et les universités
Or, le budget présenté, même s'il dépensera plus en éducation, une hausse de 3 %, ne propose pas de miracles. L'un des plus importants postes en éducation est l'enseignement postsecondaire, là où l'on forme la richesse de demain. Nos collèges et nos universités ne se voient pas doter des moyens nécessaires pour leur permettre de s'acquitter convenablement de leurs missions. À titre d'exemple, le budget de fonctionnement de l'Université de Sherbrooke, selon les dires d'Alain Webster vice-recteur aux relations gouvernementales, pourrait augmenter entre 1,7 et 2,5 %, mais il faut se rappeler que les compressions dues à l'austérité ont fait une ponction de 10 %. Cela ne rattrape même pas le quart des coupes faites dans le budget des universités alors qu'elles étaient déjà lourdement sous-financées par rapport aux autres universités canadiennes. Heureusement, le gouvernement accorde à la stratégie Innovation partenariat entrepreneuriat de l'Université de Sherbrooke un montant de trois millions de dollars. Rare bonne nouvelle pour ce budget.
Les collèges obtiendront davantage de fonds pour renforcer les liens entre le milieu de l'éducation et le milieu du travail. Une somme de quatre-vingts millions de dollars sera consacrée aux centres collégiaux de transfert de technologies et servira également à favoriser l'insertion professionnelle de notre jeunesse par divers programmes.
Les écoles primaires et secondaires
Le réinvestissement dans le système d'éducation primaire et secondaire sera d'environ 1,2 milliard de dollars pour trois ans, cinq cents millions pour le fonctionnement et sept cents millions pour les infrastructures scolaires. La grosse partie de cette dernière somme sera consacrée à réparer nos écoles à Montréal. Même si l'on ajoute des ressources et des services pour combattre le décrochage scolaire, je doute qu'un gouvernement démontrant si peu de vision quant au rôle et à la mission de l'éducation obtienne de vrais résultats. L'école n'est pas une usine à fabriquer de la main-d'œuvre, mais plutôt un milieu de vie qui contribue à éduquer des citoyennes et des citoyens. Il se dégage malheureusement de ce budget une désagréable vison utilitariste de l'école. Ce n'est pas rassurant pour l'avenir.
La santé et les services sociaux
Du côté de notre système de santé et de nos services sociaux, il n'y a rien de rassurant non plus. L'augmentation de 2,4 % ne suffira pas à payer l'évolution des coûts de système et les diminutions de services continueront à se faire sentir pour la population. On saupoudre soixante millions pour les services de soutien à domicile, mais avec les besoins criants d'une population qui vieillit à la vitesse grand V, c'est nettement insuffisant.
Je ne parle même pas des victimes des compressions qui sont trop souvent prises en charge par des bénévoles et des organismes communautaires. Ces derniers sont laissés sans moyens suffisants pour parer au plus urgent des conséquences de ce régime d'austérité. Pour avoir travaillé d'arrache-pied depuis un an à ramasser des contributions pour Centraide Estrie à titre de coprésident de la campagne de financement 2015, je suis bien au fait des moyens misérables que l'on donne à nos organismes communautaires pour prendre le relais d'un État qui est de moins en moins généreux et de moins en moins enclin à de la compassion. Je crois cependant que la générosité et la charité ne sont pas une solution de remplacement à un gouvernement qui prend soin de son monde. Je veux bien que nous soyons généreux, mais pas pour suppléer aux responsabilités du gouvernement. Les organismes communautaires ont raison de crier à la famine et ils peuvent compter sur mon appui indéfectible.
Le vrai gagnant : le remboursement de la dette
Le choix que fait le gouvernement libéral de Philippe Couillard c'est de rembourser la dette du Québec à un rythme trois fois plus grand que le réinvestissement dans ses fonctions essentielles. L'obsession de la dette est vraiment un trait marquant de l'idéologie néo-libérale. Une idéologie politique qui a le haut du pavé au Québec depuis l'ère des Thatcher et Reagan de ce monde. Cette façon de voir est contraire à la culture politique historique du Québec qui a un fond de communautarisme bien ancré même si depuis vingt ans les valeurs individualistes et du « chacun pour soi » prennent de plus en plus de place dans nos vies.
Pour ma part, je crois que la création de la richesse n'a qu'une finalité, c'est de la partager. Il n'y a pas de choix facile, mais choisir la population plutôt que de choisir de continuer à faire fructifier les avoirs du 1 % des plus riches est le seul bon choix. Le Québec est mûr pour une autre politique, une politique résolument sociale-démocrate. Choix que ne fera pas d'évidence le gouvernement libéral de Philippe Couillard. Le malheur c'est que les alternatives politiques sont au même diapason, que ce soit le PQ ou la CAQ. Il n'y a que Québec Solidaire qui a un autre discours, mais ce dernier ne tient pas toujours la route.
Le dernier budget en est un d'inspiration néo-libérale et il nous prouve qu'au « pays de l'Austérie », il y a deux façons de voir : l'austérité ou la rigueur néo-libérale...