D'unité de mesure utile, l'argent est devenu une fin en soi, la mesure de la réussite d'une vie, le moteur de nos actions, bref, l'argent, c'est la vie. Et pas de vie sans argent.
Le constat est exagéré? Pantoute.
Je pensais au pouvoir extraordinaire de l'argent hier en lisant des textes sur la campagne électorale et sur les coupes budgétaires arbitraires du gouvernement du Québec. En lettre ouverte aux journaux, le Conseil du patronat affirme que la seule priorité valable, c'est la prospérité. Ah, bon.
Les gouvernements des dernières décennies ont modifié les paramètres économiques pour introduire et promouvoir (et promouvoir encore) toutes sortes de traités de libre-échange. Au nom d'une économie saine. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais je constate qu'il est beaucoup plus noble de laisser circuler des biens et marchandises que des humains. Le drame des Syriens met la situation en lumière. On n'a aucun problème à modifier le portrait culturel de notre économie en laissant partir la production vers d'autres pays où les droits fondamentaux des humains ne sont pas même minimaux, mais on ne laissera pas entrer au pays des gens qui pourraient changer le portrait culturel de notre société.
La Boule bleue ne connaît plus vraiment de frontières. Sauf, peut-être, pour les humains.
Me semble qu'on a « du lousse dans la steering » de notre façon de nous conduire et de voir les choses. Mais tout est argent. Tout n'est qu'argent.
Nos problèmes d'éducation? L'argent. Nos problèmes dans le système de santé? L'argent. Des solutions? Non, on n'a pas d'argent. Alors on coupe. Partout. Et nulle part. Mais pas dans le but de réinvestir, nenon, dans le but de conserver notre cote de crédit. Il y a un projet de société derrière cela, c'est évident. Un projet qui souhaite retirer l'État des structures d'accompagnement citoyennes. Un projet non avoué (sinon, la réélection est moins probable) qu'on fait évoluer sur la seule base du « on n'a pas les moyens ».
Je sais, ça fait des sociétés moins équitables, moins solidaires, moins transparentes. Mais on reviendra peut-être avec ces valeurs quand on aura les moyens. Ben oui...
Donc, il n'y a aucun moyen de faire autrement. De changer les choses à la base. Non. On n'a pas les moyens. C'est là que j'en étais hier, quand je suis tombé sur la candidature de Benoît Huberdeau, candidat indépendant dans Sherbrooke. Déjà, je suis surpris qu'on lui fasse une place dans les médias. Il navigue à sens inverse, ne voulant pas être prisonnier d'un carcan partisan.
Dans l'article le concernant (La Tribune du 5 septembre 2015), deux trucs m'accrochent particulièrement. Rêver d'une société meilleure si une partie des citoyens n'a rien dans le ventre, c'est inutile, dit-il. Une des idées est donc d'obliger le détournement des denrées encore comestibles vers les comptoirs alimentaires du Canada. L'effet est immédiat sur la santé publique et, par ricochet direct, sur l'éducation, l'itinérance et l'environnement.
Mais on ne le fera pas. Ça occasionnerait des coûts aux entreprises qui perdraient quelques dixièmes en pourcentage de profits, ce qui est plus important que la vie.
Puis, cette idée d'imposer un partenariat entre les entreprises et les organismes communautaires. Du genre que chaque entreprise doit verser un pourcentage de sa masse salariale à un organisme communautaire qui favoriserait l'éducation et la santé. L'effet serait immédiat aussi.
Mais on ne le fera pas. Pour la même raison que tantôt.
L'idée d'une campagne électorale n'est pas de s'obstiner sur le nombre de réfugiés accueillis. L'idée est de débattre et de trouver des solutions.
Benoît Huberdeau mérite d'être entendu. Ne serait-ce que pour faire évoluer les esprits et les idées.
Juste comme ça, je me demande : et si c'était ça, « les vraies affaires? »
Clin d'œil de la semaine
Chaque jour, on évalue la valeur de l'argent. C'est quand l'argent devient une valeur que tout dérape.