Deux acériculteurs du Haut-Saint-François, Daniel Gaudreau de Scotstown, et Steve Côté de Sawyerville, luttent depuis des années pour défendre leurs positions et intérêts face aux règles émises par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ). Daniel Gaudreau compte les jours où il recevra le verdict de sa sentence dont la peine n'est rien de moins que la prison. Pour Steve Côté, il est au pied du mur, ayant cumulé 560 000 $ en amendes à la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ), pour avoir vendu son sirop sans passer par la fédération. Deux choix s'imposent à lui, la vente ou la faillite. Les deux revendiquent le libre choix de pouvoir vendre et gérer leur production comme toute entreprise privée.
Au Québec, c'est la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) qui contrôle la mise en marché du sirop d'érable, la vente et la distribution, depuis 2002. Le système ne fait pas l'unanimité; cependant, beaucoup d'acériculteurs se plient à cette mesure, souvent faute de moyens de défense face aux amendes démesurées, de mentionner M. Côté. En comparant la peine des deux producteurs de sirop versus la production ou la possession illégale de marijuana, on remarque en consultant différents sites du gouvernement du Canada que leur facture est nettement plus élevée.
Mise en contexte Les fabricants de sirop d'érable doivent emboîter le pas et se conformer aux règles mises en place par la FPAQ et ce n'est pas un choix, mais une obligation. Rappelons que la gestion de ce système a tout de même été votée en majorité. Depuis ce nouveau régime, les producteurs n'ont d'autre choix que de respecter les règles, sous peine d'être amendé par la RMAAQ. Il n'y a pas de possibilité de libre choix, à ce jour, pour le producteur de faire partie ou non de ce système. La fédération gère les contingents des producteurs, la mise en marché et garantit un paiement standardisé pour tous les producteurs selon l'offre et la demande. « Le sirop, c'est un produit d'exportation, mais en limitant la production par le contingent, ça freine les ventes », d'exprimer Steve Côté. Pour Steve Côté, il est conscient que c'est un bon système pour certaines personnes. « Pour beaucoup de producteurs, c'est un à côté et ils ont une autre source de revenus. Ils ne veulent pas nécessairement s'occuper de la mise en marché », témoigne-t-il en soutenant que le libre choix avantagerait le développement économique. « On a 7500 producteurs au Québec pour 48 acheteurs autorisés, si 1000 veulent développer leur marché eux-mêmes, c'est mieux que 48, non ? » Pour les deux acériculteurs de la région, ils estiment que le système est souvent perçu comme un régime de dictature. Plusieurs baissent les bras devant cette grande organisation, faute de moyens. « Les gens et les producteurs ont vraiment peur », souligne M. Gaudreau. « C'est un régime de peur, on est menacé et les pénalités et les amendes sont incroyables », ajoute Steve Côté. À bout de ressources, ils devront assumer les conséquences sévères imposées par la fédération, si rien ne change, mais ils n'ont pas dit leurs derniers mots, laissent-ils entendre. Selon eux, c'est justement l'objectif de la fédération de leur imposer des amendes salées afin de les obliger à se conformer. Un jour, ils seront peut-être considérés comme les précurseurs qui se seront battus pour les générations futures croient-ils; cependant, comme le souligne M. Côté, ce n'est sûrement pas lui qui pourra en profiter.
Vendre ou faire faillite En 2012, l'amende de M. Côté était de 656 000 $. « Parce que je ne veux pas rentrer dans leur système, on m'a marqué comme un vendeur au noir, alors que je souhaite faire ma mise en marché moi-même, je suis un entrepreneur. » L'entreprise familiale de Steve Côté a une clientèle établie depuis 1979. En affaires de père en fils, le producteur témoigne « nous sommes des gens qui veulent gagner leur vie, on nous en empêche au nom d'une réglementation soi-disant bénéfique. On ne veut pas que la fédération disparaisse, on demande la liberté d'adhésion et on a une charte des droits et libertés pour cela. » Questionné sur la solution qui s'offre à lui, il précise « on m'empêche de produire et on me réclame pareil. Je suis au statu quo. Là je réfléchis, si je vais vendre ou faire faillite, ça ne peut pas être pire de toute façon », soulignant aussi absurde que cela paraisse, qu'il devra s'installer à l'extérieur du Québec pour faire du sirop.
La prison Quant à Daniel Gaudreau, il défend ses idées par conviction. Lui et sa conjointe Nathalie Bombardier, aussi propriétaire, reçoivent tous les jours la visite d'un huissier en plus d'être en attente de jugement. Il risque d'être condamné à la prison parce que la fédération l'accuse de vendre son sirop sans passer par elle. Le couple s'appuie sur différentes études et publications pour démontrer ne pas être les seuls à considérer que le régime mis en place par la FPAQ a des brèches et que certaines closes devraient être revues.
Les deux producteurs démontrent le rapport publié par l'Institut de recherche économique de Montréal (IEDM) affirmant que la gestion de l'offre désavantage tous les Canadiens. Le système, qui encadre les producteurs en établissant des quotas, des tarifs à l'importation et en fixant les prix, est perdant. De plus, IEDM en conclut que le système de gestion de la fédération fait que c'est le consommateur canadien qui subventionne ces producteurs. « Nous sommes victimes de l'acharnement de la fédération », témoigne M. Gaudreau en ajoutant « Il faut mettre fin au cartel de l'érable en enlevant les quotas, le panier d'épicerie va baisser. » M. Côté déclare « On n'a pas le droit de vendre notre sirop, mais les États-Unis, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick peuvent venir ici vendre sans aucune quote à verser à la fédération, cela a aucune logique. »
Nous avons tenté en vain de rejoindre des représentants de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec. Un suivi sera effectué dans le prochain numéro.