La vie
est courte. On ne vit qu'une fois.
La
tortue fait des gains dans sa course contre le lièvre parce qu'elle n'arrête
pas.
Je
visualise mes objectifs et j'avance. Toujours.
« Ne
quid nimis ». C'est la devise de Sherbrooke, liée à la famille de la
personne qui a donné son nom à la ville (sans jamais y mettre les pieds, cela
dit). Cela veut dire « Rien de trop ». À l'époque de mon enfance, on
nous proposait plutôt la traduction : « n'arrête jamais ».
Tous ces
bouts de phrase ont un sens et tendent vers une même direction : la
performance, celle qui motive, qui nous amène plus haut, plus loin.
Pourquoi
tant d'arrêts obligatoires, alors?
Puisque
la liberté personnelle et la performance semblent les valeurs qui fondent notre
économie et, par voie de conséquences, notre société, pourquoi n'enlève-t-on
pas toute la signalisation qui commande un arrêt obligatoire à un coin de rue?
Pour
plein de raisons, évidemment. Par souci de sécurité; par souci du principe du
partage de la voie publique, etc.
Par
souci de cohésion dans nos vies quotidiennes.
« Je
l'essaie... ou non? »
1980. Je
suis à l'extérieur avec mon ami Marc. Il est minuit, peut-être. C'est l'été. Au
coin de la rue La Rocque, où il demeure. Je m'apprête à quitter au volant de ma
rutilante Civic 1979! Je suis à peut-être 10 mètres du coin de la rue. J'ai un
arrêt obligatoire à y faire. Il n'y en a pas dans l'autre sens de
l'intersection* et je suis juste assez loin pour ne pas voir si une voiture
vient, dans un sens comme dans l'autre. J'interpelle Marc : « Pas
game, je clenche sans arrêter, advienne que pourra! » Le risque était quand
même calculé, il ne passe à peu près personne depuis une heure!
Pour
tout vous dire, je ne l'ai pas fait. Marc comprenait la sensation, mais son
gros bon sens allait dans le sens du mien. Mais la sensation grisante du risque est
encore là. La sensation du « pas game ». De la question qui
demeure : que serait-il arrivé, si ? Je me retrouvais un peu dans une
scène similaire dans le film culte « Crazy ».
Au
nom de l'adrénaline
Si j'ai
bien intégré le fait qu'on ne bâtit pas un réseau routier sans arrêts
obligatoires, je fais le triste constat que c'est à peu près le seul endroit de
nos vies où on a maintenu ces obligations.
C'est
sûr qu'une collision, ça envoie un message fort et clair. Une image bien plus
forte que tous les cas d'anxiété chez les enfants, les épuisements personnels
et professionnels, les dépressions nerveuses et quoi encore? Tout ça n'a pas le
même impact visuel qu'une collision, mais ça détruit ou hypothèque grandement
un nombre exponentiellement grandissant de vies.
C'est
généralement un médecin qui impose un arrêt obligatoire.
On
devrait connaître nos limites, pourtant, non?
L'affaire,
c'est qu'on finit par connaître nos limites quand on flirte avec. Ce qui est souvent
trop tard.
L'affaire,
aussi, c'est qu'on ne peut prendre la mesure des choses que si on s'arrête un
peu. Et notre vie est bâtie pour ne pas s'arrêter! La quête du bonheur, telle
qu'on le définit maintenant, passe par la performance.
Je sais,
je fais un peu (pas mal, peut-être!) prêchi-prêcha... Mais je ne suis pas
complètement con. Je sais bien que je ne changerai rien au rythme de la vie qui
est la nôtre.
Je me
dis juste qu'on devrait multiplier les arrêts obligatoires dans nos vies. Même
quand on pense qu'on n'a pas le temps.
Juste
pour prendre le temps de constater les choses.
Et aussi
par souci de cohésion dans nos vies quotidiennes. Dans nos vies, tout court.
Clin
d'œil de la semaine
La vie
est courte, on ne vit qu'une seule fois. Un sage disait plutôt : on ne
meurt qu'une fois. On vit, toutes les autres fois...
*En retournant
au coin de la fameuse rue, j'ai réalisé que, depuis, ils ont ajouté un arrêt
dans l'autre sens!