La vie est tout sauf un long fleuve tranquille.
Je parle de la période de notre vie active. Parfois (et
souvent sur plusieurs années), des personnes âgées se retrouvent dans un état
physique ou cognitif qui limite à ce point les activités qu'on en finit par
regarder le temps passer en se rappelant le temps passé.
Le long fleuve devient alors très tranquille...
Tout au cours de notre existence, des éléments surviennent
et bousculent nos repères. C'est comme ça. Et chacun, avec son bagage
personnel, fait face à ce qui survient comme il le peut.
Les adeptes de la pensée positive ou de psychopop résolument
optimistes diront qu'on ne reçoit que le niveau d'épreuves qu'on est capables
de gérer. Une manière de dire : « Vas-y, t'as ce qu'il faut, fonce! »
À mon sens, la réalité est toute autre.
Quand notre esprit se sent menacé dans son équilibre, on
développe, souvent sans trop s'en rendre compte, des mécanismes de protection.
De défense.
Une dame de mon entourage qui se savait très malade a décidé
de cacher la situation à tout son entourage. Du moins, la partie grave de sa
situation. Peut-être pour préserver un quotidien exempt du regard des autres
qui change sur soi, allez savoir. Se sachant très affaiblie, elle a quand même poussé
l'exercice jusqu'à réserver des séjours à l'extérieur et des spectacles pour
les mois à venir. Comme pour se convaincre que si elle est occupée ailleurs, ça
empêchera le rendez-vous avec la mort!
Quand le décès est survenu, une vague de frustration s'est
immiscée dans sa garde rapprochée. Elle ne souhaitait pas ça, c'est sûr, mais
le sentiment d'avoir été tenus à l'écart d'éléments si importants dans sa vie a
créé une lourdeur dans l'évolution du deuil de ses proches.
Après coup, je crois que pour cette personne, le fait de ne
pas tenir compte d'une situation faisait en sorte qu'elle n'existait plus.
Chacun se protège et se défend comme il le peut face aux
situations que la vie apporte, disais-je...
Cette situation est évidemment assez intense. Mais des
mécanismes similaires s'installent bien souvent dans nos vies courantes.
S'informer : oui ou non?
À la face même des situations écologiques plus souvent
désastreuses que jamais avant, des guerres qui n'en finissent plus, des menaces
contre la démocratie un peu partout dans le monde, on peut se dire que, comme
je ne peux rien faire, autant me refermer sur mon quotidien et ne laisser
filtrer que ce qui est beau.
J'y vois un mécanisme de protection ou de défense.
Et se nourrir de beau ne peut qu'être sain, non?
Oui, mais faire comme si le laid n'existait pas, c'est aussi
se mettre en état de passivité. Ce qui est pas mal le contraire de se mettre en
action.
« Ah, bien oui, le smatte, tu vas arrêter la guerre,
toi? »
Ben non, je ne ferai pas ça.
Mais la prise de conscience des enjeux de la société viendra
peut-être influencer mon prochain vote, mon prochain achat sur Amazon, ma
prochaine décision de consommation, etc.
Me rendre compte qu'il y a de plus en plus d'itinérance dans
ma ville va peut-être orienter mes actions bénévoles, va peut-être m'inviter à
signer une pétition, à participer à une marche de soutien envers une cause. Que
sais-je?
Une chose est sûre, pour moi : si je nie tout et fuis
tout, je ne permettrai pas à ma petite action de s'additionner, sans que je le
sache, à d'autres pour ainsi créer un impact pas mal plus grand.
Une chose me semble sûre : si chacun nie tout en bloc
et se replie sur lui-même, la partie est déjà perdue.
Clin d'œil de la semaine
« On offre ça, des
mécanismes de protection, nous autres! »
- Le
porte-parole d'un gang de rue