Que nous réserve la nouvelle année qui commence ? Ma foi,
une suite de recommencements. Rien ne change, mais tout se transforme au gré
des événements. De nombreux événements ont marqué la fin de l'année tant chez nous
qu'à l'étranger. Il y a eu la COP 15 à Montréal qui s'est terminée sur un
consensus fragile pour protéger les espèces menacées et le territoire de la
petite planète que nous habitons. Il y a eu aussi la conclusion des audiences
au Sénat américain sur l'invasion du Capitole du 6 janvier 2021 et ses
recommandations de poursuivre l'ex-président Donald Trump. Plus près de nous,
il y a eu cette rencontre au sommet entre Justin Trudeau et François Legault
qui promettent des solutions pour très bientôt en matière de santé : faudrait
voir... La colère du ministre Fitzgibbon à l'endroit d'un journaliste qui a fait
un plat avec une donation généreuse du ministre à son université, les HEC. Il y
a eu les budgets municipaux avec des hausses importantes d'impôt foncier pour
permettre à nos villes de faire face à l'inflation. À Sherbrooke, nous nous en
sommes mieux sortis que la plupart des grandes villes avec une hausse moyenne
de 3 %. Bref, tous des sujets qui reviendront hanter l'actualité en 2023.
Comme première chronique de l'année, je veux m'attarder à
Donald Trump et à l'invasion du Capitole. La question d'actualité est de savoir
si le procureur général de la justice américaine, Merrick Garland, poursuivra
ou non Donald Trump à la suite des recommandations de la Commission sénatoriale
sur les événements du 6 janvier 2021. Une question qui marquera la
politique américaine et le prochain rendez-vous électoral. Réflexions libres
sur la justice américaine à l'ère des réseaux sociaux.
Trump
coupable !
Sans
surprise, le rapport de la Commission sénatoriale américaine sur les événements
du 6 janvier conclut dans un rapport de plus de 800 pages que le
principal artisan de ce « coup d'État manqué » est l'ex-président Donald Trump.
Après avoir entendu des centaines de témoins, la Commission conclut que : « Donald Trump s'est engagé criminellement dans une "conspiration
en plusieurs parties" pour annuler les résultats légaux de l'élection
présidentielle de 2020 et n'a pas agi pour empêcher ses partisans d'attaquer le
Capitole. En conséquence, la Commission recommande que des poursuites pénales soient lancées contre l'ancien
président, pour appel à l'insurrection, complot contre l'État américain, entrave à une procédure
officielle (de certification d'un scrutin présidentiel) et fausses
déclarations. Ils ont aussi préconisé des réformes des lois électorales, des
mesures fédérales contre les groupes extrémistes et la classification de la
certification des élections présidentielles par le Congrès en tant "qu'évènement national à sécurité spéciale", comme le discours de l'état de l'Union, prononcé chaque
année par le président des États-Unis. » Le rapport de la Commission du 6 janvier
est d'avis que Trump a été la source de l'assaut du Capitol. Si le
verdict des membres de la Commission était hautement prévisible, la décision
que prendra pour la suite des choses le procureur général des États-Unis
Merrick Garland reste un mystère pour le moment.
Poursuivre ou pas ?
Pour
les fervents de la démocratie, la cause semble déjà entendue. Donald Trump
s'est livré à une rocambolesque tentative de coup d'État menaçant même la vie
de son vice-président, Mike Pence qui ne lui a pas pardonné ce geste si l'on en
croit ses mémoires publiées à la fin de l'année 2022. D'ailleurs, cela
sera normal si la classe politique américaine se range toute derrière ce
rapport accablant, mais tel n'est pas le cas. Les conclusions de ce rapport
sérieux sont soumises aux aléas des convictions partisanes soient républicaines
soient démocrates. L'invasion du Capitole demeure un enjeu politique plutôt
qu'un enjeu de justice. L'actuel procureur général Garland sera accusé de
partialité politique s'il poursuit Trump et on ne manquera pas de rappeler que
sa nomination à la Cour Suprême par l'ex-président Obama a été torpillée par
les républicains. Pour se sortir de là, Merrick Garland a nommé un procureur
spécial. Il n'empêche que la décision de poursuivre ou pas l'ex-président Trump
demeure un enjeu de premier plan pour la politique américaine en 2023. Malgré
les preuves irréfutables, je suis d'avis que poursuivre l'ex-président Trump
demeure une fausse bonne idée pour un partisan de la démocratie libérale. Je m'explique.
Les crimes de Donald Trump
Ça ne prend pas beaucoup de perspicacité pour
comprendre que Donald Trump est un individu qui ne respecte aucune règle qui ne
lui permet pas de gagner. Son narcissisme, sa malhonnêteté et son manque de
jugement ont été maintes fois démontrés par les médias et ont caractérisé tout
son mandat à la présidence américaine. La question qui se pose concernant les
événements du 6 janvier au Capitole ce n'est pas tant si Trump en a été à
l'origine, ce qui a clairement été démontré par la Commission sénatoriale dans
son rapport, mais comment il a pu être aussi incompétent dans sa mise en œuvre.
On a beau évoquer la force des institutions américaines, mais Donald Trump en
contrôlait les principaux paramètres et il a échoué dans son rôle de mauvais
perdant. Aux yeux des observateurs politiques avertis de la politique
américaine, la cause est entendue. Pourtant, faire la preuve devant une cour
criminelle des méfaits de Trump ne serait pas une chose aisée. Il risque au
pire de faire les manchettes, mais de sortir d'un tel procès innocenté, faute de
preuves suffisantes, hors de tout doute raisonnable. Ce mauvais procès que
certains démocrates veulent intenter contre Trump le mauvais perdant risque de
servir de catalyseur à sa base électorale et de remobiliser une partie de
l'électorat républicain qui l'a délaissé ces derniers mois. Du point de vue de
la justice, il faut tenir un procès à Donald Trump même s'il s'en sortira
indemne, mais du point de vue démocratique, ce n'est pas une bonne idée de
tenir un procès. Comme on le dit, il ne faut jamais tirer sur une ambulance.
C'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas poursuivre Trump. Son procès devant l'histoire
est entendu et on se souviendra de lui comme un mauvais perdant et un homme
pour qui tous les moyens étaient bons pour arriver à ses fins.
Choisir la démocratie
Ne pas intenter de procès à Donald Trump c'est
le meilleur choix pour la démocratie américaine. Le jeu de celle-ci risque de
l'éliminer du jeu et c'est le seul sort qu'il mérite. Les défis qui se posent
aux démocraties occidentales et aux États-Unis sont trop importants pour se
laisser distraire par l'épiphénomène Trump. Ne pas s'occuper de ce personnage
est la meilleure façon de célébrer le début de cette nouvelle année. 2023, nous
y voilà !