Ayant été victime d'un acte criminel, quelles sont les avenues que vous pouvez envisager pour que justice soit rendue? La poursuite au civil pour un acte criminel est-elle une option possible? La réponse est oui. En fait, la poursuite au criminel et la poursuite au civil n'ont pas la même finalité du point de vue de la victime.
De fait, la poursuite criminelle a pour but de punir l'individu qui a commis un comportement répréhensible à votre égard et de dissuader la survenance de tels comportements pour le bénéfice de la collectivité. C'est ce qui explique qu'au criminel, c'est l'État (la Couronne) qui va poursuivre cette personne (l'accusé), et ce, dans l'intérêt de la société.
D'ailleurs, des représentants de l'état vont intervenir aux différentes étapes du processus, que ce soit de l'arrestation de votre agresseur jusqu'aux représentations devant le tribunal (par un procureur de la Couronne). D'ailleurs, la décision de déposer ou non des accusations à la suite de votre plainte sera prise par le procureur de la Couronne.
La poursuite civile, quant à elle, a plutôt comme objectif de vous permettre d'obtenir une compensation juste et raisonnable, de la part de l'individu fautif (défendeur), pour les dommages moraux, matériels et corporels qu'il vous a fait subir (art. 1457 C.c.Q.). Ainsi, lors d'une poursuite au civil, vous êtes un acteur de premier plan puisque le résultat demandé est souhaité dans votre propre intérêt. Ce faisant, le fardeau de preuve vous revient.
Toutefois, votre fardeau est allégé par rapport à celui applicable lors des instances au criminel. En effet, au criminel, il suffit pour l'avocat de l'accusé d'établir un simple doute au niveau de la preuve pour que l'accusé soit déclaré non coupable. Au civil toutefois, le fardeau à remplir est celui de la balance des probabilités. Pour avoir gain de cause, vous devez pouvoir démontrer que l'existence d'un fait est plus probable que son inexistence (art. 2804 C.c.Q.). Vous comprendrez que les conditions à rencontrer sont plus exigeantes au criminel puisqu'ultimement les conséquences qui en découlent le sont tout autant, pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement.
Par ailleurs, le délai maximal pour faire valoir vos droits en justice n'est pas le même au civil et au criminel. On nomme ce délai, le délai de prescription. Au civil, le délai est limité à trois (3) ans (art. 2925 C.c.Q.) sauf les exceptions prévues à l'article 2926.1 C.c.Q.
Art. 2926.1. L'action en réparation du préjudice corporel résultant d'un acte pouvant constituer une infraction criminelle se prescrit par 10 ans à compter du jour où la victime a connaissance que son préjudice est attribuable à cet acte. Ce délai est toutefois de 30 ans si le préjudice résulte d'une agression à caractère sexuel, de la violence subie pendant l'enfance, ou de la violence d'un conjoint ou d'un ancien conjoint.
En cas de décès de la victime ou de l'auteur de l'acte, le délai applicable, s'il n'est pas déjà écoulé, est ramené à trois ans et il court à compter du décès.
Ce faisant, il est important de déposer votre demande en justice avant l'expiration du délai de prescription (art. 2892 C.c.Q.). Pour entreprendre une poursuite au criminel, il n'y a toutefois pas de limite dans le temps.
Finalement, si vous décidez d'entreprendre une poursuite civile contre votre agresseur, vous devez également garder à l'esprit que cette procédure est relativement complexe et que vous devrez en assumer les frais. Dans cette optique, le recours à la Cour du Québec (division des petites créances) peut être intéressant. Bien que le montant maximal que vous pouvez réclamer devant cette cour est limité à 15 000 $, la procédure est simplifiée. Vous ne pourrez être représenté par avocat, mais un proche ou un ami pourra le faire pour vous. Ceci peut être avantageux pour limiter les interactions avec votre agresseur.
En outre, vous pouvez également vous prévaloir du régime étatique de l'IVAC (Indemnisation des victimes d'actes criminels) pour obtenir un dédommagement financier. Ce processus, sans frais et plus simple, permet aux victimes d'obtenir des indemnités pour compenser les atteintes temporaires ou permanentes et les limitations fonctionnelles et pour couvrir les frais d'assistance médicale et autres frais généraux.
Toutefois, sachez que si vous avez gain de cause dans un recours civil et que l'IVAC vous a déjà versé un montant, vous ne pourrez être indemnisé en double pour votre préjudice. L'IVAC sera effectivement subrogée dans vos droits jusqu'à concurrence toutefois de l'argent qu'elle vous a versé. Ce qui est intéressant avec ce régime étatique c'est qu'il n'est pas nécessaire pour vous d'avoir préalablement déposé une plainte à la police contre votre agresseur ou encore que ce dernier soit reconnu coupable pour être indemnisé. Vous devez plutôt démontrer de manière probante que vous avez été victime d'un acte criminel.
Finalement, si vous avez besoin de réconfort et de soutien moral, vous pouvez vous adresser gratuitement aux CAVAC (Centres d'aide aux victimes d'actes criminels) situés dans les différentes régions du Québec. Les services proposés par ces centres sont offerts à toutes victimes, proche d'une victime ou témoin d'un acte criminel.
Somme toute, il faut retenir que le procès au criminel n'est pas la seule avenue possible pour les victimes d'acte criminel. En effet, la justice civile peut être également envisagée et il est utile de consulter un avocat civiliste à cet effet. Aussi, même si un avocat ne peut vous représenter devant la division des petites créances, il peut tout de même vous conseiller judicieusement lors de vos démarches préalables à l'audience.
Par Me Ariane Ouellet
Avocate au sein de l'étude FONTAINE PANNETON HARRISSON BOURASSA & Associés
N.B. En ce qui a trait aux critères d'admissibilité du programme de l'IVAC, des délais pour déposer votre demande d'indemnisation et autres informations pertinentes, nous vous referons directement au site web de l'IVAC: http://www.ivac.qc.ca/.