Je vous disais la semaine dernière que décembre est un
mois rétroviseur pour moi. Ce qu'on voit derrière soi est souvent troublant.
Mais croire que ça n'influencera pas ce qui se passera devant est naïf.
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Une année, c'est une histoire qui s'écrit au fil de ses
jours.
Quand j'étais jeune, la petite bibliothèque qui prenait
place dans le salon comportait l'essentiel Livre de l'année. Je dis « l'essentiel »,
mais au fond, c'est de l'apparence d'essentiel! S'il débarquait à la maison
chaque année, disons que son taux de consultation était probablement nul.
Mais depuis, j'imagine chaque année comme un livre. Une
année, c'est donc une histoire qui s'écrit au fil de ses jours, mais qui a un
début et une fin. Les couvertures du livre de format « encyclopédie »
en témoignent : un début et une fin.
Quand je regarde le livre de 2023, je me demande comment ça
va finir, cette histoire-là...
Parce que les douze derniers mois témoignent bien de ce que
nous sommes : tout écartillés.
« Tout écartillé ». Vous vous souvenez peut-être
de cette chanson sur l'album Québec Love de Charlebois? Sinon, pas
grave.
« Tout écartillés », voilà ce que nous sommes, je
trouve.
Les conditions climatiques, feux de forêt et inondations (on
dirait la toune Plus rien des Cowboys...) nous ont chamboulés. Dans mon
entourage, même les plus climatosceptiques ont poussé un soupir de dépit.
On a alors, collectivement, déploré la chose et on est allés
jusqu'à affirmer que ce n'était plus une blague. Mais en bons écartillés que
nous sommes, on a consommé plus de voyages que jamais auparavant, on a multiplié
les achats en ligne pour obtenir des cossins plus ou moins utiles et moins que
plus nécessaires.
Tout écartillés, je disais.
On a regardé, émus, les reportages sur les guerres qui
sévissent, plus barbares les unes que les autres. On a tous jasé, en prenant un
verre, de l'urgente nécessité d'une plus grande acceptation de l'autre, d'une
tolérance plus importante et plus universelle. Pour le sort de l'humanité.
Puis, tout écartillés, on a inondé les médias sociaux de propos bêtes et
méchants, on a multiplié les arrachages de tête verbaux en toute impunité. Et,
tout écartillés, au verre d'ensuite, on a reconnu notre chance d'être nés dans un
bon coin du monde...
La gouvernance
En début d'année, on avait un François Legault au torse
bombé, gonflé par un mandat d'une écrasante majorité reçu quelques mois avant. Janvier
aurait dû marquer un blitz ininterrompu de négociations avec le secteur public.
Mais non. On a farfouillé toute l'année et là, on va finir tout écartillés. Et tout
croche en plus.
Tout écartillés, ça décrit aussi la façon de faire de la
politique. Monsieur Legault a été élu en répétant le mot
« continuons ». Il surfait alors sur une vague de sympathie engendrée
lors de la Covid. Il était populaire. Et ça faisait plaisir à son humilité.
Dans l'année 2023, il a échappé le gouvernail et s'est
empêtré de façon très répétitive. Le troisième lien qui était une question de
survie pour la ville de Québec est devenu inutile après quelques mois. Personne
n'avait vu, dans les cartables contenant les études, qu'il n'y avait pas de
problème de congestion assez criant pour justifier ça. Allez savoir ce qu'il en
aurait été si on avait ouvert les cartables avant les élections! ;)
Son image s'est ternie automatiquement. Depuis, il cherche
l'amour du public. Il a signé un douteux pacte pour investir 5 à 7 millions de
dollars pour amener deux matchs des Kings de Los Angeles à Québec. Des matchs
préparatoires, qui plus est. Tout ça en espérant un minimum d'amour en retour.
Pendant qu'il signait le contrat d'une main, son gouvernement balayait de
l'autre la notion de crise du logement.
Tout écartillés, redisais-je...
Là, il durcit le ton avec les syndicats qui devront
casser : au privé, le boss peut exiger plus de souplesse de tout le monde.
Au gouvernement, c'est pareil, prétend-il. Il ajoute qu'il ne fait qu'appliquer
le mandat reçu des citoyens. C'était ça, « continuons »?
Je vous laisse juger.
Pour moi, tout écartillés, c'est notre portrait actuel.
Écartillés entre la compréhension qu'il faut faire de quoi
et la volonté que ce « de quoi »-là ne change rien dans notre
quotidien.
Écartillés devant ce dilemme confrontant : comment
continuer comme on le fait sans subir de conséquences en retour.
Clin d'œil de la semaine
Si le financement total, par le gouvernement Charest, du
Colisée de Québec, n'a pas pesé lourd dans la balance du retour des Nordiques,
deux petits matchs hors-concours ne devraient pas émouvoir la puissante et
américaine Ligue nationale de hockey...