Stéphane Charron, fils de Claude et petit-fils
de Lucien, dirige Charron et Fils résidence funéraire depuis près de 30 ans. Il
est thanatologue ou « directeur funéraire » comme son père et son grand-père
avant lui. Il est le troisième Charron à servir les familles en deuil de la MRC
de Coaticook.
Loin de l'image du personnage de Lucky Luke
Le directeur funéraire de 51 ans est cependant
bien loin de l'image mythique du croque-mort traditionnel. Même avec un grand
chapeau noir haut-de-forme sur la tête, des souliers et un costume noirs, il n'aurait
pas la tête de l'emploi. Disons qu'il est très loin du croque-mort illustré
dans Lucky Luke.
Stéphane Charron a l'air d'un homme d'affaires
comme les autres. C'est un homme au début de la cinquantaine, sympathique comme
un gérant d'épicerie qui connaît et parle avec tout le monde. Il joue au golf.
Il a une femme et des enfants. Il aime la motoneige et prendre du temps pour lui.
Il a terminé, en 1993, sa formation de thanatologue
au Collège de Rosemont. Depuis ce temps, il a embaumé environ 2000 personnes. Dès
l'âge de 7 ans, il a accompagné son père dans l'exercice de ses fonctions et a assisté
à son premier embaumement :
«Mon père s'en allait au salon avec ma sœur et j'ai décidé d'y aller
avec eux. Une fois dans le laboratoire, devant la dépouille couchée sur la
civière, mon père a sorti le bistouri et, là, ma sœur a fermé les yeux. De mon
côté, j'étais curieux ! J'étais sur le bout des pieds pour voir ce qu'il
allait faire.»
Par la suite, Stéphane Charron a accompagné souvent
son père avec le fourgon pour aller chercher des dépouilles. C'était comme un
moment père/ fils, mentionne-t-il. Vous savez, le fait de transporter des corps,
pour un directeur de pompes funèbres, c'est comme transporter n'importe quoi d'autre.
C'est notre travail, ajoute-t-il.
Il n'a jamais eu peur des morts
Contrairement à beaucoup de gens qui ont peur
des morts ou éprouvent un malaise face à une dépouille, Stéphane Charron lui
n'a jamais vraiment eu peur :«Peut-être un peu au début de l'adolescence, alors que l'on regardait
beaucoup de films d'horreur, il m'est arrivé d'aller chercher quelque chose au
salon, le soir, tout seul. J'étais un peu craintif. Je regardais partout et je tendais
l'oreille. Je remarquais bien qu'il n'y avait pas de fantôme ou de porte qui
ouvre toute seule.»
Être le fils d'un "croque-mort «, une
personne dont plusieurs personnes en ont une drôle de perception, peut s'avérer
lourd à porter. Parfois, à l'école, ce métier peut être l'objet de plusieurs mauvaises
blagues, surtout quand on est jeune.Stéphane Charron avoue n'avoir jamais vraiment
eu à faire face à cela.
C'est arrivé une seule fois, lorsqu'il était à la
polyvalente :«Un
matin, mon père m'a amené à l'école avec la Cadillac que l'on utilisait comme
voiture de tête, celle avec la table à fleurs [à l'époque, les familles
exprimaient leurs sympathies à la famille en deuil avec des couronnes de fleurs]
Et là, des gars dans la cour, quand ils m'ont vu débarquer m'ont crié : «Aye,
Charron ! T'es pas venu en corbillard ? Et ils ont éclaté de rire.Et bien le lendemain matin, j'ai dit à mon père : «Papa, on prend
le corbillard à matin.» Disons qu'il y en a qui ont fait une drôle de tête...
Et ça s'est arrêté là.»
Stéphane Charron précise qu'il n'était pas le
genre de gars à être tout seul dans son coin. Il avait sa gang et, comme son
grand-père et son père, il est très impliqué dans sa communauté. Les gens
savaient ce que nous faisions dans la vie, explique-t-il.
Le métier de thanatologue
Il faut avouer que, depuis longtemps, bien des
gens, peu importe leur niveau social ou leur culture, ont tendance à associer thanatologie
et morbidité.C'est une profession qui, vue de l'extérieur,
rebute et intrigue. Ce n'est rien de plus que l'image populaire du
directeur funèbre du "croque-mort "qui est véhiculée depuis mettant
en scène des hommes lugubres portant un chapeau noir et une cape étriquée.
Cependant, l'image mythique du croque-mort est
bien loin de la réalité, car de nos jours, les gens qui œuvrent en thanatologie
sont loin d'être uniquement des embaumeurs.Un thanatologue doit être attentif à l'état
émotif de ses clients et il doit faire preuve de compassion.
Les gens qui
requièrent des services funèbres ne sont pas dans un état normal. Ils vivent un
deuil. Ils ont de la peine et doivent souvent composer avec des émotions en
"montagne russe". Le fait d'acheter des services funèbres ce n'est
pas comme aller s'acheter une voiture neuve.
Les thanatologues sont formés pour être justement
en mesure d'accompagner les gens endeuillés durant tout le processus :«On doit, évidemment, avoir comme qualité première l'empathie. Il faut
avoir envie d'aider le monde, et ce, presque 24 heures sur 24. Un décès arrive à
n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Peu importe l'état dans lequel tu
te trouves ou la situation dans laquelle tu es ,tu dois être à l'écoute et prêt
.Tu peux être grippé, avoir eu une mauvaise nouvelle ,mais il faut que tu sois
capable de laisser ça chez vous, car la personne la plus importante elle est
devant toi.»
Un métier qui évolue avec le temps
Le métier a aussi beaucoup changé au fil du
temps. La charge de travail est, de nos jours, très différente. La profession n'a
pas profité des nouveaux développements technologiques, car les instruments de
travail demeurent les mêmes.
«À l'époque de mon grand-père, le métier consistait à rencontrer la
famille 20 minutes et, après ça, 95 % de son job c'était de s'occuper du mort.
Aujourd'hui 95 % de la job, c'est de s'occuper de ceux qui restent.»
- Stéphane Charron
La relation d'aide est devenue un élément
important dans son travail. Le thanatologue est là pour donner de l'information,
pour écouter et aider les proches à vivre sainement leur deuil. Le rôle du directeur funéraire (thanatologue)
est, de nos jours, aussi beaucoup plus vaste et inclut plusieurs tâches comme planifier
et diriger des funérailles, assurer le transport du défunt, informer les
proches des démarches administratives à accomplir.
La profession de directeur
funéraire est plus complexe qu'elle n'y parait. «On doit aussi être de bons gestionnaires. Il faut savoir que mourir, de
nos jours, implique tout un long processus administratif gouvernemental. C''est
beaucoup de paperasse pour les familles déjà éprouvées et cela représente une
démarche souvent de trop.»
Les salons funéraires ont pris la place des églises
Il ne faut pas oublier que les salons
funéraires sont des entreprises: "Le business" a vraiment beaucoup
changé. Les gens ont délaissé les églises pour choisir des rites funéraires
différents et adaptés à leur réalité.
À titre d'exemple, le pourcentage de personnes
qui veut être embaumé a beaucoup diminué pour aller vers la crémation. Présentement,
70 % de la population choisit la crémation.
*** (noter que l'on ne parle pas
d'incinération lorsqu'il s'agit d'un corps. On parle de crémation. L'incinération
étant de brûler des déchets et non des corps) ***
Plus on se détache de la religion, plus on se
détache aussi de ce côté traditionnel.
De nos jours bien, des gens s'éloignent des
lieux de culte pour célébrer le départ de l'être cher dans une chapelle sans
pas appartenance a aucune religion. C'est presque 7 sur 10 maintenant. Presque
95 % des funérailles se font ici, chez nous, avec un aménagement adapté.
C'est aussi comme les fleurs qui ont cédé leur
place aux dons à des organismes qui sont choses courantes maintenant tout comme
les ventes de cercueils qui ont chuté de façon drastique pour céder leur places
aux urnes ce qui fait une grosse différence sur le prix.
«Il manque un zéro entre un cercueil à 4 000 $ et une urne à 400 $. Les
frais de services, depuis 15 ans, se sont ajustés. Cependant la marge de profit
n'est pas la même.»
Par contre pour Stéphane Charron, tu ne fais
pas ce métier que pour faire de l'argent
«Il faut que tu fasses cela parce que tu aimes ça. Il y a trop
d'émotions d'impliquées. Tu ne peux pas faire ça sans que cela soit une passion
pour toi .C'est comme n'importe quel autre métier.»
- Stéphane Charron
La thanatologie : une vocation pour la famille Charron
Le thanatologue Coaticookois ne ferait rien
d'autre dans la vie. Il aime sa profession et il est apprécié dans sa
collectivité. S'il n'était pas "embaumeur ", il serait ...golfeur professionnel. Et il a aurait,
cette fois-ci tête de l'emploi !
Une chose est sûre : Pour la famille
Charron de Coaticook, la thanatologie est plus qu'un métier, c'est une véritable
vocation familiale.
Son fils Charles Antoine prendra sûrement la
relève de l'entreprise dans quelques années. Il sera la 4e génération à être
thanatologue.
En terminant comme le dit un vieux proverbe italien
:
«Une belle mort ennoblit toute la vie.»