20 h 21, Rock Forest. Vautré dans ma chaise Eiffel, mes yeux rivés à l'écran de mon MacBook Air, je me perds dans mes pensées. Devant moi, une page vierge. Je tâte un crayon de plomb usé par le temps. Le temps. Je songe au temps et à quel point je galvaude mon temps en y pensant. S'ensuit une gamberge philosophique.
« Le temps défile avant qu'on puisse en faire un usage ad hoc », affirme un adepte du développement personnel. « Il faut profiter du moment présent », renchérit un autre. C'est après avoir lu des maximes de la sorte que j'ai réalisé avoir une opinion plutôt divergente sur le temps, à l'encontre de celle préconisée par les magazines de bien-être. Aux antipodes de ces derniers, on est, selon moi, acteurs d'un combat majeur dont on ignore l'existence, celui opposant le temps et nous. Et c'est constamment 1-0 pour l'antagoniste. Armé de son principal atout, la furtivité, et de ce qui le caractérise, une certaine mauvaise foi frôlant la perfidie, s'attaquer à des bribes de notre vie n'est pour lui qu'un simple jeu. Un jeu de pouvoir, certes, mais aussi un jeu d'hasard, parfois.
Nonobstant la pensée populaire, on peut inverser les rôles dans cette funeste lutte. Mais, comment ? En vivant pour nos passions, en multipliant les moments grisants et en étant, jour après jour, plus affables, ambitieux, authentiques, cultivés, ouverts. En abrégé, une nouvelle et meilleure personne qui ne vénère pas le temps en colportant « qu'il est précieux et fragile ». Il s'agit de profiter de la vie et non de la notion du temps. Voyez-vous, on détient tous un certain pouvoir sur le temps. L'objectif, or, est de s'arranger pour acquérir un pouvoir certain sur celui-ci.
Il faut éviter de se préoccuper du temps, en faire fi peut-être. Arrêter d'entretenir une relation que l'on sait douce-amère avec le temps pour en faire une qui est uniquement douce. Pour ce faire, on se doit de ponctuer notre vie d'amour, d'amitié, de coups de tête, d'épanouissement, de fous rires, de futur proche et non de conditionnel, de « je fais » et non de « si je fais. » La clé, c'est de s'affranchir des jougs que nous infligent le temps pour, petit à petit, devenir maîtres de notre temps. Car, selon mon humble avis, profiter du temps, c'est exister. L'exploiter, c'est être.
Oui, je sais, je veux que vous soyez. C'est immensément complexe d'interprétation, voire inintelligible, mais pensez-y. Après tout, c'est ça, la gamberge philosophique.
Alexis Jacques, La parole est aux ados