Au gré des statuts Facebook, celui-là a attiré mon attention : « Vis, comme si c'était la dernière journée de ta vie »
C'est plein de sens, non? Vis à plein, profite de chaque instant, éclate-toi, fais des folies, saute en parachute, dépense! Allez, hop! Comme le crient désespérément les publicités de ventes d'automobiles : « demain, il sera trop tard! »
Ironiquement, deux statuts plus bas, cette phrase tellement profonde : « si tu réussis à trouver le N dans la série de M que tu vois, tu trouveras de l'argent! »
« Profonde » et « creuse » ont parfois un lien de parenté assez solide!
Mais revenons à la phrase de départ.
On entre de plain-pied dans la pensée magique. Et pas à peu près! Conseiller à quelqu'un de vivre comme si c'était son dernier jour, c'est facile comme remplir une carte de crédit que l'on n'aura pas à payer!
La phrase relève du fantasme bien plus qu'autre chose. Vivre tout ce qu'on veut sans avoir à faire face aux conséquences, vous imaginez? Vivez les aventures que vous voulez, vous n'entendrez jamais les reproches. Jamais! C'est pas beau, ça?
En fait, disons-le autrement : vous n'entendrez pas les reproches parce que vous n'y serez plus. C'était votre dernier jour! Mais les conséquences seront là quand même!
Oui, oui, je sais, je semble faire preuve d'une mauvaise foi évidente. N'importe qui comprendrait que, dans la phrase magique, il y a un second degré. Qu'il ne faut pas tout prendre au pied de la lettre. Et tout, et tout...
Mais premier, deuxième ou troisième degré, la phrase demeure vide. Parce qu'elle est fondée sur des notions pouiches de motivation personnelle. Vous savez, toutes ces petites phrases de format passe-partout dont on se sert pour « faire du bien » autour de nous? On devrait bannir, dans ce contexte, le « faire du bien » et le changer pour « dire du bien ». Faire nécessite une action, un engagement, une implication. Dire, bien... c'est dire. C'est tout!
Mon point est tout simple : il est facile de fuir en s'abreuvant de petites phrases positives. Si aujourd'hui est le premier jour du reste de ma vie, que si je veux, je peux, que j'attire ce à quoi je pense et que je suis en mode éveil intérieur, n'est-ce pas que ma journée sera belle, bonne et remplie de joie et d'allégresse? Ben... peut-être pas, justement!
Il y a plein de trucs qui peuvent survenir, tous plus ou moins liés au hasard. Ah, c'est vrai, le hasard n'existe pas...
À tout prendre, je préfère ne pas vivre comme si c'était ma dernière journée. Je virerais même mon capot de bord complètement et je mettrais tout en place pour vivre comme si demain n'était pas mon dernier jour. Que j'aurais à faire face aux conséquences de mes gestes. Que j'aurais, pour vivre heureux avec ces conséquences, à m'accoter solide sur des valeurs simples qui tiennent en mots simples, mais tellement engageants. Vous savez, ces petits mots qui n'ont pas besoin de sujet, ou de compléments? Des mots simples comme engagement, solidarité, respect... Des affaires faciles, quoi!
À la pensée et aux paroles magiques, je préfère l'action. Celle qui, la plupart du temps, n'attend pas qu'on la nomme pour trouver sa valeur.
Clin d'œil de la semaine :
Aux élections, il est important de voter en se disant qu'ils ne mourront pas demain...