La semaine dernière a eu lieu une manifestation devant le bureau du député libéral de Sherbrooke. L'objectif des manifestants était de réclamer un meilleur financement pour les organismes communautaires de l'Estrie. Signe de la hauteur de leurs attentes par rapport au gouvernement, ces manifestants ont aussi fait valoir leurs revendications auprès du Père Noël...
Dans le débat politique on oppose parfois le public au privé, l'État aux compagnies, comme s'il fallait choisir entre nationalisation et privatisation. Il existe pourtant d'autres voies, dont celle du communautaire. Souvent, sur le plan juridique, les organismes communautaires sont des personnes morales privées régies par la partie III de la Loi sur les compagnies.Sur le plan social, ils sont plus proches des organismes publics, car généralement leurs missions sont d'intérêt public et ils ne cherchent pas à réaliser des profits.
Les organismes communautaires marient donc des avantages associés au privé, comme la flexibilité et l'efficacité, et des avantages du public, comme la volonté de rendre des services accessibles même pour les plus démunis. Mais pour cela, ils doivent bénéficier d'un minimum de financement public.
C'est au moins depuis les années 1970 que les organismes communautaires apparaissent comme un modèle alternatif crédible face à l'État, parfois un peu lourd et bureaucratique, et le privé, dont les services sont fréquemment trop chers. Et c'est depuis cette époque qu'ils réclament une reconnaissance par l'État. Finalement, ils l'ont obtenu en 2001 avec l'adoption de la première politique québécoise de reconnaissance et de soutien de l'action communautaire, qui portait entre autres sur le financement public des organismes communautaires.
Avec le gouvernement du Québec d'aujourd'hui qui a coupé partout et le gouvernement fédéral d'aujourd'hui qui accumule les déficits records, on l'a presque oublié, mais il a déjà existé un gouvernement qui arrivait à la fois à gérer sainement les finances publiques et à soutenir une politique de solidarité digne de ce nom, notamment grâce à cette politique de 2001. Cela est logique, puisque le communautaire rend des services qui autrement seraient moins accessibles dans le privé à but lucratif ou plus coûteux pour le contribuable dans le public (entre autres parce que les salaires des fonctionnaires sont en moyenne plus élevés que ceux des employés du communautaire).
Par contre, depuis 2001, tout a changé. À partir de 2004, le financement de plusieurs organismes communautaires a été soit gelé, soit à peine indexé. Sans parler que des nouveaux organismes communautaires qui voient le jour pour répondre à de nouveaux besoins ont très souvent droit à aucun financement public de base. J'en sais quelque chose pour avoir fondé la Clinique juridique Juripop de l'Estrie, un organisme communautaire voué à l'accès à la justice, qui a dû fermer ses portes en 2015 lorsque le gouvernement a coupé dans le maigre financement public par projet qui lui était accessible.
Mais comme des milliers d'autres bénévoles en Estrie, je continue de croire en l'action communautaire, par exemple au sein de Dysphasie Estrie et de la Société nationale de l'Estrie, des organismes pour lesquels j'ai l'honneur d'agir à titre de président ou de vice-président. Et je continue d'espérer que, à l'occasion des prochaines élections, les citoyens et les candidats réaliseront à quel point le financement des organismes communautaires est un enjeu stratégique pour l'avenir du Québec et de l'Estrie.