Encore un autre indice que les temps changent ! Sans que personne ne se torde de douleur, Novell s'est sabordée et a choisi d'être dévorée par Attachmate, une fabricante d'outils de connectivité et d'intégration multienvironnementale établie à Seattle. Cela s'est déroulé entre les 22 novembre 2010 et 22 février dernier.
De cette transaction de 2,2 milliards de dollars américains, 882 brevets ont été exclus dont celui relatif à SUSE, la variante de Linux qui fait fonctionner le superordinateur Watson d'IBM. Ces gros coffres verrouillés de propriété intellectuelle ont plutôt été revendus à CPTN Holdings LLC, un consortium épeurant dirigé par Microsoft. Incidemment, ce regroupement aurait fourni à Attachmate le cinquième du financement nécessaire à l'acquisition.
Si l'entente refait l'actualité ces temps-ci, ce n'est pas vraiment parce que les utilisateurs de ZENworks, PlateSpin, Sentinel ou GroupWise, de grands produits Novell, se demandent ce qu'il va advenir de leur plateforme. Pour cela, il faudra attendre l'automne prochain à l'occasion du Brainshare, le salon annuel de Novell.
C'est plutôt que la vente de brevets de Novell à CPTN, un groupe qui inclut Microsoft, Apple, Oracle et EMC, énerve le ministère américain de la Justice, alias le DOJ. D'ailleurs, les Européens ont, encore une fois, été plus rapides à peser sur le bouton d'alerte. Dès le début de janvier, l'OSI (Open Source Initiative) avait commencé à dénoncer l'entente. La semaine dernière, le DOJ a interdît à CPTN d'acquérir certains brevets Novell, dont, au premier chef, SUSE Linux OS. Les parties doivent donc refaire leurs devoirs, tandis que le DOJ poursuit son enquête.
Bref, sous fonds de chicane et de méfiance impliquant quelques multinationales du logiciel, un nom est en train de disparaître ou, si on le conserve puisque Attachmate ne signifie pas grand-chose à bien du monde, de devenir une coquille vide.
Misère ! Quand j'ai commencé en informatique, Novell était, malgré son très jeune âge, une valeur déjà sûre. Les vrais informaticiens, pas les moumounes Mac qui niaisaient avec AppleTalk, les purs et durs qui trimaient devant leurs consoles noires et vertes, ne juraient que par Novell. Pour eux, quand Microsoft a sorti son fameux Active Directory, ce fut une hérésie anti-NetWare, le système d'exploitation réseau de Novell, qu'il leur fallut pourfendre.
Novell, c'était le grand frère de la famille informatique mormone dont j'ai de si bons souvenirs. Établie à Provo, Utah, un coin superbe pas trop loin de Sundance (voir la photo du début), la championne de la réseautique n'hésita pas à acquérir sa petite sœur WordPerfect, celle-ci située 10 kilomètres plus loin à Orem, question de lui éviter le déshonneur de la banqueroute. On connaît la suite.
Nous voici en 2011 et, bientôt, ce pan de toujours dans ma compréhension de la planète informatique ne sera plus. Le pire, pour moi, c'est que tout le monde semble s'en ficher. Posez la question aux plus jeunes autour de vous, incluant certains grands utilisateurs de l'informatique à la sauce Web 2 - réseaux sociaux. Je parie que vous obtiendrez assez souvent la réponse suivante : « Novell, connais pas, c'est qui? »
Quand à nos yeux une valeur sûre disparaît et que personne ne s'en dit chagriné ou, pire, n'en parle, c'est probablement parce que notre vécu a de la barbe. Ainsi va la vie, plus on y avance, plus c'est éclairci.
Moman. j'ai peur !
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Nelson Dumais - www.nelsondumais.com