Le compte à rebours est lancé par le gouvernement fédéral; d'ici quelques mois, il sera permis aux Canadiens de consommer de la marijuana à des fins récréatives. En prévision de cet important changement législatif, lequel entrera en vigueur le 1er juillet 2018, les employeurs ont avantage à réfléchir tout de suite à certaines mesures à adopter pour réussir la transition au sein de leur entreprise.
Il faut comprendre que ce nouveau droit des citoyens à consommer de la marijuana sera contrebalancé par le droit de tout salarié à travailler dans un milieu sécuritaire, favorisant sa santé et protégeant son intégrité physique et mentale. Effectivement, les employeurs ont légalement comme obligation d'offrir à chacun de leurs salariés un tel milieu de travail, et ce, conformément au Code civil du Québec, à la Loi sur la santé et sécurité au travail et à la Charte québécoise. Les employeurs ont également tout intérêt à minimiser l'absentéisme de leurs employés rattaché à la prise de cannabis et à maintenir leur productivité, de la même manière qu'ils le font pour la consommation d'alcool et de drogues.
Le droit de gérance des employeurs leur permet d'adopter une politique propre au cannabis qui interdit sa possession, son trafic ou sa consommation sur les lieux du travail. Il est également possible d'intégrer cette prohibition dans une politique globale visant l'alcool et les drogues. Ces politiques peuvent prévoir de sévères conséquences, allant jusqu'au congédiement. Toutefois, selon le courant jurisprudentiel, pour justifier l'application des sanctions prévues, la politique se doit d'être claire et appliquée rigoureusement par l'employeur. Il est également naturellement primordial que cette politique soit portée à la connaissance des salariés pour que celle-ci leur soit opposable. Même si l'on retrouve certains modèles sur internet, il est peut-être avantageux de rencontrer un avocat afin de rédiger une politique qui tient compte de la réalité de l'entreprise et qui atteint l'objectif souhaité par l'employeur. Il sera également important de maintenir cette politique à jour pour tenir compte de l'évolution de la jurisprudence sur le sujet.
Néanmoins, même en l'absence d'une telle politique, l'employeur est autorisé à sanctionner un salarié qui possède du cannabis au travail ou qui est sous son influence pendant ses heures de travail. La mesure disciplinaire imposée devra toutefois être raisonnable dans les circonstances, en tenant compte, par exemple, du degré de danger que cette situation a ainsi créé pour autrui.
Les droits fondamentaux de la personne ne permettent pas non plus aux employeurs de soumettre leur salarié à des tests de dépistage systématique. Un arrêt de la Cour Suprême du Canada mentionne que: « l'employeur peut faire subir un test à un employé s'il a un motif raisonnable de croire que ce dernier a eu les facultés affaiblies dans l'exercice de ses fonctions, a été impliqué dans un accident ou un incident de travail ou reprend du service après avoir suivi un traitement pour combattre l'alcoolisme ou la toxicomanie ». Le même test strict s'applique pour pouvoir être autorisé à effectuer une fouille.
Par ailleurs, les employeurs continuent d'avoir une obligation d'accommodement à l'égard de salariés dépendant à la marijuana. Cet état de dépendance est effectivement considéré comme un handicap au sens de la Charte québécoise et cette protection contre la discrimination existe pourvu que les accommodements ne soient pas excessivement contraignants pour l'employeur. L'étendue de cette obligation est évaluée au cas par cas.
À la lumière de ce qui précède, il est fortement recommandé aux intervenants des différents secteurs canadiens d'agir en amont et de prévoir des règles permettant à leur milieu de mieux s'adapter aux conséquences de la légalisation de la consommation de cannabis récréatif. D'ailleurs, comme il est fait pour les fumeurs de cigarettes, certains propriétaires de logements locatifs prévoient déjà dans leur avis de renouvellement de bail, une clause interdisant la consommation ou la production de marijuana dans les appartements qu'ils louent.
Pour vous informer sur la légalité desdites clauses, un parallèle peut être fait avec un précédent article paru dans EstriePlus.com en mars 2017 et rédigé par Me Michel Joncas.
Par Me Ariane Ouellet
Avocate au sein de l'étude FONTAINE PANNETON JONCAS BOURASSA & ASSOCIÉS
Le présent article se fonde sur le document « Comment s'adapter à la légalisation du cannabis dans les milieux de travail » de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA). Pour de plus amples informations sur la consommation de marijuana en milieu de travail, veuillez consulter cet article intégral paru en novembre 2017.