Par Stéphane Gagné
Depuis quelques années, il y a un regain d'intérêt pour la
préservation du patrimoine bâti. Un nombre grandissant de municipalités
adoptent une réglementation qui oblige qu'une restauration soit fidèle à
l'architecture d'origine.
L e marché des ornements architecturaux a le vent dans les
voiles. Il s'agit d'un marché très vaste qui concerne plusieurs matériaux
(bois, plâtre, plastique, polyuréthane, fer forgé, composites de bois) et qui
implique plusieurs entreprises et artisans. Ces ornements sont aussi très
variés. Ils prennent la forme d'ornements extérieurs à installer autour de
fenêtres, d'ornements de pignons ou de corniches, de colonnes, de rampes ou
balustrades, etc. Il peut s'agir aussi d'ornements à installer à l'intérieur,
comme un manteau de foyer, des colonnes, des moulures de corniches intérieures,
des cimaises ou des médaillons. Ils ont la propriété de donner un caractère
distinctif à une habitation et, par conséquent, une valeur ajoutée, ce qui
constitue un atout indéniable lors de la revente. Ainsi, une résidence
ordinaire peut être littéralement transformée en « mini-palace » grâce à ces
ornements.
L'ébéniste Alain Lachance a travaillé pendant des années à
la conception d'ornements destinés aux maisons patrimoniales du Québec. De 1993
à aujourd'hui, il a donné des cours de perfectionnement aux ébénistes et à
d'autres personnes intéressées par la préservation du patrimoine (architectes,
entrepreneurs, particuliers). Ses cours étaient dispensés au Centre de
formation professionnelle de Neufchâtel, dans la région de Québec. Selon lui,
un intérêt grandissant pour la préservation du patrimoine s'est développé au
fil des ans au Québec. Et cet engouement touche même les métiers de la
construction. « Il y a des entrepreneurs qui ont suivi des formations ou
assisté à des conférences, dit-il. Cela me fait plaisir de constater qu'ils
sont sensibles à la restauration des éléments anciens plutôt qu'à l'installation
d'ornements neufs, parfois moins esthétiques et moins bien intégrés à
l'architecture originale de la résidence. Il arrive même que ces ornements
soient retirés et non remplacés afin de réduire les coûts de la restauration »,
déplore-t-il.
Ornements en bois
Restaurer selon le design architectural d'origine peut
coûter cher, très cher même. Éric Vincent, propriétaire de l'ébénisterie Les
Tournages du Nord, une entreprise spécialisée dans la fabrication et
l'installation d'ornements de bois, donne un aperçu de ce coût. « La
restauration clés en main d'un balcon en bois de grandeur moyenne avec
colonnes, balustrades et marches coûte en moyenne 20 000 $. Pour une maison aux
dimensions plus grandes, cela peut coûter jusqu'à 100 000 $. »
Sylvain Charrette, designer et propriétaire des agences
Dessins Drummond de Longueuil, Saint-Jean, Suroît et Gatineau, croit que le
prix est un facteur qui limite le choix des ornements et leur pose. « On
installe moins d'ornements architecturaux qu'avant, et ceux qu'on utilise sont
moins travaillés, moins élaborés. C'est une question de style mais aussi de
coût », dit-il.
La clientèle principale d'Éric Vincent est constituée de
propriétaires aisés de résidences patrimoniales de Montréal. Dans plusieurs
arrondissements de la ville, la réglementation les oblige à conserver le style
architectural d'origine lorsqu'ils entreprennent une restauration. « S'il y
avait du bois à l'origine, il faut remettre du bois; s'il y avait du fer forgé,
il faut remettre du fer forgé, précise-t-il. Par exemple, des colonnes en bois
d'origine doivent demeurer en bois lors de la restauration. »
Éric Vincent constate qu'il y a un retour important du bois
dans la construction et la restauration. « Le pin est l'essence de bois que
nous utilisons le plus. Cependant, le cèdre espagnol est plus durable, plus
résistant à la moisissure, plus facile à peindre et plus dur que le cèdre
rouge. Nous le conseillons pour les planchers de balcon, les marches et les
bases de colonne. Cependant, le produit revient 50 à 100 % plus cher que s'il
était fait en pin. La fabrication est d'ailleurs réalisée sur mesure pour
chaque projet. »
Une fois installés, ces éléments demandent de l'entretien. «
Il faut au départ peindre la pièce entière, même les parties qui ne seront pas
apparentes après installation, ajoute-t-il. L'eau ne doit s'accumuler nulle
part. Les marches et les planchers doivent présenter une dénivellation pour
faciliter l'écoulement de l'eau et on doit mettre un joint de silicone sur le
pourtour des pièces de bois afin d'éviter les infiltrations d'eau. »
L'ébénisterie Les Tournages du Nord cherche à élargir son
marché pour toucher les résidences plus récentes qui ont des ornements de bois.
« Des résidences construites depuis les années 1980 ont des éléments en bois
qui ont pourri et qu'il faut changer. Nous avons également développé une ligne
de produits plus contemporains en cèdre de l'Ouest pour les habitations neuves
qui se construisent présentement. »
Des ornements en
composites de bois
Certains propriétaires, trop occupés, souhaitent toutefois
installer un produit qui ne requiert aucun entretien tout en étant durable. Les
produits en composites de bois traités fabriqués par l'entreprise Déco-cadre
pourraient alors les intéresser. « Nos produits sont traités des deux côtés et
durent de 30 à 40 ans, affirme Martine Bouthillier, fondatrice de Déco-cadre.
Nous fabriquons tout sur mesure par profilage à commande numérique et, malgré
cela, nos prix sont très compétitifs. Les ornements les plus demandés sont les colonnes,
les ornements autour des fenêtres, la ventilation fonctionnelle ou décorative
et les ornements de pignon. Nous pouvons même concevoir de fausses fenêtres sur
un mur aveugle. »
Déco-cadre offre aussi des produits exclusifs pour les
entrepreneurs. « Nous leur fournissons des panneaux de démonstration qu'ils
peuvent ensuite présenter eux-mêmes à leurs clients, ajoute-t-elle. »
Bien qu'il ne s'agisse pas de produits en bois pur, Martine
Bouthillier affirme n'avoir jamais eu de problème avec la réglementation
parfois pointilleuse de certaines villes. « Nous nous adaptons à leurs
exigences », dit-elle.
Le polyuréthane
Dans le vaste domaine des ornements, le marché de
l'imitation prend de l'ampleur. Il est question ici d'ornements en polyuréthane
à haute densité moulé. « Ce produit imite fidèlement tous les détails d'un
ornement en bois ou en plâtre, affirme Jean-Guy Héon, associé principal chez
Héon Novation, un distributeur d'ornements en polyuréthane et autres ornements
d'imitation (ex. : pvc cellulaire). Il a l'avantage de durer plus longtemps que
le bois, et ne nécessite aucun entretien. Sylvain Charette peut en témoigner :
il a de tels ornements sur sa maison depuis 1983 et ils sont encore en très bon
état.
Cependant, ce type d'ornements fait face à de la résistance
de la part de certaines villes et arrondissements. « Il y a beaucoup
d'ignorance de la part des responsables au sujet des vertus de ces produits,
dit-il. Certains acceptent les imitations alors que d'autres ne veulent que des
ornements architecturaux d'origine. »
Le plâtre
Tel que mentionné précédemment, des ornements architecturaux
peuvent aussi être installés à l'intérieur des résidences. C'est dans ce
créneau que se spécialise Cornici Créations. Dino Predant, propriétaire de
l'entreprise, fabrique des ornements en plâtre, sur mesure ou non, depuis 1992.
Avant, l'entreprise était dirigée par son père. Le produit est assez cher et
s'adresse à des propriétaires aisés qui souhaitent donner un cachet unique à
l'intérieur de leur résidence.
Les produits les plus en demande sont les manteaux de foyer
en plâtre ou en pierres reconstituées (ils ont l'avantage d'être à l'épreuve du
feu), les ornements autour des plafonniers, les colonnes entre le salon et la
salle à manger et les moulures de plâtre qui font le tour dans le haut des
pièces.
Bien que son entreprise soit basée à Trois-Rivières, ses
produits sont vendus dans toute la province. « On fait beaucoup de construction
neuve haut de gamme mais aussi des résidences en rénovation. »
Bref, l'entrepreneur qui souhaite installer des ornements
architecturaux à l'extérieur comme à l'intérieur d'une habitation, à la demande
de son client, a vraiment l'embarras du choix.
Source : Magasine Québec habitation aout 2014. Publié
par l'APCHQ Provinciale