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  LE PAPOTIN / Chronique historique

Qui a tué Lily Powel?


Par Jacques Robert, Société d’histoire de Dudswell
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Mercredi le 13 août 2014

Vers la fin des années 1870, la famille Powel, originaire de Birmingham en Angleterre, vint s'installer à Dudswell.

Le père, le Révérend Frederick Powell, un ministre congrégationaliste, pratiqua quelques temps son ministère à Dudswell Sud1 et à Marbleton. La mère, Elizabeth Wright, décédée quelques années auparavant en Angleterre, avait laissé une petite fortune à séparer entre ses deux enfants à leur majorité, Lily et Milton Dilwarth Powel. L'argent irait en dernier lieu au père, advenant le décès des enfants.

Le 28 juillet 1885, Milton Powel âgé de 10 ans, se noyait dans le lac d'Argent2 dans des circonstances nébuleuses. L'enfant fut inhumé dans le cimetière anglican de Marbleton situé en face de l'église Saint-Paul, et l'affaire fut vite oubliée.

Quelques mois plus tard, Powel et sa fille Lily déménageaient à Danville ou la vie continua apparemment sans histoire. Le village de Danville était un endroit où il faisait bon vivre. La vie était centrée autour des fermes, de la station de chemin de fer et particulièrement autour de l'église où la vie sociale se déroulait. Les gens venaient là pour écouter de la musique, des poèmes dits par des gens de la place et le dimanche, pour le sermon du Révérend.  Après le service, tout le monde restait sur le perron du sanctuaire pour écouter les potins de la semaine avant de retourner chacun chez soi pour le dîner.

Mais cette petite vie paisible ne semble pas avoir plu à Fred Powel puisqu'en 1887, il déménagea à Richmond où il tenait un magasin général. Lily resta dans la région et pensionnait chez M. et Mme Buchanan à environ un mile de Danville sur le chemin de Kingsey.

À cette époque, Danville était en effervescence. En effet, suite à une campagne de tempérance, plusieurs propriétaires d'hôtels faisaient face à des poursuites pour violation de la loi sur la vente des liqueurs. Parmi eux, il y avait Jonathan Sinnott, un ancien fermier tenant le Richmond Railroad Hotel.  Pour le bénéfice du lecteur, cet homme avait un fils de huit ans nommé Michael qui devint célèbre sous le nom de Mack Sennet, l'un des réalisateurs les plus importants du cinéma muet américain. De son vivant, on l'appelait « The king of comedy » (« Le roi de la comédie »).. C'est lui qui fut le promoteur, avec un groupe d'hommes d'affaires, de l'installation des fameuses lettres "HOLLYWOOD" sur une montagne de Los Angeles.

En 1888, la fête du Canada, le Dominion Day, tombait un dimanche. On fêta donc l'événement le  lendemain du jour du Seigneur, soit le 2 juillet. L'Armée du Salut présenta un concert à Danville et Lily était de la fête. Mais vers les dix heures du soir, elle décida de rentrer chez elle, seule, ayant refusé l'offre d'un copain de l'accompagner.

Le mercredi suivant, le 4 juillet, Ephraim Cleveland se leva très tôt. C'était un beau matin chaud et ensoleillé qui annonçait une journée idéale pour le ramassage du foin. Après un petit déjeuner frugal, il  harnacha ses chevaux à la charrette et s'engagea sur le chemin de Kingsey qui le conduirait à son champ. Chemin faisant, il remarqua un chapeau de femme dans le fossé. Il le ramassa et l'accrocha à la clôture de façon à ce que la propriétaire puisse éventuellement le récupérer.

Quelques jours plus tard, il apprit la disparition de Lily Powel. L'histoire du chapeau lui revint à la mémoire et il décida de retourner sur place avec un voisin. En plus du chapeau, ils découvrirent un sac à main taché de sang. Dans celui-ci, ils découvrirent une lettre écrite de la main de la disparue. Elle était adressée à George Pierce mais n'avait évidemment pas été postée.

Très perturbés, ils retournèrent au village et en avisèrent les autorités. Un groupe de voisins commencèrent aussitôt des recherches sur les lieux de la disparition. Deux membres de l'équipe, Ephraim Cleveland et George Gibson, découvrirent un endroit où l'herbe avait été écrasée comme si on avait traîné quelque chose. Ils suivirent la trace jusqu'à une petite rivière où ils découvrirent le corps de Lily caché dans les roseaux. Ils découvrirent également des traces de chaussures d'un homme qu'ils suivirent jusqu'au chemin entre l'école et le moulin à scie de George Allen.

À Danville, tout le monde connaissait la jeune fille qui devait fêter ses 21 ans quelques jours plus tard, devenant ainsi l'unique bénéficiaire de la petite fortune laissée par la mère, son frère étant décédé.

Le docteur Speer, le coronaire de Danville qui examina le corps de Lily, rapporta que la malheureuse avait été frappée à plusieurs reprises à la figure. Elle avait deux dents cassées et le visage affreusement tuméfié. Elle n'avait pas été violée, mais on retrouva, près de son corps, des indices qui prouvaient qu'elle avait chèrement défendu sa vie.

La cause fut confiée au détective Dyson de Richmond. La plupart des jeunes gens de la région furent interrogés sur leurs allées et venues du soir de la disparition. Plusieurs mentionnèrent qu'en retournant chez eux par la fameuse route, ils avaient entendu des cris étouffés dans la nuit, qu'ils avaient crié mais que personne n'avait répondu. Ils avaient finalement pensé que ce devaient être les plaintes d'un animal.

Malgré une longue enquête et l'offre d'une récompense de $1500 (une vingtaine de milliers de  dollars d'aujourd'hui), le meurtrier ne fut jamais retrouvé mais, à cause de l'héritage, les  enquêteurs soupçonnèrent longtemps le Révérend Powel, alors remarié et marchand prospère à Richmond. 

Selon l'enquête, il était seul à connaître les clauses testamentaires qu'il avait toujours gardé secrètes. Lily ne savait donc pas qu'elle hériterait d'une fortune à son 21e anniversaire. La mère morte en Angleterre, le fils noyé à Marbleton et la fille assassinée à Danville, le père héritait d'un important montant d'argent, ce qui aux yeux de la justice, était un mobile à toute épreuve. Mais il ne fut jamais accusé du meurtre, faute de preuves.

Sources: The Richmond Guardian, The Sherbrooke Examiner and The Waterloo Advertiser.



1 Petit village situé à l'intersection de la route No 1 et le chemin du Bassin Nord.

2 On retrouve cette information dans le journal intime de J.R. Andrews, bien connu à Dudswell. Il était le père de Clift Andrew, propriétaire d'un magasin général à Bishop's Crossing.  Aussi dans "Cimetières des Cantons de l'Est".



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