L'expression date.
« L'avenir est aux gens qui se lèvent tôt ». Le genre de proverbe qui parle. La paresse étant associée aux gens qui se lèvent tard, il est clair que l'avenir ne peut appartenir à cette catégorie de gens.
Toutes choses étant égales (ceteris paribus, disait-on en latin, avec que la langue ne meure...), il convient de les remettre en contexte. Le cultivateur a appris à se lever tôt. Le livreur de lait et de journaux aussi. Les commerçants reçoivent leurs denrées fraîches tôt. Bien des tâches sont en lien avec le fait de se lever tôt.
Mais...
On travaille de plus en plus dans des cadres horaires éclatés. La conciliation travail-famille, le souci de productivité, le respect des horloges biologiques personnelles, tout fait en sorte que la vaillance n'appartient plus seulement à quiconque se lève tôt.
En fait, l'illustration est simple : on ne peut pas tout régler, comme cela, sur la simple évocation d'un proverbe, si songé soit-il. Si j'avais le pouvoir de décréter quelque chose, ce serait ceci : je décréterais la fin de cette habitude qui consiste à tout régler dans une phrase courte, savamment étudiée pour plaire et qui semble contenir toute la logique nécessaire au raisonnement.
À titre d'exemple, il faudrait bannir la dernière campagne électorale! Rien de moins! Un ramassis de petites phrases étudiées et répétées à outrance et qui finissent par prendre la forme d'une vérité dans la tête de l'électeur.
Tout pour être élu et on verra ensuite.
Il n'y a pas que les politiciens qui étudient les phrases-chocs pour moraliser et expédier leur message. Le président des dépanneurs Couche-Tard s'est adressé au bon peuple il y a quelques semaines : « Le Québec est sur le BS", a dit le riche entrepreneur. Il parlait d'une société sans valeur qui vit d'une trop grande péréquation. Le BS, quoi...
Il souhaite plus de sous pour les entrepreneurs qui, eux, sont en mesure de créer une richesse qui, elle, va réduire la dépendance du Québec à la péréquation.
C'est la déclaration d'un entrepreneur, symbole ultime et autoproclamé de cette réussite, qui se donne le droit de juger, ma foi, facilement, les gens et les institutions autour.
Le BS... Quand j'étais plus jeune, un bonhomme du quartier vivait « sur le BS », disait-on. Ce qui était vrai. Poqué de la vie, sans doute, il s'enfonçait dans sa routine au fil des jours.
Maman nous disait que « c'était de valeur » et faisait tout pour nous mettre en garde contre les écueils de la vie qui peuvent mener là. Pour elle « c'est de valeur » ne voulait pas dire « pauvre victime de la vie ». Ça voulait dire «c'est triste à voir quand on sait qu'on peut faire tellement mieux de ses 10 doigts ». Mais elle se gardait bien de juger trop vite. Papa répétait qu'il faut marcher un mille dans les souliers de quelqu'un pour le comprendre un peu.
Le menu de mon bonhomme sur le BS était constitué de bière, beaucoup de bière. Ses portions de légumes étaient faites de chips et, pour les jours de grande sobriété, il buvait du Coke. Ou du Pepsi. Ça dépendait des spéciaux.
Mon ironie naturelle a refait surface : le menu de mon bonhomme, c'est pas mal basé sur les items qui ont rendu notre gars de dépanneur riche à craquer...
Mais, au-delà de l'ironie, il y a cette dangereuse utopie : croire et faire croire que les succès des entreprises peuvent guider une société. Que le bien privé peut avantageusement remplacer le bien public. Donner un spectacle devant une Chambre de commerce et porter, du même coup, un regard injuste sur un système de répartition des deniers publics, voilà qui est peu édifiant et passablement irresponsable, mon cher monsieur.
Et, pour « parler dépanneur : « un billet de loterie avec ça, mon capitaine? »
Clin d'œil de la semaine
Comme disait le gars de dépanneur : l'avenir appartient aux gens qui se lèvent tôt.. et qui comptent l'argent dépensé par ceux qui se couchent tard...