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Rue Frontenac : lettre ouverte de Marcel Boisvert


3 juillet 2011
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Dimanche le 3 juillet 2011

Le vice-président au développement des affaires et directeur général d'Estrieplus.com, Marcel Boisvert, a récemment acquis les actions du journal RueFrontenac.com.

Rappelons que ce sont les lockoutés du Journal de Montréal qui ont démarré ce portail web dans le but de poursuivre leur travail en janvier 2009.

Le 1er juillet dernier,  les 45 employés ont cessé toute collaboration sur ce site avant d'avoir pu s'entendre sur la nouvelle forme et vocation à donner au projet.

Selon leur porte-parole, Jean-Francois Codère, les négociations avec les employés ont achoppé sur de nombreuses questions fondamentales, dont la liberté éditoriale. De plus, le plan de travail, la solidité financière du nouveau propriétaire et des doutes sur la réputation de certaines personnes associées à ce dernier seraient aussi la cause de l'insatisfaction des employés selon certaines autres sources.

Ce nouvel acquéreur, Marcel Boisvert, publie donc une lettre ouverte afin de donner des explications sur les démarches entreprises jusqu'à maintenant.

*****

Par la voix du crayonneur

Sherbrooke - Depuis le 1er juillet, il s'est dit et écrit beaucoup de choses concernant Rue Frontenac. Pour être complet, il ne manquait que le point de vue du soussigné, propos que je me permets de publier ci-après.

Qui suis-je? Un homme d'affaires de l'Estrie qui est impliqué dans divers projets Web depuis 15 ans, incluant le populaire site de petites annonces Les PAC et le portail d'informations régionales EstriePlus.com. C'est dire que mes affaires n'ont ni la taille ni le rayonnement de Quebecor ou de Transcontinental. Toutefois, je suis tenant d'une approche prudente qui me permet habituellement d'atteindre mes objectifs.

Le titre de cette chronique renvoie au leitmotiv utilisé par les lockoutés du Journal de Montréal, « par la bouche de nos crayons », des journalistes qui ont eu le courage de démarrer un quotidien en tant que moyen légitime de combat, un courage auquel j'ai voulu m'associer, même après l'entente avec Quebecor et le retrait de la CSN. Dans le texte qui suit, je vais  tenter de vous expliquer comment.

Le titre réfère également à la faiblesse de mes aptitudes en communication. Avoir bien réussi cet aspect de ma relation avec les journalistes de Rue Frontenac, il est possible qu'ils n'auraient pas agi comme ils l'ont fait le 1er juillet dernier. Du moins, je le crois.

Voici le récapitulatif des faits:

1- En mai dernier, à l'occasion de rencontres avec les propriétaires de l'entreprise Rue Frontenac inc., j'ai pu leur expliquer ma vision journalistique et mon intérêt envers leur journal en ligne. Essentiellement, ce quotidien deviendrait le portail principal, c'est-à-dire le « national », d'un réseau québécois de portails régionaux plus modestes qui pourraient reprendre des textes ou des photos du « national » en plus de produire leur propre matériel. J'avais notamment en poche l'exemple estrien auquel j'ai fait référence plus haut soit celui d'Estrieplus.com. Le 23 juin, j'ai même été en mesure de présenter la maquette de ce à quoi pourrait ressembler le nouveau Rue Frontenac.

2- Le 15 juin, mon aventure a démarré. J'ai signé une entente avec les trois propriétaires de l'entreprise disant que  je devenais actionnaire unique de Rue Frontenac. Cette modalité m'a permis, avec l'avocat du journal, d'aller demander et obtenir un délai avant la faillite. Ainsi, la date butoir est passée du 17 juin au 1er août.

Un mot ici sur le syndic dont le mandat est de s'assurer que l'actif soit protégé au nom des créanciers. Il a été clairement entendu que le site de Rue Frontenac devait être ouvert et accessible en tout temps jusqu'au 1er août.

3- Depuis le 15 juin, l'avocat au litige a entrepris, à ma demande, de régler trois poursuites totalisant plus de 1 M$, poursuites qui ajoutaient aux tracas des artisans de Rue Frontenac. Présentement, nous sommes sur la bonne voie pour conclure une entente à l'amiable dans deux des trois affaires.

4- Dans les jours qui ont suivi le 17 juin, j'ai participé à un montage financier avec l'aide d'un expert sur ces questions, ce qui est à l'origine d'un fond potentiel de roulement de 1,2 M$ permettant à Rue Frontenac de se rendre en décembre 2011. De plus, pour survivre jusqu'au 1er septembre, une somme additionnelle (bridge) de 200 000 $ a été prévue. Il ne restait que quelques détails à préciser.

5- Dans la semaine du 20 juin, j'ai contribué aux négociations et au règlement de la signature d'un nouveau bail et du déménagement « pressé » de l'entreprise prévu dans la semaine du 4 juillet.

6- Le 29 juin, j'ai rencontré l'équipe de direction du journal et on a discuté d'un acheteur national (multinational) d'informations soi-disant intéressé par le contenu de Rue Frontenac. Hélas, l'acheteur ne s'est pas présenté à la réunion et j'ai dû assumer seul les frais encourus.

7- Le 29 juin, j'ai reconfirmé à l'équipe de direction que j'avais embauché, à mes frais, Michel Strecko en tant que conseiller ad hoc pour me guider légalement dans les dédales de la loi sur les faillites et dans celles du monde des syndics. C'est cet expert contractuel que certains ont tenu à présenter, sans le nommer, comme étant un de mes « associés » alors que je n'en ai aucun!

8- Le 30 juin, l'équipe de direction a voulu connaître l'identité du monteur financier qui m'avait conseillé dans le projet de 1,2 M$, suivi du 200 000 $. Je les ai informés qu'ils pourraient l'obtenir en signant une entente de non-divulgation. Plus tard, les trois membres de la direction m'ont confié qu'ils n'avaient pas l'intention de me suivre avec mon plan et avec ma vision.

9- Plan et vision que j'ai expliqués, peut-être maladroitement, à tous les collaborateurs de Rue Frontenac qui se sont présentés à 14 h le même jour. En gros, il a été question d'engager par contrat un certain nombre d'entre eux dès le 1er août, ce qui devait permettre, si le montage financier fonctionnait tel qu'annoncé, d'embaucher tout le monde en septembre. Mais en attendant, il fallait passer au travers de juillet, un mois de peu de fréquentations pour lequel je ne disposais pas de fonds. J'ai donc offert d'embaucher une ou deux personnes pour assumer une présence minimaliste, question de garder la flamme allumée. Il y aurait une chute dans les statistiques de fréquentation, c'est certain, mais tout pourrait revenir à la normale dès les mois suivants. C'est toujours ainsi.

10- En fin de journée, des porte-paroles du personnel m'ont informé que tout le monde quittait, personne ne voulant m'aider à remonter ce journal. Devant mon inquiétude, on m'a toutefois garanti que le local et les actifs seraient en sécurité jusqu'au lundi 4 juillet.

11- Le 1er juillet au matin, j'ai réagi à leur décision de quitter le navire en demandant aux ex-responsables qu'ils me fournissent tous les accès électroniques nécessaires au site Web et à ses extensions dans les réseaux sociaux. En même temps, je leur ai indiqué qu'ils n'avaient désormais plus le droit de les utiliser.

12- Le 1er juillet en après-midi, une personne de la direction de Rue Frontenac utilisait les accès pour retirer tous les articles en ligne, vidant complètement la publication de son contenu. C'était en dérogation avec ma directive du matin. C'était également en dérogation avec la promesse de garder les actifs en sécurité jusqu'au 4 juillet.

13- Le 2 juillet vers midi, je recevais les accès Web demandés, à l'exception de celui relatif à la banque de photos.

Et maintenant ?

Il semblerait qu'il n'y ait rien de facile en ce bas monde et je me trouve bien placé pour en parler. Que puis-je faire maintenant que le contenu a été vidé? Avec les articles, la crédibilité de Rue Frontenac en tant qu'outil fiable et quotidien d'informations de qualité est disparue. En tout cas pour l'instant. Je veux bien continuer à le garder vivant, mais si plus personne n'en veut, je ne sombrerai sûrement pas dans l'acharnement thérapeutique.

En deux semaines, du 20 juin au 2 juillet, deux semaines bardées de congés fériés, dois-je le rappeler, j'ai fait ce que j'ai pu. Idéalement, il me semble qu'avoir pu bénéficier d'un peu plus de temps, des écueils auraient pu être évités dont certains pouvant avoir de fâcheuses conséquences.

On peut comprendre qu'à la suite du geste posé, avec tout le dommage que cela implique, mes financiers et le syndic vont réagir. Mais j'ignore comment et je ne le saurai que dans les jours qui suivent. Je verrai alors s'il subsiste des possibilités de relance.

Mais relancer quoi ? Un titre que ses artisans viennent de bafouer? Ne serais-je pas mieux de me retirer et de modifier mon plan de match? L'intérêt de Rue Frontenac était sa réputation de qualité et sa fréquentation. J'estime qu'en le vidant de sa substance, on a fait disparaître les possibilités de redressement.

Je comprends de cette courte saga que les artisans n'ont pas voulu attendre que je termine mes démarches de redressement. N'ayant pu s'associer à un gros diffuseur comme Transcontinental, une catégorie d'entreprise pouvant leur assurer la sécurité financière recherchée, ils ont préféré  ne pas faire affaire avec un joueur de plus petite taille et ils ont sabordé leur publication.

Merci d'avoir pris le temps de me lire.

Marcel Boisvert, actionnaire de Rue Frontenac, mb@fastoz.com

Ajout : Un autre texte explicatif a été publié le lundi 4 juillet à ce sujet. Vous pouvez le lire ici: http://www.estrieplus.com/contenu-0404040431333535-15397.html


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