Le journaliste Kéven Breton se joint à l'équipe d'EstriePlus.com, le temps d'une collaboration spéciale, afin de nous partager son expérience en tant qu'étudiant à mobilité réduite à l'Université de Sherbrooke.
Le journal EstriePlus.com m'a approché avec une question pas mal pertinente : « Pis? C'était comment étudier à Sherbrooke, en fauteuil roulant? »
Oh boboy.
Mise en contexte : à 19 ans, comme pas mal de finissants du cégep, je devais choisir une ville où poursuivre mes études au niveau universitaire. J'ai choisi Sherbrooke un peu à l'aveuglette, parce que j'aimais bien la couleur verte et/ou le programme de communication de l'UdeS, je ne sais plus. C'était vraiment un coup de tête.
Avec un peu de recul, aller étudier sur ce qu'on surnomme affectueusement « la colline universitaire », pour une personne comme moi qui préfère la vie à l'horizontale, ne fut pas ma plus brillante idée.
Néanmoins, malgré toutes ces heures à chialer contre la déclivité de la ville, ou contre le mauvais service de déneigement, ou contre le peu d'accessibilité qu'offre le transport de la STS, ou contre la loi de la gravité en général, je garde un excellent souvenir de mes quatre années à Sherbrooke.
7 : 00 Une heure et cinquante minutes avant le début de mon cours. C'est tôt pas mal. D'autant plus que, lors de mes trois premières années à l'Université, j'ai habité aux résidences « E », situées à quelques mètres seulement de ma faculté, celle des lettres et sciences humaines. Un chemin qui devrait prendre tout au plus cinq minutes à parcourir.
Mais février étant ce qu'il est, le trajet devenait un véritable pèlerinage en hiver. Je prenais donc l'habitude de me lever tôt pour affronter les accumulations de neige et être certain d'arriver à l'heure, à mes cours.
7 : 30 Après ma douche, je consulte où en est rendu ma pétition électronique « Pour une interdiction formelle des rassemblements de flocons de neige » : 42 signatures, pas pire.
8 : 00 Bien en selle dans ma Invacare, je brave la tempête.
8 : 01 Les roues pognées dans une congère, je me fais aider par un étudiant qui passait heureusement par là. À tous ces gentils inconnus qui se sont arrêtés pour me prêter main-forte, un gros merci. Souvent, emmitouflé dans un manteau plein de gadoue, avec le nez qui coule, je ne prenais pas le temps de bien vous remercier, mais sachez que j'appréciais beaucoup votre aide.
8 : 50 J'arrive à mon cours les doigts gelés, les gants plein de sel, et les roues enneigées. C'était pas mal facile de me suivre « à la trace », dans cette faculté.
11 : 40 Mon cours se termine. Le prochain est seulement à 16 h. Mais pas question d'affronter les sentiers enneigés une seconde fois pour retourner chez nous. Je patiente donc à la cafétéria.
12 : 00 J'ai vraiment le goût d'une salade au thon.
12 : 05 La salade au thon est une étagère trop haute et je me contente d'une salade de pâtes peu fraîche.
16 : 00 J'entre dans le local de mon deuxième cours, un laboratoire informatique dont tous les postes de travail sont constitués d'un ordinateur et d'une chaise pivotante... soudée à la table de travail. Je dois donc m'installer au fond d'une rangée, l'écran d'ordinateur incliné.
19 : 00 Je vais animer une émission à la magnifique radio étudiante CFAK. Le studio est situé dans un bloc des résidences G, tout en haut du campus. Je dois donc prendre mon auto pour m'y rendre. Une fois en haut, il n'y a pas de trajet accessible et il faut emprunter un sentier sur le côté, épreuve que je ne peux accomplir sans l'aide de mes vaillants coanimateurs.
20 : 00 Pas mal occupé, le gars, je ferme le micro et je me rends au Cartier, chic restaurant sur la rue du même nom à Sherbrooke. Non pas que j'ai des goûts gastronomiques très raffinés, mais c'est là que je faisais de l'impro avec la ligue universitaire, la KOCUS (maintenant la LUIS). Il y a trois étages à monter, et évidemment pas d'ascenseur. De sorte que dans mon équipe, il y avait toujours au moins 2-3 gars pas mal musclés.
22 : 00 Je reviens chez nous, en voiture - parce que les autobus de la STS ne disposent pas, comme ceux de la STM, d'une rampe d'accès.