Il se
faisait appeler Bongo. Connaître son vrai nom serait inutile de toute façon.
Dans
cette école primaire, on réunissait les 4, 5 et 6e année. Un peu de 7e.
Ça trahit l'époque. Il fallait voir l'asphalte de la cour de l'école se remplir
et se vider des élèves au gré de la sonnerie de la cloche. Comme une marée qui
monte et redescend.
Le
plaisir était généralement de la partie, sur ce bitume déroulé comme un grand
tapis de jeu, avec ses lignes qui délimitaient les terrains de
ballon-prisonnier ou de drapeau. Le long du bâtiment scolaire, à l'ombre, les
filles jouaient aux élastiques, comme on le disait dans le temps. Les gars ne
jouaient pas à ça. « Trop facile! Pffff.... » J'aurais aimé voir une
prestation masculine à ce jeu... Potentiel replacement de l'égo en vue!
Puis,
Bongo arrivait. Baveux, frondeur, il écœurait. Il insultait. Il déstabilisait
ses victimes. Sans vouloir faire de psycho pop, Bongo avait l'air de compenser beaucoup
trop généreusement son manque de confiance en soi. Derrière et autour de lui,
d'autres intimidateurs. Moins braves. Subalternes. Pas aussi convaincus et souvent
maintenus là, je le réalise maintenant, par une menace directe : « tu
t'éloignes et t'es faite, cré-moé! »
Aux
intimidés, même méthode, mais différent vocabulaire : « ostie de looser,
tu parles de ça à quelqu'un et tu payes pour! Tu stooles, t'es faite! »
Puis à
un moment donné. Sans trop qu'on sache pourquoi, Bongo n'était plus là. Pour
dire vrai, à l'époque, on se foutait du pourquoi... Certains des intimidateurs
subalternes se sont juste mêlés au reste du groupe, les autres ont continué d'écœurer,
mais, leur leader n'étant plus là, ils se sont tranquillement effacés dans
l'espace bruyant et, je répète, généralement heureux!
Cette
histoire est un mélange de différentes histoires. Vraies, toutefois.
Et c'est
à ça que je pensais, ce samedi, en écoutant Joe Biden parler aux Américains.
Comme pour mon intimidateur, Trump allait partir. Deux différences, par
contre : Trump ne partira pas sans faire de trouble et de bruit et on sait
très bien pourquoi il quittera la présidence!
Trump
est et demeurera un intimidateur. Un pur-sang, qui plus est. D'ailleurs, ce sang
du pur dont il se réclame toujours le fait sentir supérieur à toutes et tous.
Le
droit à l'espoir
À
l'époque où Bongo gossait dans la cour de l'école, les élèves traînaient un
désagréable goût de craie dans la bouche de récréation en récréation; d'entrée
de classe à sortie de classe. Un climat négatif. De tension négative. De peur
un peu glauque. Déprimante, à la longue. Un climat dont la lourdeur fait courber
les échines un peu. Un climat qui force l'abaissement des yeux. Yeux qui ne
bénéficient plus du soleil ambiant.
Ces
derniers mois, Covid-19 oblige, j'ai lu et reçu plein de messages de gens qui entretiennent
ce genre de climat. Des gens qui veulent me convaincre d'une grande machination
quelconque quelque part. Des gens qui veulent alourdir les échines et abaisser
les regards. Qui me demandent d'ouvrir mon esprit, de faire faire mes
recherches! Le mal est partout autour. Partout! C'est une grande mafia qui nous dirige.
Hé, ho!
Ça fait! Ça devient une malsaine pression qui relève de la manipulation.
L'intimidation
est partout. Dans les cours d'écoles réelles comme dans les virtuelles. Les
médias sociaux en regorgent.
Pourtant,
aujourd'hui, et à l'écoute du discours de Biden samedi soir, je revendique le
droit à l'espoir.
Le Bongo
américain va partir.
Je ne
suis pas naïf au point de croire que la transition va bien se faire ou que,
subitement, tout est réglé. Dans les faits, rien ne sera jamais complètement
réglé puisque la société est et demeurera évolutive.
Mais
j'ai l'espoir en la décence. Je mise sur le savoir-vivre.
Je
revendique le droit à l'espoir, ne perdant pas de vue que les choses arrivent
dans l'action. Mais j'ai le goût d'y croire. J'adhère aux propos de Biden qui
veut qu'on réapprenne à se regarder, à s'écouter. Bon... Beaucoup trop de
bondieuseries à mon goût à la fin du discours, mais c'est aussi ça, les
États-Unis!
Malgré
tout, je revendique tout de même ce droit à l'espoir.
Quoiqu'en
dise Trump, un point demeure : les gens n'ont rien volé. Ils ont voté. C'était
la première action à poser.
Je
revendique donc le droit de faire confiance à la science. De faire confiance au
dialogue. À l'ouverture à l'autre. Au droit au désaccord sans que des insultes
pleuvent.
Je
revendique le droit d'être clairvoyant, mais bienveillant.
Clin
d'œil de la semaine
J'emprunte
mon clin d'œil à mon ami Claude : « Certains appellent Trump Tycoon.
Ici, on dit plutôt « ti-coune » ...